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AB 2000 studies

Alain Boublil Blog

 

Les mauvais chiffres de l'économie française

La publication des chiffres du commerce extérieur (déficit en hausse) et de la production industrielle (en baisse), venant après l’annonce de la stagnation du PIB au deuxième trimestre, clôt la série des mauvaises nouvelles pour l’économie française. La question n’est donc plus de savoir si « elle va mieux », mais pourquoi elle va mal. En cinq ans, la croissance n’aura jamais dépassé 2%. C’est sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale. C’est aussi sans équivalent pour un pays développé qui connait un dynamisme démographique comme le nôtre. L’Allemagne, l’Italie et bien sûr le Japon sont confrontés à la stagnation. Mais leur population aussi, quand elle ne baisse pas de façon significative. En France, la population augmente de près de 1% par an et nous nous réjouissons, à juste titre, d’être avec l’Irlande, le pays d’Europe, où la fécondité est la plus élevée. Mais à quoi cela mène-t-il si les bébés d’aujourd’hui feront les chômeurs de demain ?

Ces piètres performances depuis le début de l’année sont d’autant plus préoccupantes que nous avons eu un jour de plus, puisque 2016 est une année bissextile, et deux jours fériés en moins, puisque le 1er mai et le 8 mai tombaient un dimanche. Les chiffres de l’INSEE nous dit-on, sont corrigés des variations saisonnières et du nombre de jours ouvrables. L’Institut devrait au moins expliquer comment cela se répercute sur les données qui ont été rendues publiques. A cela s’ajoutent les effets des décalages climatiques avec un début d’hiver anormalement doux et, au contraire, un printemps froid et humide. Quand les variations économiques sont aussi faibles, puisque l’évolution annuelle du PIB tourne autour de 1%, ces perturbations deviennent significatives et peuvent fausser l’analyse. L’enchainement d’une croissance de 0,7% au premier trimestre et d’un arrêt au second rend-il véritablement compte de la réalité ou est-il la conséquence des différentes corrections apportées ? La question se pose moins pour la production industrielle tant le constat est accablant : elle dépasse à peine le niveau enregistré en 2010. Le plus surprenant est l’ampleur des divergences entre branches, avec une forte hausse de la construction aéronautique, une stagnation de la production automobile, et une chute du textile, de la filière bois-papier et un véritable effondrement du raffinage (-35%). La fermeture d’installations non rentables est la conséquence de la préférence incompréhensible (et polluante) accordée au diesel. Au contraire, la chimie, les industries du luxe et des cosmétiques comme de la pharmacie, ont connu des progressions significatives, mais à peine suffisantes pour combler les baisses observées ailleurs. Ces divergences devraient faire réfléchir : elles démontrent que le concept de compétitivité, employé à tort et à travers pour justifier des aides aveugles accordées aux entreprises, devrait être manié avec prudence et n’a aucunement un caractère global.

L’évolution tout aussi préoccupante de notre commerce extérieur en est une illustration. Les avantages tirés de la chute des cours des énergies fossiles, ont été en partie perdus du fait de la hausse du déficit des produits manufacturés. Alors que sur la période 1990-2005, la France avait connu un excédent structurel, la stratégie de délocalisation des entreprises françaises et les ressources considérables employées pour réaliser à l’étranger des acquisitions qui se sont révélées souvent désastreuses au lieu de poursuivre l’effort de modernisation entamé durant les années 80, est la principale cause de l’aggravation de ce déficit. Le cas Renault est à cet égard emblématique tout comme la passivité de son actionnaire l’Etat durant toute cette période. L’affaiblissement industriel de la France est le résultat de ces erreurs stratégiques ou de ces comportements incompréhensibles, et non de coûts excessifs de production dont les salariés seraient les responsables. Le résultat, c’est que nos exportations durant le premier semestre sont retombées au niveau de 2012. Force est donc de constater que les mesures adoptées depuis quatre ans n’ont pas permis d’inverser la tendance, avec toutes les conséquences sur l’emploi que l’on a pu observer.

Pourtant le contexte international n’a jamais été aussi favorable. Même si elle s’est ralentie, la croissance des pays émergents ne s’est pas effondrée. Les pays développés, comme les Etats-Unis et l’Angleterre ont eu une activité plus forte que la nôtre. Et ceux qui avaient été les plus touchés par la crise comme l’Espagne connaissent une reprise sensible qui n’a pas davantage profité à nos exportations. La baisse de l’euro avait été présentée comme une solution. Elle n’a pas produit les effets escomptés. Quant aux investissements des entreprises leur faible hausse depuis neuf mois est sans rapport avec l’augmentation des marges. En l’absence de demande, pourquoi investir ? Et celles qui le voulaient n’ont pas pleinement bénéficié de baisse des taux d’intérêt car le durcissement des règles prudentielles, découlant des accords dits de Bâle III,  a dissuadé les banques de prêter aux entreprises. Dans ce contexte,  les PME ont été défavorisées par rapport aux grands groupes puisque ceux-ci avaient toujours la possibilité de s’adresser aux marchés financiers.  

Enfin le redressement qu’on aurait pu espérer des finances publiques depuis quatre ans, à la suite des fortes hausses d’impôts sur les ménages appliquées en 2012 et 2013, a été bien modeste. Durant toutes ces dernières années, le déficit est resté supérieur à 3%. Les engagements pour 2017 de revenir en dessous sont jugés à Bruxelles avec scepticisme. L’Etat n’a même pas su profiter de la baisse des taux d’intérêt pour alléger de façon significative le coût de sa dette. La pratique incompréhensible des « primes d’émission », dénoncée d’ailleurs par la Cour des comptes en est la cause. Pour les six premiers mois de l’année, on observe, ce qui est un comble, une hausse de  400 millions d’euros. Et cela ne va pas s’arrêter puisque le 4 août dernier, l’Agence France Trésor a persévéré en plaçant pour près de 4 milliards à des taux absurdes de 4,75% et 5,75%. Les trois milliards de primes n’entreront pas dans le calcul du déficit de l’année mais pèseront sur les exercices futurs. Or, depuis le début du mois, le taux à dix ans de la France tourne autour de 0,15%.

Les causes de ce qu’il va bien falloir appeler un échec sont multiples. La première est qu’il ne sert à rien de mener une politique de l’offre au moment où l’on pénalise la demande, avec la hausse des prélèvements, le blocage des salaires et la réduction des prestations sociales. La deuxième, c’est que la divergence des performances suivant les branches montre bien qu’il n’existe pas de cause unique, comme le coût du travail ou l’excès de protection des salariés,   aux piètres performances de l’économie française. Les erreurs de politique économique ont leur part de responsabilité. Mais les comportements des agents aussi. Nombre d’entreprises françaises ont suivi des stratégies qui les ont menées dans l’impasse quand ce n’était pas à la faillite ou à la reprise par un groupe étranger, ce qui n’est pas très différent. Il va bien falloir aussi expliquer un jour aux consommateurs qu’ils ne peuvent pas bénéficier de tous les avantages de la mondialisation, baisse des prix et variété des produits offerts, sans qu’ils se préoccupent des conséquences de leurs choix sur le niveau de l’emploi et de protection sociale auxquels ils sont, à juste titre, attachés.