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AB 2000 studies

Alain Boublil Blog

 

La crise des BRICs

L'été 2013 restera marqué par la fin d'un concept, les BRICs, acronyme inventé il y a dix ans par les économistes de Goldman Sachs. En réunissant sous le même vocable quatre pays, le Brésil, la Russie, l'Inde et la chine, auxquels on adjoindra plus tard l'Afrique du Sud, pour ne pas laisser le continent africain en dehors, la banque avec un sens aigu du marketing visait...

Plus la commercialisation de produits financiers adossés à ces pays qu'à créer un concept censé représenter la marche à suivre pour les pays émergents, concept qui a eu son heure de gloire durant la "double crise", subprime puis euro, qui a frappé les pays développés. Les BRICs, eux ont alors été bien moins affectés et ont poursuivi leur croissance. L’été 2013 marque la fin de cette singularité, sauf pour la Chine, et donc du concept car il reposait sur l'idée fausse suivant laquelle ces pays avaient des caractéristiques communes et donc des trajectoires parallèles.

La déception la plus grande vient sans doute du Brésil. Mais n'était-ce pas prévisible ? L'ascension, purement comptable, du pays en 2011 au rang de 6e puissance économique, dépassant le Royaume-Uni et talonnant la France n'était due qu'à une surévaluation de sa monnaie, le réal, et à l'exportation de matières premières, du soja et du minerai de fer, en Chine.

Les anticipations reposaient sur les effets jugés bénéfiques de l'attribution au pays de l'organisation de la Coupe du monde de football en 2014 et des Jeux olympiques en 2016 et sur la découverte de gisements de pétrole géants, mais difficiles d'accès dans l'océan atlantique. Rien ne dit que ces deux manifestations dont le coût est dénoncé par la population déboucheront sur la création d'infrastructures dont le pays a cruellement besoin.

Quant au pétrole, les déboires de la nouvelle star des affaires brésilienne, Eike Battista, montrent bien que le chemin est long et périlleux entre la découverte d'un champ de pétrole et sa mise en exploitation. Entretemps, le ralentissement de la croissance chinoise a fait baisser le cours des matières premières et le Réal s'est effondré, passant de 2,35 pour un euro en janvier 2012 à 3,20 à la fin du mois d'août 2013.

Tout n'est évidemment pas sombre et le fait que le pays soit désormais doté d'un système politique stable et démocratique est un immense progrès, au même titre que les réformes sociales qui ont fait sortir de la pauvreté des dizaines de millions de Brésiliens. Il reste pourtant beaucoup à faire, abandonner un protectionnisme qui sclérose l'industrie, mieux exploiter la richesse culturelle et la créativité d'un peuple et investir pour accueillir les millions de visiteurs qui rêvent de découvrir un pays unique, mais dont la balance touristique est... déficitaire.

La Russie, à la différence du Brésil, n'a pas à inventer son modèle de développement. Celui-ci est tributaire de sa production de pétrole et de gaz qui représente les trois quarts de ses exportations.

Si le pétrole est en plein essor grâce à l'Europe dont les ressources en mer du Nord s'épuisent et à la Chine dont la demande est croissante, il n'en va pas de même du gaz naturel confronté à la fois à l'essor du gaz de schiste qui pèse sur les cours et affecte les projets des pays importateurs, et à la chute des cours du charbon qui le détrône, en Allemagne et dans une moindre mesure en France, dans le mix électrique.

Il n'est donc pas surprenant que la croissance russe se situe autour de 2 %, à un niveau qui ne lui permet plus de se classer parmi les locomotives de la croissance mondiale. L'incapacité du pays à se doter d'un régime politique et juridique compatible avec le développement des entreprises, au-delà de quelques secteurs de l'industrie lourde, explique bien, avec le déclin démographique, le faible dynamisme russe qui restera longtemps encore tributaire de la conjoncture pétrolière et gazière.

Quant à l'Inde, le pays n'a dû sa présence dans la sélection de Goldman Sachs qu'à la taille de sa population et, surtout, à la volonté du monde anglo-saxon de trouver, sinon d'inventer, un contrepoids à la Chine. Londres est la place financière préférée des Indiens et souvent le refuge de ses milliardaires.

Si, pendant quelques années, et partant d'un niveau de la production très faible, qui permettait d'afficher des taux de croissance élevés, le pays a pu faire illusion, ses entreprises, à l'exception des services informatiques qui bénéficient d'une main-d'oeuvre très qualifiée et peu payée, ne sont pas encore en mesure d'assurer une production de qualité capable de garantir un niveau de croissance et d'emploi durable. La spéculation boursière a pris fin, le déficit extérieur s'est creusé, la roupie s'est effondrée et le pays est à la veille de demander l'aide du FMI.

Reste donc la Chine qui poursuit imperturbablement sa route, certes avec un taux de croissance un peu plus faible, mais il ne faut pas tomber dans le fétichisme des décimales. La Chine de 2013 n'est plus celle de 2003. Son PIB a triplé et un taux de croissance de 7 % correspond à une augmentation de la production en valeur absolue bien supérieure à celle observée il y a dix ans quand la croissance dépassait 10 %.

Mais le modèle chinois évolue. La hausse des salaires va inévitablement détourner les entreprises qui voyaient dans le bas coût du travail la principale raison de leur présence en Chine et affecter les exportations, ce qui rééquilibrera le modèle de développement au profit de la demande intérieure, conformément aux voeux de la nouvelle équipe dirigeante.

Mais ce voeu se heurte à une difficulté : l'autre moteur de la croissance, l'investissement a été largement financé par emprunt, notamment au niveau des provinces, faisant peser une menace sur la solidité du système financier du pays. Pour y parer, les banques accumulent les profits sur le dos des épargnants en leur servant des intérêts très faibles, lesquels, à la différence de leurs homologues occidentaux, sont poussés à épargner davantage pour maintenir leurs revenus. Le gouvernement devra donc trouver un délicat équilibre entre ses deux priorités, maintenir la stabilité financière d'un côté et inciter les Chinois à consommer davantage.

L'évolution divergente des économies des BRICs confirme le caractère artificiel du concept. Ce ne sont ni la crise de la zone euro, ni les incertitudes de la politique monétaire américaine à la suite des annonces de la FED qui sont la cause des problèmes auxquels sont confrontés ces pays, et qui avaient été un temps cachés, mais bien la difficulté à franchir avec succès une nouvelle étape de leur développement.