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Le blog d'Alain Boublil

 

Les nouveaus défis de la Chine

La place qu’a prise la Chine dans l’économie mondiale est devenue si importante que ses difficultés ont des répercussions à l’échelle de la planète. Cette réussite économique a été  longue à venir. Le président Mao rendit au pays son unité et sa souveraineté après plus d’un siècle d’agressions occidentales et japonaises et le peuple lui en sera éternellement reconnaissant. Mais ses résultats économiques avec le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle furent désastreux. Cela n’empêcha pas Alain Peyrefitte en 1973 de conclure « Quand la Chine s’éveillera » en vantant ses « succès éclatants » et d’affirmer que « le pays s’était engagé dans l’aventure révolutionnaire la plus radicale qu’aucune société humaine n’ait jamais connu ». Valéry Giscard d’Estaing, à la mort du président chinois, lui rendit hommage en déclarant qu’un « phare de la pensée mondiale » s’était éteint.

Les réformes introduites par Deng Xiao Ping à partir 1979 ont alors permis à la Chine en trente ans de devenir la deuxième économie mondiale. Il s’appuya sur la réussite des hommes d’affaires de la diaspora chinoise en Asie en leur ouvrant des zones économiques spéciales où ils construisirent leurs usines. Ils donnèrent à leurs anciens compatriotes le goût de la réussite et ils furent suivis par les grands groupes occidentaux et japonais qui investirent dans le pays en recherchant la qualité et le bas coût de la main d’œuvre. Ils purent aussi profiter de l’immense marché qui s’ouvrait à eux. Le point culminant de cette mutation fut l’admission en 2001 de la Chine dans l’Organisation Mondiale du Commerce. Deng Xiao Ping fut bien l’un des pères de la mondialisation.

Des centaines de millions de personnes sortirent de la pauvreté. Il s’ensuivit une urbanisation rapide, des investissements considérables dans les infrastructures, l’instauration de la société de consommation, la création de marchés financiers et de fortunes considérables, à l’image de ce qui se passait aux Etats-Unis. Un tournant majeur est intervenu quand le président Xi Jinping déclara que la prospérité chinoise devait être partagée et quand le gouvernement prit des mesures restrictives et parfois entama des poursuites contre ceux qu’il estimait être à l’origine de ces excès. C’est à ce moment-là qu’intervint l’épidémie. Le durcissement politique déjà en cours y trouva un nouveau terrain d’intervention et les mesures les plus restrictives au monde pour lutter contre l’épidémie furent adoptées. La Chine, pour faire face aux défis qui se présentent, va-t-elle replonger dans la logique de ses origines maoïstes ou va-t-elle retrouver la voie initiée par Deng Xiao Ping ?

Les performances économiques du pays sont rassurantes. La croissance n’a pas retrouvé le niveau d’avant l’épidémie mais à la différence des autres pays développés, la Chine n’a pas connu de baisse de sa production en 2020. L’objectif de 5% sur la période 2021-2025 sera très difficile à atteindre mais la croissance prévue de 3% en 2022 et 2023 est à comparer avec la récession qui menace les autres économies. L’inflation inférieure à 2% est maîtrisée grâce à une plus grande indépendance énergétique et le taux de chômage d’environ 5% en milieu urbain est jugé satisfaisant. Le secteur immobilier traverse une grave crise financière mais l’Etat a les moyens d’éviter un vague de faillites qui aurait de lourdes répercussions sur l’ensemble de l’économie. Le quoiqu’il en coûte n’est pas réservé aux pays occidentaux.   

