Il n’y a pas eu d’exemples, dans un passé récent, où le monde allait être confronté à autant de situations porteuses de risques majeurs, sur le plan politique ou économique, les seconds découlant souvent des premiers. La volonté de puissance de quelques chefs d’Etat a été ces dernières années à l’origine de tensions et même de guerres comme on l’a vu avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le mécontentement provoqué par la montée du chômage et des inégalités, imputée notamment à la mondialisation, a abouti, à chaque élection, à une forte progression des partis extrémistes, conduisant ceux-ci aux portes du pouvoir, et même comme en Hongrie ou en Slovaquie à la tête de l’Etat.
Toutes les tentatives pour mettre un terme à la guerre déclenchée par Moscou ont jusqu’à présent échoué et celle-ci entrera en 2025 dans sa quatrième année. Le soutien apporté par la Chine a permis à la Russie d’atténuer les conséquences des sanctions économiques décidées par les pays occidentaux. Ceux-ci ont apporté à l’Ukraine le matériel militaire et l’aide financière qui a permis au pays de résister à l’invasion. Mais l’entrée en fonctions de Donald Trump le 21 janvier peut remettre en cause le rapport de force entre Moscou et Kiev car il a annoncé que la paix serait conclue « dès le lendemain de son arrivée au pouvoir ».
Un scénario possible est qu’il propose au président ukrainien de signer un accord de cessez-le-feu puis un Traité de paix qui corresponde aux exigences russes avec la reconnaissance des territoires annexés par Moscou. A défaut, les Etats-Unis suspendraient toute aide financière et militaire. Cette proposition serait bien sûr rejetée par Kiev et il reviendrait à l’Europe de prendre en charge la défense de l’Ukraine. Vue la situation économique et politique de nombreux Etats-membres de l’Union, le risque est réel que cette prise en charge ne puisse être assumée. L’Ukraine serait alors obligée de se plier aux exigences du Kremlin et après cette défaite, l’inquiétude relative à la possibilité d’une opération russe de même nature sur un autre pays limitrophe serait grande.
La situation au Moyen-Orient est différente mais tout aussi préoccupante. L’escalade est, là, géographique. La riposte d’Israël à l’action terroriste du Hamas a d’abord porté sur la Palestine. Puis, elle s’est étendue au Liban et sur une zone frontalière avec la Syrie. Elle vient enfin d’atteindre le Yémen où des forces rebelles s’attaquent en permanence à des intérêts israéliens dans la région et aux bateaux qui empruntent la Mer Rouge. Or cette zone est stratégique puisqu’y transitent les navires transportant du pétrole et du gaz naturel liquéfié vers l’Europe. Le nouveau régime syrien n’a pas encore précisé ses choix politiques à l’égard des pays occidentaux mais l’Iran a menacé d’accroître ses capacités de production d’uranium enrichi, ce qui constitue une menace voilée. La déstabilisation de cette région essentielle pour les approvisionnements en énergies fossiles constitue donc une menace. Il est impossible d’exclure dans les mois qui viennent le déclenchement d’une crise pétrolière, comme celles intervenues durant les années 70. Elle serait d’autant plus sévère qu’elle interviendrait dans un contexte de sanctions renforcées visant l’autre fournisseur principal de l’Europe, la Russie.
L’entrée en fonction de Donald Trump ajoute à ce contexte de crise un facteur d’incertitude de nature à aggraver la situation. Les Etats-Unis ont constitué depuis cinquante ans un pilier de la stabilité politique mondiale, malgré des décisions parfois malvenues (Irak, Afghanistan). Le prochain président américain est connu pour son imprévisibilité alors que ses décisions concerneront les grands enjeux géopolitiques et économiques. Son discours sur la remise en cause du modèle libéral va être un facteur de risque supplémentaire jusqu’au moment où seront précisées et adoptées ses mesures relatives au commerce de biens. Jusqu’à présent les marchés financiers ont réagi positivement à son élection. Mais de telles mesures ou même de simples déclarations pourraient inciter les investisseurs internationaux à revoir leur position. Or ceux-ci sont indispensables pour financer le considérable double déficit (public et extérieur) américain.
La Chine pourrait-elle rendre à l’économie mondiale la stabilité mise en péril par l’administration américaine ? Pour l’instant rien n’est sûr car la lenteur, voire la procrastination, manifestée par les dirigeants du pays pour relancer leur économie et rééquilibrer l’activité en direction de la demande intérieure, est inquiétante. Or les progrès accomplis par l’industrie chinoise lui permettent dans de nombreux secteurs stratégiques comme l’automobile, l’énergie et demain pourquoi pas l’aéronautique, de prendre des parts de marchés substantielles à leurs concurrents européens et américains. La croissance chinoise dans le passé avait été bénéfique à tout le monde. Son ralentissement accompagné d’un renforcement de ses capacités exportatrices peut affecter sérieusement les économies des pays développés.
Jusqu’à présent, l’Union Européenne avait constitué un autre pilier de stabilité. Mais la montée des partis populistes et les divisions profondes et en nombre croissant entre les Etats l’ont considérablement affaibli. La stagnation qui affecte les économies, à de rares exceptions comme l’Espagne, dissuade les investisseurs et inquiète les ménages qui n’ont jamais, en France par exemple, autant épargné. Les incertitudes politiques pesant sur l’Allemagne à la veille des élections au Bundestag et sur la France, empêchent Bruxelles de procéder aux réformes qui s’imposent, comme la débureaucratisation ou l’adoption d’une politique énergétique adaptée aux enjeux actuels. La conséquence a été observée en 2024 avec partout, à chaque élection, une progression des partis critiques du projet européen. L’Union a pu survivre au Brexit. Elle ne se remettrait pas d’une crise majeure provoquée en Allemagne ou en France.
Or la France connait, dans ce contexte international déjà inquiétant une situation politique inédite. Les élections qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée Nationale n’ont donné aucune majorité. Les partis politiques semblent incapables de trouver des accords pour participer à un gouvernement et soutenir son action en votant le budget et les textes législatifs nécessaires à la mise en œuvre de sa politique. Depuis 2023, le pays a eu quatre premiers ministres, ce qui est sans précédent depuis l’instauration de la Vème République en 1958. Rien ne permet d’être sûr que celui qui vient d’être nommé passera l’hiver. Or, aucune nouvelle dissolution ne peut intervenir avant le mois de juin. Le risque est grand que la France se trouve plongée dans une profonde crise politique.
Cette situation intervient au moment où le pays est au bord d’une crise financière due à une dette excessive. Le seul remède, pour rassurer les marchés financiers et les investisseurs qui prêtent à la France est d’adopter un ensemble de mesures crédibles de nature à stabiliser le taux d’endettement et à amorcer sa décrue. Mais pour cela il faut un soutien politique dans la durée car les vraies mesures efficaces et acceptées par l’opinion seront celles qui permettront de réduire les coûts de fonctionnement de l’Etat et des collectivités publiques. A l’inverse, les mesures à effet immédiat comme les hausses d’impôts ou les réductions d’avantages consentis aux ménages ou aux entreprises, suscitent l’hostilité des agents économiques et n’obtiendront pas un soutien suffisant des forces politiques pour être adoptées. Les incertitudes et le risque d’un blocage institutionnel affecteront donc la France en 2025 avec des conséquences inévitables sur le chômage alors qu’aucune solution politique n’apparait.
Tels sont donc l’environnement international et la situation nationale qui s’annoncent pour 2025. Cela ne m’empêche pas, malgré tout, de souhaiter à tous les lecteurs du blog, pour eux-mêmes et leurs proches, une année 2025 aussi bonne que possible.