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Le blog d'Alain Boublil

 

Et si l'économie mondiale allait mieux ?

Les économistes et leurs commentateurs ont été traumatisés par la crise de 2007. Aucun d’entre eux, comme le remarqua un jour la reine d’Angleterre, ne l’avait vue venir. Pour qu’ils regagnent leur crédibilité, il fallait donc que chacun cherche une bonne raison pour prévoir le pire. S’il se produisait, ils seraient des génies. Et si rien n’arrivait, tout le monde aurait oublié leurs propos pessimistes. On est  même allé chercher dans la numérologie des raisons de s’inquiéter. Le chiffre neuf porterait malheur. Il y a eu bien sûr la crise de 1929. Mais ensuite, c’est plus discutable. La récession intervenue à partir de l’automne 2008 jusqu’en 2009 avait été provoquée par les premières faillites liées aux « sub-primes » un an plus tôt. Il n’en fallait pas plus pour que dix ans plus tard, durant le 4ème trimestre 2018, les annonces se multiplient prévoyant une catastrophe pour 2019.

La fin de l’année dernière a été marquée effectivement par de nombreux facteurs préoccupants. Leur source principale était aux Etats-Unis avec un risque de récession et surtout le comportement imprévisible et déstabilisateur de Donald Trump. Le cycle de croissance ayant été anormalement long devait s’interrompre et la Réserve fédérale, en relevant ses taux d’intérêt allait en provoquer la fin. Cette décision fut d’ailleurs vivement critiquée par la Maison Blanche pour qui l’indépendance traditionnelle mais non écrite dans la loi de la banque centrale, à la différence de l’Europe, n’avait aucune réalité. Les controverses créées par les récentes nominations montrent que la question est toujours d'actualité. Cette situation  était aggravée par la menace proférée par le président américain d’une guerre commerciale généralisée avec la Chine mais aussi avec ses voisins, le Canada et le Mexique, et même l’Europe. Le commerce international joue un rôle majeur dans la croissance, ce que les détracteurs de la mondialisation ne semblent pas comprendre. La fin du libre échange provoquerait une profonde récession.

L’économie chinoise allait trop bien depuis trop longtemps. Cela ne pouvait pas durer éternellement. La réduction, dépourvue de valeur statistique, de quelques dixièmes de points du taux de croissance était interprétée comme le signe annonciateur d’un malaise profond et d’une récession inévitable. Ce jugement n’était pas dépourvu d’arrière-pensées politiques ou économiques. L’influence grandissante de l’Empire du Milieu, surtout dans ce que l’on appelait il n’y a pas si longtemps le Tiers Monde, ne fait pas plaisir à tout le monde. Les entreprises chinoises affichent aussi leurs ambitions. De sous-traitantes elles allaient devenir de vraies concurrentes pour les grandes firmes des pays développés. C’était insupportable. Les « experts » s’accordaient donc sur l’imminence d’une crise de l’économie chinoise. Les chiffres des premiers mois semaient le trouble car ils étaient affectés par la date du Nouvel An. La comparaison avec les mois correspondant de l’année précédente donnait, sans que cela corresponde à une réalité économique, des résultats inquiétants. Si en outre une guerre commerciale avec les Etats-Unis se déclenchait, la catastrophe était assurée.

La situation en Europe n’était pas plus rassurante. Les incertitudes liées au Brexit, toujours actuelles, pouvaient faire craindre une profonde récession au Royaume-Uni et une déstabilisation des économies du continent, dont la croissance était déjà faible depuis plusieurs années. La politique très accommodante de la Banque Centrale Européenne, le lourd endettement de la plupart des Etats et les dispositifs contraignant des traités européens risquaient de priver les pays des moyens de soutien de leurs économies. A cela s’ajoutait la montée des populismes dans plusieurs Etats et une crise politique majeure en France. Toutes les conditions étaient donc réunies pour provoquer une chute générale des marchés financiers, comme lors de chaque crise majeure. Dans les faits, le 4ème trimestre a connu un peu partout une baisse significative et quelques « experts » prévoyaient même que l’année 2019 verrait une « dégringolade ». Il s’est passé exactement le contraire, comme si les inquiétudes de la fin de l’année dernière étaient infondées, et en trois mois les marchés ont largement regagné le terrain perdu.

