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Le blog d'Alain Boublil

 

Une fin d'année incertaine

Au moment où, à l’invitation du président de la banque centrales des Etats-Unis, les responsables économiques internationaux et les économistes se réunissent à Jackson Hole, les incertitudes sur l’évolution de l’économie mondiale durant cette fin d’année se sont accrues. L’extinction progressive des effets de la Covid-19, la maîtrise des flux d’énergies fossiles perturbée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la stabilisation des relations entre les Etats-Unis et la Chine n’ont pas suffit à rétablir le climat de confiance indispensable au retour de la croissance dans les pays développés comme dans les principaux pays émergents.

Aux Etats-Unis, après une hausse du PIB en 2022 de 2,1%, la croissance ne devrait pas dépasser 1% en 2023 et 2024. Le taux de chômage reste très bas à 3,5% ce qui génère des tensions sur les capacités de production mais pas encore une envolée des salaires malgré des négociations tendues comme dans l’industrie automobile. Leur hausse, en moyenne, a légèrement dépassé 4% depuis un an. L’inflation (3,2%) est nettement moins élevée qu’en Europe grâce à l’autosuffisance du pays en énergies fossiles qui le protège contre les  fluctuations ayant affecté ailleurs les prix du gaz et de l’électricité. Mais les déficits publics et extérieurs restent considérables. La dette fédérale a dépassé 100% du PIB et le déficit commercial sur les douze derniers mois a approché 900 milliards de dollars.

La politique économique est pleine de contradictions. L’Etat a fait adopter par le Congrès des mesures de relance d’inspiration keynésienne, sous le couvert de réindustrialiser le pays et de réduire sa dépendance extérieure, notamment vis-à-vis de la Chine avec un programme d’infrastructures de 500 milliards de dollars sur 5 ans, l’Inflation Reduction Act qui porte sur près de 1500 milliards dont plus de 100 milliards ont déjà été affectés, et le Chips Act de 280 milliards sur dix ans. Mais en même temps, la Réserve Fédérale menait une politique restrictive en relevant massivement ses taux d’intérêt directeurs qui dépassent maintenant 5%, tout en acceptant d’accroître la taille de son bilan qui a atteint 9 000 milliards de dollars.

L’un des sujets majeurs abordés à Jackson Hole va être la position du président de la Fed, Jay Powell, face à ces contradictions. Comment peut-on mener une politique monétaire restrictive et procéder à de nouvelles hausses de taux pour ramener l’inflation en dessous de 2% et une politique budgétaire aussi expansionniste avec toutes les conséquences que cela représente pour la charge de la dette américaine ?

La Chine entre aussi dans une période d’incertitude, même si la situation du pays est moins préoccupante que ce qu’on entend dire. Les commentaires portent essentiellement sur la capacité du pays à atteindre l’objectif de croissance de 5% pour 2023 fixé par le gouvernement. Les résultats des quatre derniers trimestres (+3,2%, +0,5%, + 2,2% et + 0,8%) permettent de penser qu’on se rapprochera de cet objectif. Par rapport aux pays développés, ce n’est pas si mal. L’inflation, inférieure à 2%, est vue par les observateurs occidentaux comme une menace de déflation alors que dans leurs pays des efforts sont entrepris pour précisément ramener l’inflation en dessous de 2%.

 La Chine d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a dix ans et comparer les taux de croissance n’a pas de sens. Il reste que comme dans tous les pays qui ont atteint un certain niveau de développement, des crises sectorielles peuvent intervenir. C’est le cas de l’immobilier. Cela affecte le comportement des consommateurs qui ont accru leur épargne au détriment de la consommation et donc de la croissance.      

Le Japon est dans une situation différente puisqu’il a rompu avec la longue période de croissance et d’inflation nulles. L’augmentation du PIB devrait dépasser 1% en 2023 et en 2024 alors que les derniers chiffres relatifs à la hausse des prix varient entre 2 et 3% selon la définition retenue. Le déficit public reste supérieur à 5% et l’endettement public à 250% du PIB. Pourtant la Banque du Japon, à la différence de ses homologues occidentaux n’envisage pas de relever ses taux d’intérêt.

En Europe le bon élève qu’était l’Allemagne se trouve en grande difficulté du fait de ses mauvais choix énergétiques. L’abandon du nucléaire et le placement du pays sous la dépendance du gaz russe a eu de lourdes conséquences. Le pays est retombé en récession et rien ne permet de penser que la situation va se redresser en 2024 car il doit faire face à un déficit démographique croissant dans un contexte inflationniste, peu favorable au pouvoir d’achat. A l’inverse, l’Espagne connaitra en 2023 une croissance supérieure à 2% avec un taux d’inflation parmi les plus bas de la zone euro. L’Italie escomptait une reprise cette année mais les mauvais chiffres du 2ème trimestre (-0,3%) et la persistance d’une inflation supérieure à 6% font douter d’une contribution positive du pays à l’économie de la zone euro. Le Royaume-Uni subit toujours les conséquences du Brexit, avec une inflation supérieure à 6% mais la récession annoncée comme probable à la fin de l’an dernier devrait pouvoir être évitée.

Et la France ? Elle se situe dans la moyenne avec une croissance en 2023 d’environ 1% et des perspectives semblables pour 2024. L’inflation est plus faible qu’en Allemagne mais le chômage reste élevé, bien qu’en légère diminution. Le double déficit, des échanges extérieurs et des finances publiques, nécessite un changement d’orientation de la politique économique. Mais l’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale est un facteur de faiblesse à un moment où des décisions parfois impopulaires doivent être prises, ce qui n’a pas échappé à l’agence de notation Fitch qui a dégradé la note du pays.

Tel est le contexte marqué par la diversité des situations dans lequel vont se dérouler les discussions de Jackson Hole. L’action des banques centrales est fondée sur un principe commun : la hausse des taux d’intérêt permet de freiner la demande ce qui réduit l’inflation et peut la ramener au niveau fixé dans les mandats. Mais ce principe est loin d’être mis en application partout. Aux Etats-Unis, les taux directeurs sont voisins de 5% alors que l’inflation se rapproche de3%. Le taux d’intérêt réel est donc positif et la croissance est faible. Mais il est question de nouveaux relèvements.

Au Japon, malgré une inflation et une croissance supérieure à ce qui a été observé ces dernières années, il n’est pas question de procéder à des hausses de taux. En Chine, avec une croissance élevée par rapport aux autres pays et une inflation très faible, il n’est évidemment pas question non plus d’adopter une politique restrictive et l’action de la Banque centrale sera bien plus concentrée sur le sauvetage de secteurs en difficultés comme l’immobilier que par des considérations macroéconomiques.

C’est en Europe que les choix devraient être les plus difficiles à faire. L’inflation est très au-dessus des 2% fixé dans le mandat et, à la différence des Etats-Unis, les taux d’intérêt réels sont encore largement négatifs. Des relèvements devraient donc s’imposer. Mais la première économie de la zone euro est en récession et les autres économies ne connaissent qu’une reprise très modeste. Comment alors justifier des mesures restrictives dans un contexte économique aussi dégradé ?

Le principal facteur qui pèse sur une économie, c’est l’incertitude. Elle dissuade les entreprises d’investir et encourage les ménages à accroître leur épargne de précaution ce qui pèse sur la croissance. Les dirigeants économiques réunis à Jackson Hole devront clarifier leurs actions futures et lever les incertitudes mais cela sera difficile en raison de la diversité des situations et des contradictions qui en résultent.