Défiant tous les pronostics, l’économie chinoise a poursuivi sa route. La croissance annuelle moyenne depuis deux ans reste supérieure à 7%. Les commentaires pessimistes, voire catastrophistes prédisant le pire n’avaient pas lieu d’être, et ce, malgré un environnement international morose. Beaucoup de pays, et en particulièrement la France, rêveraient de faire trois fois moins bien. Les comparaisons au fil du temps de cet indicateur, surtout sur des périodes longues, et en se référant à des écarts peu significatifs du fait de l’imprécision des données, n’ont aucun sens. L’augmentation de la production chinoise sur la seule année 2015, même si elle est inférieure à 7%, et donc en retrait par rapport à la performance de 2010 (+9%), n’en demeurera pas moins en valeur absolue, deux fois plus forte, et c’est bien cela qui compte pour l’économie mondiale. Et si on a en tête la situation du Brésil et la chute du PIB russe (-4,3% ce dernier trimestre), on mesure en outre à quel point le concept de BRIC était artificiel.
Les chiffres publiés ces derniers jours confirment aussi que le modèle chinois évolue. La production industrielle n’augmente « que » de 5,7% en septembre tandis que les ventes de détail progressent de plus de 10%, comme au mois d’août, et les immatriculations de véhicules de 2%. Les prévisions très pessimistes faites à l’issue de la chute de la bourse de Shanghai cet été et ses conséquences sur l’attitude des ménages chinois, ont donc été infirmées. Le marché des voitures neuves entre dans une phase de consolidation après les hausses massives de ces trois dernières années au point que le gouvernement a lancé un programme d’incitations à l’achat avec une baisse des taxes qui produira ses effets au 4ème trimestre. De leur côté, les villes, pourtant inquiètes face aux conséquences de la circulation sur la qualité de l’air, semblent adopter une attitude un peu moins restrictives pour la délivrance des cartes grises. A l’inverse, l’investissement, qu’il s’agisse de l’immobilier ou de l’industrie lourde, ralentit fortement, mais ne recule pas, conformément à la réorientation de l’économie.
Cette réorientation, voulue par les autorités chinoises, vers une économie moins tributaire de l’augmentation des capacités de production industrielle et plus tournée vers les services, semblent donc bien enclenchée. Le secteur du tourisme devrait en être l’un des principaux bénéficiaires, tant l’appétit de la jeunesse chinoise à découvrir le monde semble insatiable.
La présentation excessivement pessimiste de la situation économique chinoise, que l’on retrouve dans les commentaires en France, n’est donc pas justifiée. Elle n’aboutit qu’à détourner nos entreprises d’un marché qui devrait constituer l’une de leurs toutes premières priorités alors même que cette réorientation est favorable à leur profil de spécialisation. Le déplacement de la demande chinoise, qui faisait jusqu’à présent les beaux jours des fournisseurs de biens d’équipement allemands ou japonais, vers la consommation, et pas seulement de produits de luxe, et vers le tourisme, où nos entreprises excellent, ne peut que profiter à la France.
Le contraste est saisissant avec le regard que portent nos chers voisins d’Outre-Manche. Ils s’apprêtent à dérouler leurs tapis rouges, de Buckingham Palace à Downing Street à l’occasion de la visite du président chinois, la première depuis dix ans. « Age d’or » des relations entre les deux pays, « Love story », les mots employés ne sont pas trop forts pour qualifier l’ambition de Londres d’être, parmi les pays occidentaux, le « best partner » de la Chine. Le Président Xi Jinping ira même jusqu’à Manchester, pas seulement pour assister à un match de football mais pour constater le tragique besoin d’investissement en infrastructures du pays et se faire convaincre de participer au financement de programmes où ses entreprises se tailleraient la part du lion, en matière ferroviaire notamment. Belle illustration du rapprochement des deux pays, Londres avait été choisie la semaine dernière, pour la première émission internationale en Yuan faite par Pékin, nouveau pas dans la voie de l’internationalisation de la devise chinoise.
Ironie de l’histoire, le plus gros contrat qui devrait sinon être formalisé, du moins progresser de manière significative, à l’occasion de cette visite, c’est la construction de deux EPR à Hinkley Point. Les centrales nucléaires seront réalisées par EDF, les composants seront produits par Areva et les partenaires chinois traditionnels de l’industrie nucléaire française, CGN et CNN participeront au financement. Comme quoi, il faut aller en Angleterre pour apprendre de bonnes nouvelles.