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Le blog d'Alain Boublil

 

Les finances de la France

Ces derniers jours, le gouvernement et l’INSEE ont fourni un large ensemble de données permettant d’avoir une vision plus précise sur la situation financière de la France. L’INSEE avait publié à la fin du mois de septembre les chiffres relatifs au patrimoine national et à l’évolution de la dette publique. Le gouvernement a déposé son projet de loi de finances pour 2024 qui donne une description de l’évolution du déficit budgétaire et de la charge de la dette de l’Etat. Ce sont ces derniers chiffres qui ont le plus attiré l’attention dans un contexte d’inflation qui reste élevée et après les relèvements des taux d’intérêt décidés depuis un an par la Banque Centrale Européenne.

La charge de la dette de l’Etat est l’addition de trois composantes. La principale concerne les intérêts payés sur la dette à moyen et long terme. Elle évolue lentement car les taux sont fixes et le remboursement des emprunts à long terme émis dans le passé avec des taux supérieurs aux taux des nouveaux emprunts pouvait se traduire par une baisse de la charge de la dette les années suivantes. C’est ce qui a permis, ces dernières années, malgré la forte augmentation de l’endettement, une stabilité et même certaines années, sa réduction.

La seconde composante provient des émissions à court terme. Les évolutions du taux, largement dépendantes des décisions de la Banque Centrale Européenne, ont au contraire une répercussion immédiate. Le coût des Bons du Trésor, qui avait été négatif ou nul depuis plusieurs années, est réapparu progressivement à partir du deuxième semestre 2022. Il sera l’un des principaux facteurs d’alourdissement de la charge en 2023 et il continuera à peser sur l’exercice 2024.

La troisième composante intervient lors du remboursement d’un emprunt indexé sur l’inflation de la France ou de la zone euro. Ces dernières années, l’Etat pensait faire une bonne affaire. Le taux d’intérêt proposé était symbolique, le plus souvent 0,1%, mais l’économie faite s’est révélée, avec la reprise de l’inflation, illusoire. et va peser lourdement sur les charges futures. Les chiffres de l’Agence France Trésor qui gère de la dette de l’Etat cités n’intègrent pas les dépenses d’organismes annexes comme celui en charge de la dette COVID  

En 2022, la charge de la dette, toutes composantes incluses, a été d’environ 40 milliards d’euros, dont 33,2 milliards pour les intérêts des emprunts à moyen et long terme et 4,9 milliards pour la charge d’indexation sur un emprunt remboursé au mois de juillet. Les taux à court terme étant redevenus positifs en cours d’année, les intérêts payés sur les Bons du Trésor ont représenté près de 2 milliards.

En 2023, les chiffres correspondants donnés par l’AFT sont de 32,7 milliards pour la dette à moyen et long terme et de 5 milliards chacun pour la charge d’indexation et les intérêts sur les Bons du Trésor, soit un total d’environ 43 milliards. Les prévisions pour 2024 donnent une poursuite de la hausse des charges d’intérêt sur les emprunts à moyen et long terme (35 milliards) et des Bons du Trésor, sous l’hypothèse d’un ralentissement des hausses décidées par la BCE (6,6 milliards) et une charge d’indexation stable à 5 milliards soit un total de 47 milliards.

Ces chiffres appellent deux remarques. La hausse de la charge de la dette est moins liée à l’augmentation de l’endettement de l’Etat qu’à des politiques de financement difficilement compréhensibles. Il y a d’abord eu les émissions avant la crise du Covid à des taux largement supérieurs aux taux pratiqués alors, ce qui renchérit aujourd’hui les charges. En outre l’encaissement des primes d’émission qui résultait de ces taux artificiellement élevés allait nourrir la trésorerie de l’Etat qui a donc moins emprunté à court terme au moment où les conditions étaient particulièrement favorables. La part des Bons du Trésor dans la dette de l’Etat est tombé de 13,5% en 2012 à 7% en 2022.

Il y a ensuite le choix d’émettre des emprunts indexés sur l’inflation. Leur facture au moment du remboursement est depuis deux ans une cause majeure de la hausse de la charge de la dette de l’Etat. Il est surprenant, surtout dans le climat actuel et en sachant que cette indexation porte principalement sur l’inflation de la zone euro, supérieure à celle de la France, que les autorités poursuivent dans cette voie.

Ces chiffres sont donc aussi inquiétants que l’évolution du déficit budgétaire et ils n’ont pas été étrangers à la décision de l’agence de notation Fitch de dégrader la note de la France. Même si Standard & Poors n’a pas changé la sienne, on attend avec inquiétude la décision de Moody’s. Mais ces chiffres ne sont pas les seuls critères à prendre en considération pour apprécier la solvabilité du pays. L’INSEE a publié récemment les dernières estimations de sa dette publique et du patrimoine des ménages français.

A la fin de l’année 2022, la dette publique nette était de 2674 milliards d’euros, chiffre obtenu en retranchant de la dette au sens du Traité de Maastricht les dépôts, les crédits et les titres de créances négociables détenus pas les administrations publiques. Le patrimoine financier des ménages était de 6360 milliards répartis à peu près également entre les dépôts et les différents plans d’épargne, l’assurance vie et les actions. Sachant que c’est l’impôt sur les ménages qui est la principale source de recettes pour l’Etat et les organismes publics, le rapport entre cette dette nette et ce patrimoine financier peut constituer un bon indicateur de solvabilité.

A la fin de l’année 2022, il s’établissait à 42%. Il y a dix ans, en 2012, alors que la France était confrontée à la crise de l’euro, il atteignait 39,5%. Même si ces actifs financiers sont répartis de façon de plus en plus inégalitaire, force est de constater que l’accumulation de la richesse des ménages a été presque aussi importante que l’augmentation de la dette publique. Le phénomène était facile à déceler à chaque publication des comptes nationaux de l’économie française. Depuis trois ans le niveau d’épargne financière des ménages a été très élevé. Cela s’est traduit par une accumulation des dépôts à vue dans les banques, puis par un transfert vers le Livret A quand la revalorisation de son taux a été annoncée et un maintien à un niveau proche de 2 000 milliards des fonds placés dans l’assurance-vie.

Le taux d’épargne des ménages en 2023 sera proche de 19% du revenu disponible brut, soit 4 points de plus qu’en 2019. Cette augmentation s’est principalement portée sur l’épargne financière. La tendance devrait s’accentuer dans l’avenir avec la hausse persistante du coût du crédit qui rend l’acquisition d’un logement, autre emploi de l’épargne, bien plus difficile. Ce niveau est d’autant plus élevé qu’il n’intègre pas, à la différence des pays qui ont un système par capitalisation comme l’Allemagne, les cotisations de retraite qui constituent aussi une forme d’épargne.

La situation de la France est fondamentalement celle d’un pays riche. Elle le restera à deux conditions. Cesser les propos alarmistes qui inquiètent les marchés financiers, ce qui aboutit à renchérir les coûts de financement. L’écart de taux avec l’Allemagne pour les emprunts à dix ans était structurellement égal à 30 points de base. Il a atteint au début du mois d’octobre 56 points de base. Mieux gérer la dette et les finances publiques. C’est une œuvre de longue haleine, qui, pour réussir doit donner la priorité aux actions appropriées et non plus à la communication.