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Le blog d'Alain Boublil

 

Réformer pour renforcer l'Europe

Les dernières élections au Parlement Européen ont été décevantes et pas seulement parce que leur résultat en France a été suivi par la dissolution de l’Assemblée Nationale et un scrutin qui a ouvert une période d’incertitude politique. Une fois élus, les députés européens se rassemblent pour former des groupes parlementaires. Leurs membres appartiennent, chacun dans leur pays à des formations politiques. On aurait donc pu espérer que ces formations aient travaillé ensemble pour élaborer un programme et le présenter aux électeurs. C’est l’essence même de la démocratie représentative. Il n’en a rien été.

En France, la campagne électorale européenne s’est focalisée sur la situation politique du pays et sur les rivalités entre les candidats potentiels aux prochaines élections présidentielles prévues en 2027. Personne n’imaginait qu’une dissolution interviendrait le lendemain des résultats. L’élection était perçue comme une sorte de sondage grandeur nature portant sur l’action gouvernementale et à aucun moment sur ce qui était l’objet même du scrutin, à savoir les décisions nécessaires à prendre au niveau européen dans les prochaines années.

Celles-ci sont pourtant essentielles pour l’avenir de l’Union car le monde a changé. La construction européenne est plus indispensable que jamais, mais les principes posés dans le passé comme les actions qui s’en réclament ne sont plus adaptées à la situation actuelle. Face aux Etats-Unis, le décrochage est évident. Il ne se limite pas à la comparaison des taux de croissance. L’écart entre la productivité et les capacités d’innovation des deux côtés de l’Atlantique, s’il ne devait pas être au moins partiellement comblé, provoquerait un déclin économique inexorable du Vieux Continent.

Le nouveau modèle de croissance de la Chine basé sur des grands groupes privés capables d’exporter sur les marchés des pays développés met en péril l’industrie européenne. De fournisseurs à bon marché, ces entreprises sont devenues de redoutables concurrents, chez eux comme à l’exportation. Les entreprises européennes risquent de perdre des débouchés qui avaient constitué des relais majeurs de croissance jusqu’à présent et d’être concurrencées sur leurs marchés intérieurs ce qui les affaiblirait encore davantage.

Enfin les pays en développement n’acceptent plus la domination des pays développés et leur sommet qui vient de se tenir à Kazan, en Russie, a été l’occasion de montrer que sur le terrain économique, Moscou n’était pas isolé et que des rivaux traditionnels comme la Chine et l’Inde, étaient désormais en mesure de s’entendre pour promouvoir la « multipolarisation » du monde. Dans ce contexte, il est évident qu’aucun pays européen n’est capable, à lui seul, de faire face à de tels changements. La solution qui s’impose est donc l’adoption au sein de l’Union Européenne de mesures de nature à répondre à ces nouveaux défis.  

Malheureusement, et c’est aussi l’une des leçons des dernières élections, en France et ailleurs, le projet européen rencontre de moins en moins l’adhésion des populations. Le mode de fonctionnement de l’Union est de plus en plus déconnecté de leurs aspirations, en raison d’un fonctionnement technocratique de la Commission et de l’absence de débats au sein du Parlement sur les enjeux qui concernent tous les citoyens comme l’emploi, le pouvoir d’achat ou l’immigration. La dernière campagne électorale en est l’illustration. Pourtant, les sujets de réforme ne manquent pas.

Il y a d’abord le principe idéologique de la concurrence libre et non faussée imposée par les administrations bruxelloises. Elle fait un tort considérable à l’industrie européenne. Il convient de le réformer. L’exemple nous est donné par les Etats-Unis et par la Chine qui ne se privent pas d’aider directement leurs entreprises. La proscription des aides d’Etat est absurde quand il s’agit de permettre à un secteur de se restructurer ou de soutenir des efforts d’innovation. L’attitude hostile à l’égard des fusions qui permettraient de construire des grands groupes européens capables de s’imposer sur le marché mondial doit être abandonnée comme l’obligation faite à des services publics stratégiques de s’ouvrir à la concurrence. Il n’est pas raisonnable qu’il y ait autant d’opérateurs téléphoniques en France qu’aux Etats-Unis.

La politique européenne de l’environnement doit tenir compte de ses conséquences sur les secteurs exposés à la concurrence internationale. Les prochains mandats de la Commission et du Parlement Européens doivent être l’occasion d’une évaluation de l’ensemble des normes et règlements imposés aux entreprises et d’une simplification majeure. L’avenir de l’agriculture notamment en dépend puisque la multiplication des contraintes provoque le découragement de toute une profession.

Le calendrier imposé pour le passage à la voiture électrique, unique au monde, comme les pénalités qui doivent intervenir en 2025 sur les ventes de voitures thermiques neuves, pourraient conduire à un désastre industriel dans toute l’Europe et notamment en Allemagne et en France. Cette motorisation ne rencontre pas l’adhésion des consommateurs. Son coût, même avec des aides publiques, est trop élevé et surtout, son autonomie réelle est encore insuffisante. Ni la Chine, ni les Etats-Unis n’ont adopté des mesures aussi contraignantes. Il revient donc au Parlement de se saisir du dossier si la Commission ne réexamine pas le calendrier.

Les principes relatifs à la fiscalité des entreprises et des particuliers doivent aussi être revus. On ne peut pas imposer aux membres de la zone euro des critères de déficit et d’endettement et laisser prospérer en son sein des paradis fiscaux. Les cas du Luxembourg avec ses filiales « boîtes à lettres » qui permettent à des sociétés d’échapper à l’impôt et de l’Irlande où, par la manipulation des prix de transferts, des grands groupes internationaux y localisent artificiellement leurs profits sont inacceptables. Le comble, c’est que quand ils se font prendre et qu’est condamné, comme dans un exemple récent, un groupe américain, celui-ci doit payer une lourde amende au pays qui les héberge et non aux pays qui ont été victimes du détournement de recettes fiscales.

La réalisation des objectifs de réduction des émissions de CO2 passe par l’électrification et par la fin du recours aux énergies fossiles pour produire l’électricité. Un marché européen de l’électricité doit être instauré qui imposera à chaque Etat des règles concernant leur indépendance énergétique et la sécurité de leurs approvisionnements, la disponibilité de leur appareil de production et la réduction de leur recours aux énergies fossiles. Des financements communautaires seront engagés pour protéger le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises.

Enfin, de nouveaux critères portant sur les finances publiques doivent être élaborés puis discutés avec les Etats en prenant en compte les dépenses militaires, le statut particulier des systèmes de retraite et l’épargne financière accumulée par les ménages dans chaque pays. Le débat permanent au sein de l’Union entre les pays qui s’estiment vertueux, les fourmis, et ceux qui sont dépensiers, les cigales, n’aboutit qu’à une chose : créer des dissensions inutiles qui affaiblissent tout le monde.

Les institutions communautaires ont donc une double tâche devant elles : réformer le modèle en adoptant des politiques communes adaptées aux nouveaux défis et regagner l’adhésion des peuples au projet européen. Si la première repose sur une analyse approfondie et sur des discussions au sein des institutions, au premier rang desquelles figure le Parlement, la seconde nécessite un effort complètement nouveau d’explication et de communication dans chaque Etat-membre.

Si l’on veut que cet effort soit soutenu, il est essentiel qu’il soit défendu par des responsables appartenant aux institutions européennes afin qu’il soit mieux connu et donc reconnu. L’Europe pourra alors prendre un nouvel essor. Elle n’a plus le choix : se réformer, rechercher et trouver les solutions correspondant aux attentes des Européens ou disparaître.