Le vieillissement démographique provoqué par les conséquences de la politique passée de l’enfant unique ne doit pas générer de pénurie de main d’œuvre dans l’avenir car la part de la population agricole est encore très élevée (23% contre moins de 5% dans les pays développés) et elle constitue un réservoir permettant d’éviter des tensions sur le marché du travail. La consommation des ménages a été lourdement impactée par les mesures de confinement mais leur levée devrait permettre de retrouver une situation normale. Le commerce extérieur continue de dégager un excédent considérable (800 milliards de dollars depuis le début de l’année) mais on assiste à une réorientation des échanges en faveur de l’Asie du Sud-Est (+15%) au détriment des Etats-Unis (+4,8%) et de l’Union Européenne (+7%) qui reflète bien les tensions géopolitiques et sanitaires apparues depuis deux ans.

Le gouvernement vient d’abandonner sa politique très impopulaire du zéro-covid et de confinement qui restreignait les déplacements et avait provoqué des manifestations dans la plupart des grandes métropoles chinoises. Mais on aurait tort de penser que c’est la crainte d’un soulèvement général, au demeurant fort peu probable, qui a incité les autorités à ce revirement à 180°. Ce sont au contraire les protestations des travailleurs de la plus grande usine au monde de smartphones située à Zhengzhou face aux effets du confinement sur l’emploi, les conditions de travail et les rémunérations qui ont fait prendre conscience des conséquences économiques de cette politique ultra-restrictive. Le chiffre d’affaires de Foxconn avait chuté de 19% au mois de novembre après la découverte de quelques cas de contamination.

Les perturbations sur les chaines d’approvisionnement des grands groupes industriels chinois et étrangers devraient donc s’atténuer mais pas les tensions entre Pékin et Washington. Les autorités américaines ont lancé toute une série de mesures protectionnistes afin de ne plus dépendre de la Chine dans les secteurs à haute technologie et notamment les semi-conducteurs où le géant taïwanais TSMC contrôle plus de 70% du marché mondial. Il vient de bénéficier d’une aide américaine pour construire une usine en Arizona mais ses principaux centres de production sont en Chine. Le renforcement de la présence de l’armée chinoise en mer de Chine et dans le détroit de Taiwan a été interprété par la Maison Blanche comme le signe avant-coureur d’une invasion et le parallèle a été fait avec Moscou et la guerre en Ukraine.  

Mais Pékin semble avoir choisi le renforcement du partenariat économique avec l’île qui s’est montré profitable jusqu’à présent pour les deux parties. Il y est incité par l’évolution de l’opinion publique Taiwanese qui s’est traduite par la forte progression du Kuomintang, traditionnellement proche du Parti Communiste Chinois, qui ressort gagnant des élections municipales et a remporté la mairie de Taipeh. Les élections présidentielles de 2024 pourraient donc voir son retour au pouvoir. Etant soutenus par les milieux d’affaires qui sont très impliqués dans l’économie chinoise, les nouveaux dirigeants lèveront rapidement toute inquiétude sur les relations avec Pékin.

La prolongation du mandat du président Xi Jinping et la teneur des discours adressés lors du Congrès du Parti Communiste Chinois au mois d’octobre avaient donné au monde l’image d’un Etat autoritaire, image renforcée par la rigueur des mesures adoptées pour lutter contre l’épidémie et largement diffusée par les Etats-Unis qui voient le pays comme un rival stratégique. On a alors pensé que la « Chine de Mao » était revenue et c’était au plus mauvais moment puisque cela coïncidait avec le retour de la guerre en Europe.

Mais le revirement intervenu à propos de la lutte contre l’épidémie et les messages délivrés lors des grandes réunions internationales auxquelles était revenu assister le président chinois comme sa visite au Moyen-Orient et notamment en Arabie Saoudite où ont été ouverts de nouveau champs de coopération, ne doivent pas être sous-estimés. La Chine de « Deng Xiao Ping » est toujours là. Le choix de la Chine pour faire face aux nouveaux défis qui s’ouvrent devant elle, malgré l’image d’autoritarisme qu’elle donne, n’est donc pas le confinement à l’intérieur de ses frontières et l’isolement vis-à-vis de l’extérieur mais son adaptation progressive au nouvel état du monde.