On simplifie et on exagère. Cette règle du journalisme anglo-saxon pour vendre s’applique fort bien à l’économie, surtout quand il s’agit d’annoncer des mauvaises nouvelles. Mais la « science économique » est fondée sur le raisonnement alors que le philosophe anglais Hobbes avait clairement expliqué il y a bien logtemps « qu’aucun raisonnement quel qu’il soit ne peut aboutir à une connaissance absolue des faits ». On en voit toute la portée aux Etats-Unis. Ce n’est pas parce qu’un cycle est plus long que par le passé qu’il va s’interrompre ou parce que la courbe des taux s’est inversée qu’une récession est en cours. La Réserve Fédérale, sans le dire, s’est aligné sur la position de Donald Trump en abandonnant ses projets de relèvements de taux d’intérêt pour 2019. Celui-ci a compris que c’étaient ses propos belliqueux vis-à-vis de la Chine sur le plan commercial qui avaient provoqué les inquiétudes de Wall Street. Il ne peut prendre le risque d’un krach boursier à un an des prochaines élections. L’enjeu des discussions en cours est de trouver un accord où personne ne perde la face. A ce jeu, on peut faire confiance aux Chinois, dont l’économie donne des signes de solidité après les aléas des premiers mois. Les indices de la bourse de Shanghai ont repris 30% depuis le début de l’année.

L’Europe pourrait certainement aller mieux mais il semble acquis qu’elle n’ira pas plus mal en 2019 et qu’aucune crise majeure n’apparait à l’horizon. Le continent est confronté aux limites qu’il s’impose à elle-même en matière de politique économique. L’inflation a pour longtemps disparue. La concurrence intense que se livrent les entreprises profite au consommateur qui bénéficie de prix stables et d’un vaste choix de produits et de services. Mais elle pénalise les salariés confrontés à la pression des pays qui n’offrent ni les mêmes rémunérations ni les mêmes avantages sociaux. L’outil monétaire a perdu beaucoup de son sens et ses effets diffèrent de ce que la théorie a enseigné. Une hausse des taux avait pour objet de restreindre la demande intérieure, voire provoquer une récession comme aux Etats-Unis au début des années 80, ce qui permettait de faire baisser l’inflation. Cette action est désormais sans objet. La baisse des taux n’a pas davantage l’effet inverse sur l’activité. Au lieu de favoriser l’investissement productif, sans objet en l’absence d’une demande forte, elle agit sur le prix des actifs, favorise l’endettement des entreprises pour financer des acquisitions ou même des rachats d’actions, ce qu’une étude de Standard & Poor’s vient de mettre en évidence pour la France, mais qui est tout aussi vrai aux Etats-Unis. Comme les règles européennes empêchent d’avoir recours à la hausse des dépenses publiques, les Etats européens sont dépourvus d’instruments pour soutenir la croissance, laquelle a toutes chances de continuer à rester faible. Mais rien de tout cela n’est générateur de risques pouvant déboucher sur une crise majeure, d’autant que les entreprises ne cessent d’améliorer leur rentabilité et les ménages de s’enrichir, même si ce processus est inégalitaire..

Le pessimisme systématique n’est pas un bon remède pour faire face à des menaces et il est même contre-productif. Il provoque des comportements anormaux de précaution qui ne sont pas de nature à provoquer des catastrophes mais qui pèsent sur le niveau de vie de chacun. C’est le cas en Europe et plus particulièrement en France. On en voit la conséquence tous les samedis dans les rues.