Vous n’êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

Inscription

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

0,9% : inflation de l'économie française sur un an

L’INSEE a donné sa première estimation de l’inflation pour le mois de février. Sur un an les prix ont augmenté de 0,8% et de 0,9% en données européennes harmonisées. Il faut remonter à 2019 pour retrouver un niveau aussi faible. La poursuite de la hausse des prix des services (+2,1%) a été compensée par la stabilité des prix des produits alimentaires (sauf les produits frais avec +1,8%), des produits manufacturés et la baisse des prix de l’énergie (-5,7%). Les secteurs industriels et agricoles semblent avoir intégré les conséquences sur leurs coûts de production, des ruptures de chaînes d’approvisionnement provoquées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela confère à la stabilisation des prix dans ces secteurs un caractère durable.

La France apparait donc comme l’un des meilleurs élèves de l’Union Européenne, ce qui en matière d’inflation n’a pas toujours été le cas. L’Allemagne, au contraire et si souvent citée en exemple, a encore, avec d’autres économies de la zone euro, une augmentation des prix supérieure à 2%. Cet écart provient en partie des prix l’énergie, en baisse en France au mois de février. Le pays avait connu en 2022 et 2023 de fortes augmentations des tarifs de l’électricité dues à l’arrêt de près de la moitié du parc nucléaire en raison de problèmes de corrosion. Il fallut alors accroître le recours aux centrales thermiques au moment où les sanctions contre la Russie avaient fait bondir le prix du gaz naturel. Il n’y a pas eu de nouvelles hausses en 2024 et les baisses observées depuis le début de l’année ont donc contribué à la faible inflation du mois février.

La situation est très différente en Allemagne où la fermeture des centrales nucléaires a rendu le pays tributaire d’approvisionnements en gaz naturel dont les prix restent à un niveau élevé, ce qui affecte la compétitivité des entreprises fortement consommatrices d’électricité (sidérurgie, chimie). On note donc une réelle divergence au sein de la zone euro alors que les Etats-membres sont soumis à une politique monétaire commune. La Banque Centrale Européenne a réduit à plusieurs reprises ses taux d’intérêt qui atteignent aujourd’hui 2,75% et qui devrait faire l’objet d’une nouvelle réduction ces prochains jours pour les ramener à 2,5%.

Masi du fait de l’écart entre les taux d’inflation entre les pays, certains, comme la France, vont devoir supporter des taux réels, une fois l’inflation soustraite, positifs alors que d’autres comme l’Allemagne, bénéficieront de taux nuls ou même légèrement négatifs. Si l’on considère que le niveau des taux d’intérêt est un outil important de la politique économique, cela signifie que la politique monétaire devrait avoir un effet bien plus stimulant pour l’Allemagne que pour la France. C’est justifié pour nos voisins d’outre-Rhin, confronté à une situation de récession depuis deux ans. Mais la France qui a une croissance faible, insuffisante pour permettre une amélioration significative de l’emploi, a besoin de taux d’intérêt réels moins élevés.

Or la persistance d’une inflation supérieure à l’objectif de 2% dans la zone euro, risque d’inciter la Banque Centrale Européenne, à modérer et même à arrêter sa politique de baisse des taux. Cela continuera à pénaliser les pays vertueux en matière d’inflation et cela risque aussi, de jouer sur les taux de changes. La devise européenne vient de franchir le seuil de 1,07 $ pour un euro, son niveau le plus élevé depuis plusieurs mois. La hausse de l’euro qui se cumulera avec l’instauration annoncée par l’administration Trump de droits de douanes, affecterait le développement des exportations.

Cette faible inflation n’est pas non plus une très bonne nouvelle pour les comptes publics et l’endettement. Elle réduit mécaniquement les recettes fiscales et notamment le produit de la TVA. Elle rend donc plus difficile le retour à un niveau de déficit budgétaire plus raisonnable. Surtout les critères financiers retenus dans le Traité de Maastricht, et notamment celui relatif à l’endettement public, sont rendus plus compliqués à respecter en cas d’inflation faible pour des raisons arithmétiques. Le ratio d’endettement compare l’endettement public, dont l’augmentation dépend de l’accumulation des déficits publics années après années, au niveau du PIB en valeur de l’année concernée.

Si cette année est marquée par une forte inflation, le dénominateur augmente plus vite que le numérateur et le ratio d’endettement diminue. Si le dénominateur progresse peu du fait d’une faible croissance et d’une absence d’inflation, alors le ratio augmente mécaniquement. On est alors confronté au paradoxe suivant lequel un bon élève en matière d’inflation est pénalisé pour respecter les critères européens à un double titre. La stagnation des recettes fiscales rend plus difficile la réduction du déficit et l’endettement public rapporté au PIB en valeur lui aussi se réduit moins vite, quelques soient les efforts déployés pour maîtriser les finances publiques, puisque le PIB en valeur croit moins que si l’inflation était plus forte.

On s’émerveille souvent sur la situation des déficits et de la dette à la fin des années 70, dernière période où la France avait connu un équilibre budgétaire et un faible taux d’endettement. Mais cela n’était pas dû à la gestion rigoureuse des gouvernements mais à la formidable inflation qu’avait connu la pays, dépassant en 1980 13%. Les recettes s’envolaient, couvrant plus facilement les dépenses, et surtout le niveau de l’endettement rapporté au PIB se réduisait mécaniquement. Mais ce n’était pas sans conséquences pour les épargnants qui furent les vraies victimes de cette politique. Leurs livrets d’épargne rapportaient rarement plus de 7% et ils perdaient chaque année souvent plus de 5% de pouvoir d’achat sur leurs économies.

La faible inflation que connait la France aujourd’hui doit aussi conduire à une révision du mode de gestion de la dette de l’Etat. Pour une part supérieure à 10%, elle est constituée par des obligations indexées sur l’évolution des prix. Durant ces dernières années, la très faible inflation était un avantage pour la charge de la dette. La charge d’intérêt chaque année (souvent moins de 1%) était compensé à l’échéance par la facture d’indexation. Cela reportait d’autant le coût pour le budget. Ces emprunts étaient indexés à peu près à part égale sur l’inflation nationale et sur celle de la zone euro.

Là encore le fait d’avoir une inflation supérieure ou égale à la moyenne européenne ne constituait pas un handicap. Tout a changé depuis que l’inflation française est fortement retombée. La charge d’indexation déjà constatée pour les années 2025 à 2027 est de 12 milliards, dont 10 milliards concernent la dette indexée sur l’inflation européenne. Si l’écart d’inflation se maintient, la facture va encore s’alourdir. Il est donc essentiel que l’on procède à une révision de la politique d’émission en réduisant fortement la part des emprunts indexés sur l’inflation de la zone euro au profit de titres indexés sur l’inflation française.

La performance de la France en matière d’inflation n’a donc pas que des conséquences positives, spécialement en ce qui concerne les finances publiques. Pour les raisons arithmétiques expliquées ci-dessus, elle rend l’établissement d’une trajectoire de rétablissement des comptes et de réduction du ratio d’endettement de l’Etat plus difficile. Une solution pourrait être que la Banque Centrale Européenne poursuive sa politique de baisse de taux. La réunion prochaine devrait entériner une nouvelle réduction mais rien ne permet d’être sûr que les commentaires qui suivront cette décision ne susciteront pas un doute sérieux sur la poursuite de cette politique accommodante ce qui constituerait pour la France un obstacle supplémentaire au rétablissement des comptes publics.