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Le blog d'Alain Boublil

 

L'énergie et les émissions de CO2 dans le monde

Pendant 71 ans, le groupe BP a publié des statistiques précises de production et de consommation d’énergie par pays et par source d’énergie. Maintenant, cette mission a été confiée à l’Energy Institute qui vient de dévoiler les résultats de 2022. L’année a été caractérisée par un ralentissement de la croissance partout dans le monde, excepté en Inde, après le rebond intervenu en 2021 venant après la profonde récession causée par l’épidémie du Covd-19. 2022 a été aussi marqué les perturbations affectant les chaines d’approvisionnement en pétrole et en gaz naturel à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et des sanctions appliquées par les pays occidentaux contre Moscou.

Le rapport donne d’abord des informations précises sur le niveau des émissions de CO2 liées à la production et à l’utilisation de l’énergie et la part que prennent chaque pays. Il permet ensuite de mesurer l’évolution de ces émissions sur la dernière décennie et d’identifier les pays qui ont réussi à réduire leurs émissions ou à en freiner l’augmentation. Le volume global en 2022 a été de 34 374 millions de tonnes, en hause de 0,9% par rapport à 2021. Mais sur les dix dernières années, on assiste à une très nette inflexion de tendance : entre 2012 et 2018, la hausse des émissions avaient été de 5,5% alors que sur les cinq dernières années elle n’est plus que de 1%.

Les principaux émetteurs en 2022 étaient la Chine (30%), les Etats-Unis (14%), l’Inde (7,6%), la Russie (4%) et le Japon (3%). L’Union Européenne a contribué à hauteur de 8% aux émissions mondiales, l’Allemagne représentant 1,8% et la France 0,8%. Mais tous ces pays n’ont pas connu la même évolution ces dix dernières années. La Chine a accru les siennes de 15% et l’Inde de 44%. Au contraire, en moyenne sur la période, les Etats-Unis réduisaient les leurs de 0,5% par an, la France de 2,2%, et l’Allemagne et le Japon de 1,9% chacun.

Ces disparités s’accompagnent de forts écarts de tendances concernant la consommation d’énergie primaire. La Chine et l’Inde ont augmenté la leur respectivement de 40 et 46%. Aux Etats-Unis, toujours sur 10 ans, l’augmentation n’a été que de 6%. La baisse est significative en Europe avec la France (-18%) et l’Allemagne (-9%) ainsi qu’au Japon (-10%). Le lien est donc très étroit entre la croissance économique, la consommation d’énergie primaire et l’évolution des émissions de CO2.

La production d’électricité en Chine et en Inde a cru en dix ans de plus de 70%, mais cette hausse correspondait à une demande nouvelle des populations et des entreprises, et non à un besoin né de la réduction de l’utilisation des énergies fossiles. En France et en Allemagne, on observe une diminution qui est liée à la faible croissance et à l’évolution vers une société moins consommatrice d’énergie. La production a baissé de 8% en Allemagne et de 7% au Japon. En France, si l’on écarte l’année 2022, marquée par les problèmes du parc nucléaire, et que l’on compare 2012 à 2021, on observe une baisse de 3% seulement, la production passant de 565 à 547 TWh. Les Etats-Unis constituent une exception parmi les économies développées puisque, au contraire, la production d’électricité a progressé entre 2012 et 2022 pour atteindre 4547 TWh, en hausse de 5,5%. Mais cette hausse provient aussi de la plus forte croissance économique que le pays a connue.

L’électrification, qui aurait pu constituer un facteur important de réduction du recours aux énergies fossiles et donc des émissions de gaz à effet de serre, et contribuer à la transition énergétique, n’a donc pas encore démarré de façon significative et la consommation d’énergies fossiles continue de progresser globalement mais avec de très fortes disparités. En dix ans, l’utilisation du pétrole a baissé de 10% en France et en Allemagne, et de 20% au Japon. Elle a progressé de 8% aux Etats-Unis et respectivement de 43 et 41% en Chine et en Inde.

En revanche, une profonde mutation est en train d’intervenir sur les marchés du charbon et du gaz naturel. Aux Etats-Unis, la consommation de charbon a chuté de 40% et en Allemagne de 30%. Elle est restée stable au Japon et n’a augmenté que de 10% en Chine. Seule l’Inde a connu une forte progression (+45%). On assiste au mouvement inverse pour le gaz naturel, même si les chiffres de la France et de l’Allemagne en 2022 sont affectés par les sanctions contre Moscou. La consommation a cru de 28% aux Etats-Unis et a plus que doublé en Chine passant à 375 bn m3. Elle est restée stable en Inde et a baissé au Japon.

La principale utilisation du charbon et du gaz naturel étant la production d’électricité, c’est bien la substitution au détriment du premier et en faveur du second qui a marqué ces dix dernières années. Elle a été spectaculaire aux Etats-Unis et c’est ce qui a permis au pays de réduire de façon significative ses émissions de CO2. Le mouvement s’est amorcé en Chine et le développement des centrales à gaz a permis de freiner le recours au charbon et de ralentir la croissance des émissions de CO2. L’Inde n’en est pas encore à ce stade mais pourrait suivre la voie montrée par la Chine. Quant aux pays européens, qui utilisaient peu le charbon, à l’exception de l’Allemagne et de la Pologne, ce sont les énergies renouvelables et la production nucléaire, quand elle était présente qui ont permis la baisse de 15% des émissions observées.

Enfin, les énergies renouvelables ont contribué globalement depuis dix ans autant que la substitution entre le gaz naturel et le charbon, au ralentissement de la croissance des émissions. C’est particulièrement le cas en Chine, aux Etats-Unis et en Allemagne. Trois leçons peuvent être tirées de ces chiffres.

Le monde n’est pas encore entré dans une période de sobriété énergétique. L’évolution de la consommation d’énergie et donc de sa production, restent étroitement dépendantes de la croissance de chaque pays. Les émissions des membres de l’OCDE ont baissé en dix ans de 12,5% alors que celles du reste du monde ont progressé de 16,7%.

Dans ce contexte deux facteurs ont permis de freiner la hausse des émissions, la substitution entre le charbon et le gaz naturel et le développement des énergies renouvelables. Mais ces substitutions ont des limites dans les pays développés et il est loin d’être certain qu’à l’avenir elles permettront de compenser l’augmentation des émissions des pays en développement, particulièrement en Asie. C’est pourquoi il sera essentiel, pour les pays développés, s’ils veulent que les objectifs fixés dans l’Accord de Paris, soient atteints qu’ils contribuent financièrement et par des transferts de technologie, aux investissements dans les pays en développement pour que ceux-ci limitent la progression de leurs émissions.

Enfin, les chiffres publiés par l’Energy Institue montrent les profondes inégalités entre les pays, au sein des pays développés entre l’Etats-Unis, même si des progrès ont été réalisés, et l’Europe et spécialement la France, et entre les pays développés et les pays en développement. C’est bien pourquoi l’Union Européenne, au lieu d’imposer des mesures restrictives susceptibles de déstabiliser d’entiers secteurs industriels pour des réductions d’émission qui ne sont pas à la hauteur des enjeux de la planète, ferait bien mieux de nouer des partenariats stratégiques avec les pays qui risquent de générer une forte hausse de leurs émissions dans l’avenir pour justement contenir celle-ci.