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Le blog d'Alain Boublil

 

Bonne Année du lapin !

La Chine reste profondément attachée à ses traditions. Elle a adopté le calendrier occidental pour ses activités civiles et pour publier ses statistiques mais elle fête le Nouvel An suivant ses pratiques ancestrales, riches de symboles. Le 21 Janvier, le pays est entré dans l’année du lapin. C’est l’occasion chaque fois pour les familles que l‘urbanisation associée à la forte croissance de ces dernières décennies avait séparées, de se retrouver. Elles en avaient été empêchées par les mesures restrictives adoptées depuis trois ans pour lutter contre l’épidémie. Leur levée permet de renouer avec la tradition, ce qui ne sera pas sans conséquences sur le plan sanitaire mais aussi sur le plan économique.

L’année 2022 a vu la croissance ralentir et atteindre 3%, ce qui a généré des commentaires critiques, comparant ce chiffre à ceux obtenus dans le passé. Mais la Chine d’aujourd’hui n’est plus la même. Elle a connu ses Trente Glorieuses qui ont permis à des centaines de millions de chinois de sortir de l’absolue pauvreté et elle a conquis la deuxième place dans l’économie mondiale grâce au développement de son industrie et de ses exportations et à la réalisation d’infrastructures modernes. La Chine est devenue « l’usine du monde » en moins d’une génération. Mais ce modèle a atteint ses limites à la fois parce que l’élévation du niveau de vie a rendu les délocalisations moins intéressantes, les grands groupes occidentaux cherchant des solutions alternatives dans d’autres pays asiatiques, et parce que les Etats-Unis et dans une moindre mesure les pays européens y ont vu une menace, amplifiée depuis les tensions géopolitiques consécutives à l’invasion de l’Ukraine pas le Russie.

Le taux de 3% est l’un des plus faibles de ces quarante dernières années mais il doit être analysé en fonction des circonstances exceptionnelles qui affectent l’économie mondiale. La croissance avait été de 2% en 2020, quand les pays développés avaient connu une profonde récession. Elle avait rebondi en 2021 pour atteindre 8,4%. L’économie chinoise s’est donc développée au rythme annuel moyen de 4% depuis trois ans alors que les autres pays peinaient à retrouver à la fin de l’année dernière le niveau de production d’avant l’épidémie.

A la différence des années passées, l’évolution de l’activité en 2022 a été très diverse suivant les secteurs. La production industrielle a augmenté de 3,6%, tirée par l’activité minière (+7,3%) du fait du bouleversement des échanges d’énergies fossiles, et par les secteurs à haute technologie. L’investissement s’est accru de 5% mais ce chiffre recouvre aussi de fortes disparités. Dans l’industrie et la construction d’infrastructures, il progresse de 9% mais dans l’immobilier, confronté à une grave crise, il recule de10%. Enfin, le confinement a pesé sur la consommation des ménages qui stagnait encore à la fin de l’année dernière.

A l’inverse les excédents commerciaux ont atteint le niveau record de 878 milliards de dollars. L’objectif de rééquilibrer la croissance au profit de la demande intérieure est donc loin d’être atteint. Le taux de chômage en milieu urbain, seule statistique publiée, est resté stable avec 5,5% mais le pays connait un basculement démographique. La natalité, malgré l’abandon de la politique de l’enfant unique et les incitations en faveur des familles accordées dans plusieurs régions, est en baisse et le nombre de décès est en hausse. Pour la première fois depuis soixante ans la population chinoise a diminué. Le recul est d’environ 850 000 personnes.

La Chine espère retrouver une croissance de 5% en 2023, conformément aux objectifs de son plan quinquennal mais le FMI estime que ce chiffre est trop élevé. Sa prévision est de 4.4%. La crise immobilière va devoir être résolue. La confiance à l’égard des entreprises de haute technologie va devoir être rétablie. Leur succès exceptionnel et les hautes valorisations boursières atteintes avaient conduit l’Etat à prononcer des sanctions au nom du nécessaire partage de la richesse. Enfin la Chine est confrontée au nouvel environnement international, au recul de la mondialisation et à la montée des protectionnismes.

Liu He, le plus proche conseiller économique du président chinois, a réaffirmé au forum de Davos la volonté de son pays de rester ouvert et de rechercher des partenariats où chacun serait gagnant. Les relations entre les grandes entreprises chinoises et leurs fournisseurs ou leurs clients étrangers ne seront pas remises en cause. 80% des i-phones d’Apple sont fabriqués en Chine où Foxconn, le géant taiwanais des semi-conducteurs, a localisé une très large part de son outil de production. Ce sont les perturbations provoquées par la politique du Zéro-covid dans son usine géante de Zhengzhou qui ont convaincu les autorités qu’il fallait l’abandonner.   

Les menaces américaines sur ses exportations ne vont pas conduire la Chine à s’isoler. L’adhésion de l’Indonésie au Partenariat de Coopération Economique Régional (RCEP) qui regroupe la Chine, les principaux pays de l’ASEAN, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ce qui en fait la zone de libre échange la plus vaste de la planète, en témoigne. Même aux Etats-Unis, la pression monte chez les grands groupes industriels pour que les droits de douane introduits pas l’administration Trump soient allégés.

Mais la volonté de Pékin d’assurer son indépendance financière n’a pas faibli et la stratégie d’internationalisation de sa monnaie qui avait été initiée il y a plus de dix ans, mais qui s’était limité aux marchés financiers et à la place de Hong-Kong, a été relancée. L’accord passé avec les Etats du Golfe pour que les achats de pétrole et de gaz naturel puissent être payés en Yuan, est un premier signal fort d’affranchissement vis-à-vis du dollar.

Enfin, il ne faut pas exagérer les risques à propos de Taiwan. Les liens économiques entre l’île et l’Empire du Milieu sont essentiels. Les entreprises des deux côtés du détroit en tirent profit et la nouvelle possibilité de voyager va relancer les activités touristiques. Il est peu probable que le gouvernement de Taipeh se livre à des provocations qui pourraient remettre en cause le statut actuel. Les prochaines élections présidentielles ont lieu en 2024. Le retour  au pouvoir du Kuomintang qui a connu le succès aux dernières municipales en remportant la mairie de la capitale et qui paradoxalement, quand on connait l’histoire chinoise, est favorable à l’amélioration des relations avec Pékin, pourrait constituer un facteur décisif d’apaisement.  

Les perspectives de l’économie chinoise, durant l’année du lapin, sont donc moins inquiétantes que ce que l’on entend souvent. Le rééquilibrage en faveur de la consommation intérieure mettra probablement plus de temps que ce que les autorités chinoises avaient prévu. La reconfiguration des flux pétroliers et gaziers a permis que Pékin soit bien moins affectée que l’Europe par les sanctions prises à l’encontre de la Russie. La reconstruction des chaines d’approvisionnement pour les raccourcir pèsera sur les investissements étrangers en Chine mais cela devrait être compensé par le développement des pays voisins qui continueront à être des partenaires commerciaux importants, notamment grâce aux investissements dans les infrastructures de transport réalisés dans les programmes des nouvelles routes de la Soie.

Le pire n’est donc pas sûr. La Chine restera l’un des moteurs de la croissance mondiale en 2023. L’euphorie qui résulte des centaines de millions de déplacements durant les vacances du Nouvel An Lunaire ne va pas complètement retomber et il est probable que le consommateur chinois, surtout dans les grandes villes, va retrouver ses habitudes passées, voire les amplifier. L’année du lapin pourrait donc nous apporter de bonnes surprises, en dépit des effets néfastes de l’épidémie.