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Le blog d'Alain Boublil

 

5% : Objectif de croissance atteint

La publication de la première estimation de la croissance chinoise en 2024 a rassuré les autorités mais n’a pas convaincu les observateurs occidentaux. Le chiffre est d’abord symbolique puisqu’il correspond à l’objectif fixé par les autorités du pays. Et il y avait un doute sur le point de savoir si ce serait 4,9 ou 5%. Compte tenu des marges d’erreurs inhérentes à toute statistique, la différence n’est pas significative. Mais pour atteindre ce chiffre, il fallait une nette accélération de la croissance au 4ème trimestre.

Elle est intervenue : au 3ème trimestre, le PIB n’avait cru que de 4,6% sur un an. La croissance au 4ème trimestre a comblé l’écart avec les objectifs puisqu’elle a atteint 5,4%. Le rebond a été net à la fin de l’année puisque la production industrielle a cru de 6,2% en décembre après 5,4% en novembre. Mais l’investissement (+3,3% en 2024) et les ventes de détail aux ménages (+3,7% en décembre après +3% en novembre) traduisent toujours la faiblesse de la demande intérieure malgré les mesures de relance décidées en 2024 : assouplissement monétaire pour soutenir l’immobilier et aides aux familles pour acquérir des voitures ou des équipements ménagers.

L’évolution de la démographie est inquiétante. La politique de l’enfant unique décidée pour freiner la croissance de la population et améliorer le niveau de vie commence à produire ses effets négatifs : la population a baissé de 4,3 millions de personnes ces trois dernières années mais en même temps l’espérance de vie s’est accrue d’où un vieillissement qui rappelle la situation que connait le Japon et qui est défavorable à la croissance. Des mesures pour relancer la natalité avec en particulier, en 2021, la levée de l’interdiction d’avoir un troisième enfant ont été adoptées. Après sept ans de déclin, le nombre des naissances est reparti à la hausse pour atteindre 9 millions en 2023 et 9,5 millions en 2024. Mais il reste inférieur au nombre de décès (11 millions en 2024) et surtout, le nombre de femmes étant en âge d’avoir un enfant devant baisser, le rebond actuel risque d’être de courte durée.

La croissance obtenue en 2024 dans un contexte où la demande intérieure était insuffisante pour des raisons structurelles, a donc été essentiellement le résultat des performances du commerce extérieur. Les exportations en forte hausse ont atteint près de 3500 milliards de dollars alors que les importations retombaient autour de 2500 milliards soit un excédent de 964 milliards qui a alarmé les responsables des pays occidentaux au premier rang desquels les Etats-Unis. La critique faite à la Chine est qu’elle sauve son économie, affectée par la crise immobilière et la baisse de la confiance des ménages, en exportant massivement grâce aux subventions accordées à ses entreprises.

La prudence, sinon les hésitations, dont témoignent les autorités chinoises pour adopter enfin une politique de stimulation de la demande intérieure, est probablement liée au contexte international. L’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump constitue un facteur majeur d’incertitude pour les relations commerciales. Pékin a probablement attendu de savoir quelles allaient être les décisions du nouveau président pour à son tour lancer le vrai programme de relance qu’attendent les pays qui s’estiment victimes des exportations chinoises. Ce programme pourrait même être un des éléments de la négociation qui va forcément s’ouvrir entre Pékin et Washington et avec l’Union Européenne.

Les premières déclarations du président américain tranchent avec les messages agressifs passés durant sa campagne adressés à ses pays voisins, le Canada et le Mexique et à la Chine. Cette apparente modération préfigure peut-être l’ouverture de négociations en vue de redéfinir les règles régissant les relations commerciales avec Pékin. La présence aux cérémonies officielles d’intronisation de Donald Trump du vice-président Han Zheng est un indice significatif de la volonté partagée par les dirigeants chinois et américains d’ouvrir un dialogue. L’annonce à Davos par le président américain de ramener à 10% les niveaux de droits de douane qu’il entend faire appliquer est un signal encourageant. Dans ce contexte, la Chine pourrait apporter sur la table des négociations un important plan de relance qui offrirait à chacune des parties la possibilité de s’accorder sur de nouvelles règles concernant leurs échanges et éviter des mesures unilatérales agressives.

L’industrie chinoise poursuit sa transformation dans deux secteurs stratégiques, l’automobile et l’énergie. Les véhicules électriques ou hybrides ont connu une ascension spectaculaire ces dernières années. Les immatriculations ont atteint 11,25 millions d’unités en 2024 en hausse de plus de 50% sur un an et représentent déjà 8,9% de l’ensemble des voitures particulières soit plus de 30 millions d’unités. C’est déjà plus de la moitié du parc automobile mondial utilisant ces nouvelles motorisations. La production totale de véhicules a atteint en 2024 un nouveau record avec 31,3 millions d’unités et cela a confirmé la position de la Chine comme le premier marché mondial. On prévoit une nouvelle hausse en 2025 d’environ 5%

Le succès des véhicules électriques et hybrides a été rendu possible grâce à l’implantations de 33 100 points de recharges sur les autoroutes. 97% de leurs stations de services sont désormais équipées. Les constructeurs chinois bénéficient donc grâce à ces volumes considérables d’une avance sur les constructeurs européens qui vont être soumis à une double peine : leur présence sur le marché chinois devrait se réduire fortement et ils seront confrontés sur leur propre marché à une vive concurrence.

Le développement des énergies renouvelables constitue un autre facteur majeur de la croissance chinoise. A la suite des investissements massifs réalisés depuis dix ans, la fin de l’année 2024 a été marquée par une très forte augmentation de la production d’électricité décarbonée. Sur un an, la production hydraulique était en hausse de 5%, le nucléaire de 11,4%, les éoliennes de 6,6% et le solaire de 28% ce qui a permis à la production des centrales thermiques de baisser de 2,6%.

Ces deux moteurs de la croissance chinoise, l’électrification du parc automobile et la réduction de l’utilisation des énergies fossiles pour la production d’électricité contribuent aussi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ils confèrent une réelle crédibilité à l’objectif de neutralité carbone que le pays s’est fixé pour 2060 ce qui est essentiel si l’on veut limiter la hausse des températures. Cela apporterait aussi la preuve que l’on peut concilier croissance économique et lutte contre le réchauffement climatique.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump ne constitue donc pas un obstacle à la poursuite de la croissance chinoise car ses actions ne sont pas en contradiction avec les choix stratégiques de Pékin. « Creusons, Baby, Creusons » aboutira à une augmentation de la production de pétrole et surtout de gaz naturel, donc à une stabilisation des cours mondiaux. Or la Chine aura de plus en plus besoin de gaz naturel pour substituer cette énergie fossile au charbon qui pollue bien davantage. Grâce au GNL venant des Etats-Unis, l’offre mondiale croîtra et le pays pourra atteindre ses objectifs.

Il en ira de même pour l’industrie automobile. Il est difficile de penser qu’un accord serait impossible quand on sait que Donald Trump a choisi comme plus proche collaborateur le fondateur du premier producteur mondial de véhicules électriques qui a massivement investi en Chine. Mais dans ce cas, on voit bien qui serait la victime de ce rapprochement : l’industrie européenne.

Au total, le passage de l’année du Dragon à l’année du Serpent ne sera pas forcément défavorable pour l’Empire du Milieu.