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Le blog d'Alain Boublil

 

2024 : un mauvais millésime pour l'économie ?

Les dernières évaluations de la croissance française ne laissent pas augurer un rebond suffisant pour que soient atteints l’année prochaine les objectifs du gouvernement en matière d’emploi et de rétablissement des comptes publics. Au 3ème trimestre 2023, l’INSEE a révisé en baisse l’évolution du PIB, à -0,1% contre une première estimation à +0,1%. L’acquis de croissance pour 2024 ne serait plus que de 0,6%. La Banque de France a également révisé en baisse sa prévision pour 2024 ramenée à 0,8% contre 0,9% dans sa publication précédente. Ce chiffre est très inférieur au taux de croissance retenu dans la loi de finances pour 2024 soit 1,4%, et met en cause la crédibilité de l’objectif de réduction des déficits publics puisque les recettes fiscales seraient moins élevées qu’attendues.

La première conséquence concerne l’emploi. Trois indicateurs sont en général utilisés pour analyser le marché du travail, le nombre d’emplois créés, le taux de chômage et l’évolution du nombre de demandeurs d’emplois. Si l’emploi salarié s’est accru depuis le début de l’année, on note un net ralentissement depuis six mois avec une hausse des effectifs de seulement 63 000 postes, insuffisante pour compenser les arrivées sur le marché du travail. Le taux de chômage est donc remonté à 7,4% au 3ème trimestre et l’objectif de le ramener à 5% en 2027 sera de plus en plus difficile à atteindre. Le nombre de demandeurs d’emplois en France métropolitaine (catégorie A) est lui aussi reparti à la hausse pour atteindre 3,028 millions à la fin du mois d’octobre. Il y a donc une parfaite cohérence entre le fort ralentissement de l’activité et la remontée du chômage, ce qui n’augure rien de bon pour l’année 2024.

Les résultats en matière d’inflation sont meilleurs que prévus et laissent espérer pour 2024 un retour vers 2% qui devrait être favorable au pouvoir d’achat. Au mois de novembre, les prix à la consommation ont baissé de 0,2% ce qui ramène l’inflation sur douze mois à son niveau le plus faible depuis plus d’un an, 3,5%. Seuls les prix des produits alimentaires connaissent une forte augmentation (+7,7%) ce qui aggrave la perception du phénomène chez les ménages. En revanche, on assiste à un retour progressif à la normale des prix de l’énergie avec la réduction des tensions sur les approvisionnements en pétrole et en gaz et la remise en service des centrales nucléaires ce qui aura un effet positif sur les prix de l’électricité. L’autre grand poste dans la consommation des ménages, les loyers, reste avec 2,6% de hausse sur un an, sur une trajectoire modérée.

La politique de réindustrialisation n’a, pour l’instant donné aucun résultat. Le meilleur indicateur est le commerce extérieur. Le déficit avait atteint un niveau historique en 2022 avec 163 milliards, du fait de la facture énergétique. La France était confrontée à la fois à l’arrêt de près de la moitié de son parc nucléaire, à la hausse des cours des énergies fossiles à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à la réglementation européenne qui indexait les prix de l’électricité sur ceux du gaz naturel. Sur les douze derniers mois, avec la baisse de la facture énergétique, le déficit est revenu à 120 milliards, mais aucun progrès n’est intervenu sur les échanges de produits manufacturés dont le déficit ne cesse de s’alourdir. Il est passé de 4,1 milliards au mois de juillet à 5,4 milliards au mois d’octobre.

Depuis 2013 avec la création du CICE puis les allègements de charges sur les entreprises, la politique de soutien de l’offre a été au cœur de l’action gouvernementale. L’évolution du commerce extérieur montre qu’elle n’a pas donné les résultats attendus et l’année 2024 ne devrait connaître aucune amélioration. La production manufacturière n’a toujours pas retrouvé le niveau de 2015 mais elle connait des évolutions très différentes suivant les branches. La pharmacie, le textile, l’habillement, la maroquinerie ou l’électronique ont progressé alors que l’automobile, la sidérurgie et la chimie n’ont cessé de voir leur production diminuer. La désindustrialisation n’est donc pas générale. Elle résulte des différentes stratégies adoptées par les entreprises. Offrir aux entreprises une contribution à travers des avantages sociaux ou fiscaux sans contreparties n’est pas la solution, contrairement à ce qu’a choisi le gouvernement et la tendance n’a aucune chance de s’inverser en 2024. Multiplier les annonces, rarement suivies d’effet, se vanter d’accueillir les investissements étrangers et distribuer des chèques ne sauraient constituer une réponse, surtout si, comme dans le cas des rénovations thermiques, les procédures pour obtenir les aides sont si complexes que les agents économiques concernés y renoncent le plus souvent. 

Mais cette politique a un coût et est largement responsable de l’accumulation des déficits publics depuis dix ans. Quand les taux d’intérêt étaient nuls ou même parfois négatifs, l’augmentation de l’endettement public ne générait pas de charges supplémentaires pour le budget de l’Etat. Tout a changé avec l’apparition de l’inflation qui a alourdi le coût du remboursement des emprunts indexés et de la hausse des taux qui a immédiatement pesé sur les emprunts à court terme et plus progressivement sur la dette émise à moyen et long terme.

Pour l’Etat seul, la charge est passée de 33 milliards en 2022, à 43 milliards en 2023 et devrait dépasser 50 milliards en 2024. Le déficit budgétaire en 2024 est prévu à 145 milliards, ce qui se traduira par une nouvelle et importante augmentation de la dette de l’Etat. Parler dans ces conditions de « stabilisation de la dette » et même « d’accélération du désendettement » est de la désinformation.  Ce discours qui repose sur la réduction des ratios déficit et dette comparés au PIB ne doit donc pas faire illusion car cette réduction ne résulte que de l’augmentation du dénominateur, grâce à l’inflation et non de la baisse du numérateur. L’économie française est donc confrontée à une double dégradation, celle de ses résultats économiques et celle de ses finances publiques qui montre bien que la politique menée est à la fois inefficace et très coûteuse.

Les entreprises et les ménages l’ont bien compris. Les premières, en raison d’un climat des affaires qui n’est pas favorable, investiront peu en 2024, sauf dans quelques secteurs très visibles comme les batteries pour véhicules électriques. Les ménages continueront de privilégier leur épargne financière. La consommation de biens, qui a encore baissé de 0,8% en octobre, ne devrait pas repartir, et l’acquisition de logements ne se redressera pas en raison de la persistance, au moins jusqu’au milieu de l’année, de taux élevés. La chute du nombre de permis de construire délivrés en 2023 (-26% à fin octobre sur un an) exclut une reprise en 2024. La pénurie de logements locatifs devrait donc perdurer contribuant à accroître l’inquiétude des ménages sur leurs conditions de vie, ce qui est, là encore, pénalisant pour l’activité économique.

La confiance dans l’avenir est un facteur déterminant de la croissance. Les indicateurs publiés depuis le mois de septembre sur le climat des affaires, l’évolution du chômage, la consommation des ménages et leur épargne financière montrent que cette confiance, malgré les déclarations optimistes du gouvernement, n’est pas revenue. 2024 aurait pu être pour la France grâce à la fin des crises sanitaires et énergétiques, l’année du rebond. Elle risque fort de marquer l’entrée dans une période durable de stagnation si une nouvelle politique économique comportant les choix appropriés à la situation du pays, n’est pas mise en place.