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Le blog d'Alain Boublil

 

Les élections européennes et le climat

L’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique figurent en tête des propositions du programme de la liste Renaissance aux élections européennes, soutenue par la  République en marche, le parti politique du président de la République. Cette préoccupation est légitime mais a-t-elle réellement la portée qu’on lui attribue dans ce débat ? La première question à laquelle il serait nécessaire de répondre est celle des alliances à constituer entre les groupes d’élus qui siègeront au Parlement Européen. Les deux principaux groupes qui devraient sortir du scrutin sont dominés par des membres des formations politiques qui aujourd’hui constituent la grande coalition en Allemagne, les sociaux démocrates et la CDU-CSU. Les dernières études montrent qu’en les additionnant, ils devaient s’approcher de la majorité absolue, 375 sièges, sans toutefois l’atteindre. Il serait donc logique que la liste Renaissance rejoigne ces groupes pour que l’ensemble dispose alors de la majorité. Pourtant aucun engagement de cette nature n’a encore été formulé. Il est surprenant que lors des dizaines d’heures de débats publics ou d’interviews télévisées réalisés dans le cadre de cette campagne électorale, le contenu des alliances qui se constitueront et la cohérence des programmes des formations concernées n’ait jusqu’à présent pas été évoqués.

Cette cohérence est pourtant essentielle pour la liste Renaissance. Si elle ne forme pas d’alliance avec les deux principaux groupes et comme aucune autre alternative n’est envisageable, ses élus, comme ceux du Front national depuis 2014, n’auront aucune influence significative sur les prochaines délibérations européennes. Dans le cas contraire, ce qui serait un choix logique, compte tenu de la volonté de la France de s’appuyer sur son partenaire allemand pour faire progresser la construction européenne, une difficulté majeure apparait : les positions que cette liste vient de rendre publiques sont en complète opposition dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique avec celles de l’Allemagne. Les gouvernements qui se sont succédé en France n’ont pas vraiment cherché et encore moins réussi à obtenir de leur voisin pas plus que de la Pologne, une inflexion dans leur politique énergétique pour contribuer à la réduction des émissions de CO2. Le choix en 2014 du chef du gouvernement polonais Donald Tusk pour présider le conseil de l’Union Européenne n’a pas davantage incité ce pays à se plier aux orientations européennes.  

Les statistiques d’émission que vient de publier Eurostat pour 2018 sont pourtant accablantes. L’Allemagne à elle seule émet 22% du CO2 de l’Union Européenne et la Pologne, deux fois moins peuplée, 10%. Autre mauvais élève, les Pays-Bas qui produisent 5% des émissions avec une population quatre fois moindre que celle de l’Allemagne. Ces deux pays ont quand même réduit les leurs de 5% en 2018 alors que la Pologne est le seul pays européen ayant de plus de 10 millions d’habitants à les avoir accrues (+3,5%). Les émissions allemandes, par habitant sont deux fois plus importantes que celles de la France. Le pays a pourtant beaucoup investi dans les énergies renouvelables, l’éolien et le solaire pour produire son électricité. Le gouvernement allemand sous la pression des mouvements écologistes, avait aussi fait en 2011 le choix de sortir du nucléaire et de fermer ses centrales avant 2020. Pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique, et parce que les énergies renouvelables sont intermittentes, l’Allemagne a alors préféré maintenir en activité ses centrales à charbon et à lignite qui produisent respectivement 15% et 25% de l’électricité, ce qui explique la persistance d’un très haut niveau d’émissions de CO2.

Ces centrales, dont beaucoup sont situées dans l’ancienne Allemagne de l’Est ne sont pas seulement une menace pour le climat. Elles émettent aussi, comme en Pologne des particules fines tout aussi toxiques que celles qui sortent des moteurs diesel des voitures et surtout des poids lourds sur les routes et dans les villes. Les populations locales, qui devraient être les premières concernées, ont depuis longtemps fait le choix de défendre leur maintien en activité et la poursuite des exploitations minières qui les alimentent. Les partis populistes les soutiennent et leur ascension dans bien des régions en a été la conséquence. Mais ils ne sont pas les seuls. Les militants de Greenpeace sur place continuent d’affirmer, par exemple, que l’exploitation minière en Silésie est plus qu’une nécessité économique, c’est un mode de vie.          

La Pologne subventionne largement le secteur du charbon tandis que l’Allemagne, dans le cadre de « l’Energiewende », a fait profiter ses énergies éolienne et solaire d’aides publiques et européennes massives. Les deux pays se sont opposés longtemps à la principale politique en faveur de l’environnement mise en place par Bruxelles, la distribution de quota de CO2. La quantité allouée était trop importante pour renchérir de façon significative le recours aux énergies fossiles et les rendre moins compétitives. Chaque fois qu’il était proposé de réduire les allocations pour faire remonter le cours de la tonne de CO2, Berlin s’y est opposé résolument. Malgré cela, depuis le deuxième semestre 2018, les cours se sont enfin redressés et la politique européenne commence à produire ses effets, mais ce dispositif sera très insuffisant pour permettre d’atteindre les objectifs affichés dans son programme par la liste Renaissance. Les élus issus des formations politiques au pouvoir en Allemagne comme en Pologne ou aux Pays-Bas qui siègeront au Parlement Européen n’ont donc aucune chance de soutenir ces propositions.

La meilleure manière de réduire rapidement, la quantité de CO2 générée par la production d’électricité pour les pays qui ont recours au charbon n’est pas d’investir dans les énergies renouvelables ou d’aller vers une société « dé-carbonnée » comme certains le prétendent en France mais de convertir les centrales à charbon en centrales fonctionnant au gaz naturel ou, mais cela mettra beaucoup plus de temps d’avoir recours au nucléaire. Les exemples américains et chinois, qui sont les plus importants émetteurs de CO2 dans le monde, sont révélateurs. Le retrait imposé par Donald Trump des Accords de Paris sur le climat ne doit pas occulter la réalité. Les Etats-Unis ont réussi à réduire depuis cinq ans leurs émissions grâce à un transfert massif du charbon vers le gaz naturel pour l’alimentation de leurs centrales électriques. La mise en exploitation des gisements de gaz de schiste a permis de faire baisser les coûts et a rendu cette solution compétitive. La Chine a réussi à stabiliser ses émissions après la très forte hausse de ces dix dernières années en faisant pression, parfois au travers de réglementations contraignantes, sur ses grands producteurs d’électricité pour qu’eux aussi passent au gaz naturel. L’Allemagne commence à s’orienter dans cette direction. Les deux gazoducs, Nordstream 1, en activité et Nordstream 2 en construction malgré l’obstruction du Danemark, contribuent à garantir l’approvisionnement du pays. Mais la Pologne qui craint d’accroître sa dépendance au gaz russe, s’y refuse et n’est pas prête à soutenir l’adoption de règles européennes contraignantes.  

L’Europe devra  dans l’avenir, et le Parlement européen y aura toute sa place, se fixer des objectifs réalistes en matière d’environnement et se doter des moyens de les faire respecter. Encore faut-il que les mouvements politiques qui s’allieront trouvent un terrain d’entente. Les élus de la liste Renaissance ne pourront donc pas défendre les positions volontaristes à Strasbourg qu’ils viennent d’afficher, quand le mouvement politique auxquels ils appartiennent est le plus fidèle soutien d’un pouvoir exécutif qui fait preuve de complaisance vis-à-vis des adversaires en Europe de cette politique. Il en va de leur crédibilité.  

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