La multiplication des incidents climatiques fait de plus en plus prendre conscience que l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère en est la cause. Il est alors de la responsabilité des Etats de conduire des politiques visant à les réduire. Mais un consensus est difficile à atteindre car le phénomène est global et il n’y a pas de lien entre l’action d’un pays et les bénéfices qu’il pourra en tirer. C’est l’accumulation au fil des années qui en est la cause. Les pays émergents, du fait de leur croissance, génèrent de plus en plus d’émissions mais ils peuvent légitimement prétendre qu’ils sont bien moins responsables de la situation actuelle que les pays développés. La Chine représente aujourd’hui chaque année 10% des émissions mais ne compte que pour 12% des émissions cumulées depuis les débuts de l’ère industrielle contre 30% aux Etats-Unis et 20% à l’Europe.
La principale cause du dérèglement climatique réside dans la production et surtout l’utilisation des énergies fossiles. Pendant des décennies on a assisté sans réagir à la combustion dans l’air du gaz naturel (flaring) autour des gisements. En France, on a adopté, pour préserver l’environnement, une fiscalité favorable au diesel sous prétexte que les moteurs en consommaient moins, en oubliant que ceux-ci émettaient des particules bien plus nocives pour la santé. Les uns après les autres, les Etats ont admis que le recours aux énergies fossiles devait être progressivement réduit et ont adopté des politiques favorisant le recours à l’électricité.
La nouvelle administration américaine est revenue en arrière et a supprimé ses aides aux énergies renouvelables et aux véhicules électriques mais c’est une exception. Au niveau mondial pourtant, l’utilisation des énergies fossiles a continué à croître. La production de charbon entre 2014 et 2024 est passé de 8,2 à 9,2 milliards de tonnes selon les chiffres de l’Energy Institute qui, après BP, publie chaque année des statistiques sur la production et la consommation de chaque forme d’énergie et dans chaque pays. Ainsi, si la production américaine a été divisée par deux, celles de la Chine, de l’Inde et de l’Indonésie ont augmenté de plus de 25%.
Toujours sur 10 ans, la production mondiale de pétrole est passée de 88,7 à 96,9 millions de b/j alors que les membres de l’OPEP se réunissent régulièrement pour freiner leur offre afin de conserver un niveau de prix rémunérateur. Grâce aux nouvelles techniques d’extraction, les entreprises n’avaient eu aucun mal à satisfaire une demande toujours croissante, et cela malgré les déclarations publiques des instances internationales et des dirigeants politiques appelant à une modération sinon à l’abandon de l’utilisation des carburants.
Enfin, la progression de la production de gaz naturel a été encore plus spectaculaire puisqu’elle est passée entre 2014 et 2024 de 3,4 à 4,3 milliards de m3 soit une hausse de 20% et de 50% en Asie. L’offre a été soutenue par la mise en exploitation des gisements de gaz de schiste et la demande a été mieux servie grâce aux techniques de liquéfaction qui permettent de transporter le gaz naturel d’un continent à l’autre.
Ces tendances montrent donc qu’il n’y a eu ni stabilisation ni, encore moins, baisse du recours aux énergies fossiles dans le passé, en contradiction avec les déclarations publiques et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les politiques visant à réduire les consommations d’énergie dans les pays développés ont eu peu d’effets. Et quand on notait une baisse, elle était souvent le résultat des délocalisations. Le pays avait moins recours aux énergies fossiles car il importait des biens dont la production nécessitait leur utilisation dans le pays producteur.
Dans l’habitat ou les bureaux, les investissements pour améliorer l’isolation se sont révélés coûteux et surtout complexes à réaliser puisque la plupart du temps ces immeubles comportaient de nombreux occupants qui avaient du mal à se mettre d’accord pour financer les travaux. Un autre volet de la politique contre le réchauffement climatique a été constitué par l’électrification qui a porté principalement sur les véhicules. Mais il a été suivi de façon très inégale dans le monde.
Aux Etats-Unis, ce qui est paradoxal puisque c’est dans ce pays qu’est né celui qui était jusqu’à cette année le premier producteur mondial, Tesla, le recours aux véhicules électriques a rencontré peu de succès et les aides fédérales aux acquéreurs ont été supprimées cette année. Les immatriculations devraient tomber en 2026 en dessous de 10%. La situation est exactement inverse en Chine où la part des immatriculations de véhicules électriques ne cesse de progresser et devrait atteindre 50% en 2030. L’Europe est prise en étau entre sa volonté de soutenir l’électrification en interdisant le moteur thermique en 2035 et la défense de son industrie soumise, dans la voiture électrique à une concurrence chinoise qui pourrait se révéler dévastatrice. L’objectif d’atteindre une part de 40% des immatriculations sera très difficile à atteindre.
La construction de « data centers » qui nécessitera d’importantes consommations constitue un autre facteur de croissance pour l’électricité. Mais pour atteindre les objectifs climatiques, il est impératif que la production repose de moins en moins sur les énergies fossiles. La production nucléaire est réservée à peu de pays et la construction de centrales prend beaucoup de temps comme la réalisation de barrages hydroélectriques. La seule vraie alternative pour la décarbonation repose donc sur les énergies renouvelables.
Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie indique qu’en 2030, les renouvelables représenteraient près de 45% dans la production d’électricité. Mais ce chiffre comporte de fortes disparités entre les régions car l’effort le plus important serait réalisé en Chine. Les capacités atteindraient 2600 GW, soit presque le double de celles existantes en 2024. Le changement de politique aux Etats-Unis, avec notamment la suspension des projets de panneaux solaires et d’éoliennes sur les territoires fédéraux, conduit à réviser en baisse les capacités prévues en 2030 à 250 GW contre 375 GW attendus.
Enfin l’Europe poursuit ses efforts et a prévu d’augmenter ses capacités de 67% d’ici à 2030. Mais les renouvelables étant intermittents et volatiles, posent des problèmes majeurs aux réseaux électriques qui doivent donc investir pour y faire face. Le système de tarification doit aussi être adapté pour qu’un juste partage des coûts soit instauré entre les investisseurs qui construisent des champs de panneaux solaires et les grands fournisseurs qui sont là pour assurer quoiqu’il arrive aux ménages et aux entreprises le courant dont ils ont besoin.
La sécurité des approvisionnements est un facteur essentiel comme vient de le démontrer la gigantesque panne intervenue au printemps en Espagne et au Portugal. Le maintien de capacités compétitives et non intermittentes est donc indispensable. Mais celles-ci peuvent aussi contribuer à la réduction des émissions de CO2 en remplaçant le charbon par du gaz naturel dans les centrales thermiques. C’est ce qui a permis aux Etats-Unis de réduire significativement leurs émissions depuis dix ans. L’Union Européenne pourrait en prendre exemple. Au lieu de stigmatiser en permanence le nucléaire, la Commission ferait mieux d’offrir à l’Allemagne et à la Pologne les moyens de sortir de leur dépendance au charbon en ayant recours à un gaz naturel ne provenant pas de Russie.
La fin des énergies fossiles n’est pas pour demain. Il convient plutôt de rechercher un redéploiement entre les énergies fossiles et surtout de conserver dans les entreprises les compétences nécessaires à leur extraction et à leur transport car on en aura encore besoin pendant longtemps.