Les conséquences du dérèglement climatique sont chaque jour plus visibles même si leur médiatisation accentue la perception du phénomène. Ce n’est pas nouveau. Au début du XXème siècle, on redoute au contraire un refroidissement qui ferait de la Terre à l’instar de la Lune, une planète morte. Cette crainte inspire les romanciers. Jules Verne propose un Voyage au Centre de la Terre et Ray Bradbury, dans ses Chroniques Martiennes, imagine que les Terriens devront émigrer vers Mars pour survivre. Peu après, on s’inquiète de la présence dans le ciel d’objets volants non identifiés et de l’arrivée possible d’extra-terrestres.
L’exagération des menaces est utilisée pour faire prendre conscience de la réalité d’un phénomène. Mais il n’y a aucun doute, en dépit des protestations des climato-sceptiques, sur le fait que l’accumulation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre produits par la civilisation industrielle, a provoqué une élévation de la température. Si l’on n’adopte pas des mesures efficaces pour freiner cette tendance, les conséquences seront à l’avenir de plus en plus graves. Mais il faut alors tenir compte de deux faits. C’est l’accumulation des émissions qui est à l’origine du phénomène et celui-ci est globalement réparti et non en fonction des comportements ou des mesures adoptées localement.
Pendant longtemps, le groupe BP a publié un recensement par pays et par sources des statistiques relatives aux émissions de CO2 générées par la production et la consommation d’énergie. L’Energy Institute a pris le relais et sa dernière publication relative aux années allant de 2013 à 2023 donne une vision très précise des défis auxquels le monde est confronté et de la répartition des responsabilités. Les émissions globales sont passées de 32,7 à 35,1 milliards de tonnes, soit une hausse de 8% alors qu’une prise de conscience mondiale sur la nécessité de les réduire était intervenue, notamment à l’occasion de l’Accord de Paris en 2015. Les trajectoires nationales ont été très différentes d’un pays à l’autre.
Les Etats-Unis, longtemps le premier émetteur, a réduit significativement ses émissions, qui sont passées de 5,2 à 4,6 milliards de tonnes. Cela est dû principalement au remplacement du charbon par le gaz naturel dans la production d’électricité. Les nouvelles techniques d’extraction ont permis au gaz de schiste d’être compétitif. La consommation de charbon a chuté de 900 à 525 millions de tonnes en dix ans. A l’inverse les émissions de la Chine ont augmenté de 2 milliards pour atteindre 11,2 milliards de tonnes. L’Inde est sur la même trajectoire avec une hausse de 47%, pour atteindre 2,8 milliards de tonnes. Ces deux pays ont accru leur utilisation du charbon qui est passée respectivement de 4 000 à 4 710 millions de tonnes et de 600 à 1000 millions de tonnes.
La France émet peu et de moins en moins de CO2 : ses émissions sont passées de 340 à 260 millions de tonnes. Même si l’on tient compte des émissions accumulées dans le passé, son rôle aujourd’hui est marginal. Rapporté à la population, et comparé aux autres pays développés, son niveau d’émission est l’un des plus faibles. C’est le résultat des décisions passées, comme la construction des grands barrages et la mise en service des centrales nucléaires. Aujourd’hui, au nom de l’environnement, on ne pourrait même pas imaginer de tels projets. La contribution chaque année de la France au réchauffement climatique est donc extrêmement faible et en forte baisse.
Ainsi la place qu’occupent ces questions dans le débat politique avec ses conséquences sur les choix économiques est complètement disproportionnée. Elle a même pu conduire à des décisions allant à l’encontre des objectifs initiaux comme le furent le projet de réduction de la production nucléaire, aujourd’hui heureusement abandonné, et la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Mais pour l’avenir, une lourde facture écologique est à prévoir. Des investissements seront nécessaires pour protéger la France, ses territoires et sa population contre les effets du dérèglement climatique. Les forêts vont devoir être aménagées pour que, du fait de vagues de sécheresse, elles ne soient pas ravagées par des incendies. On sait le faire. L’aménagement des Landes en apporte la preuve. Il faudra aussi construire bien plus de bassins servant à réguler le débit des cours d’eau pour protéger les habitants des inondations qui risquent de se multiplier. Enfin la France doit se préparer à l’extinction progressive de l’utilisation des énergies fossiles avec toutes conséquences que cela entrainera sur l’habitat.
Mais ce ne sont pas ces priorités évidentes qui sont retenues au nom de l’environnement. Toute l’attention est portée sur la réduction des émissions de CO2 alors que, comme on vient de le constater, la contribution de la France est insignifiante. On a privilégié la facture écologiste avec des mesures pénalisant l’économie et aggravant un état des finances publiques déjà préoccupant. Il y a d’abord la multiplication des nouvelles réglementations qui pèsent sur la productivité des entreprises, sur les exploitants agricoles et sur le pouvoir d’achat en entrainant des coûts de production plus élevés.
La politique d’isolation des logements se révèle inefficace car les aides coûteuses allouées ne tiennent compte ni de la nature de l’énergie utilisée, ni du statut d’occupation. A partir du moment où le chauffage est alimenté par de l’électricité et puisque celle-ci est à plus de 90% décarbonée, cela ne sert à rien de subventionner des travaux. Quant au statut d’occupation, (individuel ou collectif, propriétaire ou locataire), il est déterminant pour la réalisation de ces travaux. Autant ceux-ci sont faciles à chiffrer et leur charge attribuée directement au propriétaire qui occupe le logement, autant, par exemple, dans un immeuble en copropriété occupé en partie par des locataires, le problème est le plus souvent insoluble.
Mais la réglementation qui interdit la location aux logements mal isolés, du fait des complexités liées à la réalisation des travaux, va provoquer une crise majeure du logement dans un secteur déjà tendu, dont les principales victimes seront les jeunes couples qui n’arriveront pas à se loger et les catégories sociales les plus défavorisées qui seront expulsées sans aucun moyen de retrouver un logement.
Dernière mesure adoptée cette fois au niveau européen, la priorité donnée aux véhicules électriques avec l’interdiction de la vente de modèles thermiques neufs dans dix ans. L’électricité française étant décarbonée, cela permettra une réduction -minime à l’échelle de la planète- des émissions. Mais ce n’est pas le cas de l’Allemagne et encore moins de la Pologne puisque leur électricité est encore largement produite avec du charbon. Les véhicules ont peu de succès puisque les prix sont trop élevés, ce qui nécessite là aussi des subventions publiques, allant en outre, largement bénéficier à des voitures importées. Les conséquences sur les entreprises et donc sur l’emploi seront très lourdes, alors qu’aucune autre région du monde n’a imposé des mesures aussi radicales.
Telle est la facture écologiste. Au lieu de préparer le pays aux conséquences des dérèglements à venir avec leurs conséquences sur l’environnement et la vie quotidienne des Français, l’Etat semble obnubilé par la mission dont il s’estime chargé consistant à remédier lui-même au dérèglement, ce qui est hors de sa portée. La vraie priorité devrait donc être de préparer le pays à affronter cette situation. Des investissements appropriés et une action visant à faire évoluer les comportements permettraient d’en atténuer les conséquences sur la population. Régler à travers cette politique la facture écologique offrirait ainsi de bien meilleurs résultats que de s’intéresser uniquement à la facture écologiste sur laquelle la France n’a aucune prise.