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Le blog d'Alain Boublil

 

2,49% : Le taux de l'OAT à 10 ans

La hausse des taux d’intérêt à long terme se poursuit en France. L’OAT à 10 ans affichait le 23 septembre un rendement de 2,49%. Le mouvement est général dans le monde occidental et résulte de l’adoption de politiques monétaires plus restrictives par les banques centrales pour lutter contre l’inflation. La Réserve Fédérale américaine vient de relever de 0,75% son taux directeur pour la troisième fois pour le porter à 3%, ce qui était attendu, et d’annoncer de nouvelles hausses significatives dans un avenir proche, ce qui l’était moins. L’inflation a atteint 8,3% au mois d’août sur un an. La Banque d’Angleterre a porté le sien à 2,25%. La Banque Centrale Européenne avait relevé ses taux directeurs au début du mois, pour la première fois depuis dix ans. Bien que spectaculaires et largement commentées ces décisions se répercutent sur les obligations à moyen et long terme mais sont encore très loin de suivre l’évolution de l’inflation.

En France, la hausse des prix avait fluctué de 2012 au début de 2022 entre 0 et 2%. Elle s’est brutalement accrue depuis le début de l’année pour approcher 6%. Dans ce contexte, durant la période précédente, la BCE avait mené une politique monétaire qualifiée d’accommodante pour faire remonter le taux d’inflation, conformément à son mandat, jusqu’à un niveau inférieur mais proche de 2%. Elle avait procédé à des achats sur le marché pour faciliter le financement des Etats pendant la crise épidémique, ce qui avait contribué à maintenir les taux à moyen et long terme à un niveau fluctuant autour de 0%.

Tout a changé avec le retour de l’inflation, comme en témoigne la remontée rapide observée depuis le début de l’année des taux payés par l’Etat. Hors émission de dette à court terme, la moyenne des intérêts des émissions depuis le début de l’année dépassait à la fin du mois d’août 1%. L’emprunt à 10 ans lancé le 1er septembre portait un taux de 2,21% et la hausse devrait s’accélérer au mois d’octobre, ce qui, dans un contexte de lourd déficit budgétaire a généré une vague de déclarations alarmistes.

Pour rassurer l’Etat utilise comme indicateur le rapport entre le déficit et le PIB, qui devrait rester inchangé en 2023 autour de 5%. Mais en valeur absolue, le déficit d’une année sur l’autre s’accroîtra au même rythme que le PIB et avec lui, le montant de sa dette négociable qui dépassera 2300 milliards d’euros. On s’inquiète alors des conséquences de la hausse de l’endettement et des taux sur la charge de la dette. Cette présentation, utilisée depuis des années dans les lois de programmations des finances publiques a pourtant été jusqu’à présent démentie par les faits.

Cette charge baisse depuis dix ans car les émissions sont à taux fixe. Chaque année l’Etat rembourse des emprunts ayant des taux largement supérieurs au taux qu’il paye sur le marché pour financer ce remboursement et le déficit de l’année en cours. La charge d’intérêt dépassait 40 milliards il y a dix ans. En 2022, suivant le recensement opéré par l’Agence France Trésor qui a en charge sa gestion, la charge atteindra 33,2 milliards. Le calcul pour 2023 donne 33,5 milliards avec l’augmentation de l’endettement et l’apparition des premiers paiements d’intérêt pour les émissions du deuxième semestre 2022 à taux plus élevés. Ces nouvelles charges sont à peine compensées par les économies résultant de la fin du paiement des intérêts sur les émissions qui sont venus à échéance en 2022. La charge des intérêts de la dette va donc commencer à augmenter mais pas avec la brutalité évoquée trop souvent.  

Le principal risque n’est pas là, mais dans la politique qui a consisté à émettre des emprunts indexés, sur l’inflation française ou sur celle de la zone euro. Le coût de cette indexation n’apparait pas chaque année comme les intérêts. Il intervient lors du remboursement de l'emprunt. Cette dette s’élève à 45 et à 130 milliards indexés respectivement sur l’inflation française et sur celle de la zone euro, d’où le paradoxe. Alors que la France a su mieux que ses partenaires maîtriser l’inflation depuis le début de la crise énergétique, elle ne va pas en profiter, au contraire, à cause du mode d’indexation de sa dette.

Cette stratégie avait un objectif budgétaire. Du fait de l’ancienne réputation inflationniste du pays, on pensait qu’il coûterait moins cher de placer des titres en les indexant sur l’inflation de la zone euro. Tout en perpétuant l’idée que la France était un pays moins vertueux que ses voisins, cette stratégie se retourne maintenant contre ses auteurs puisque la facture de l’indexation va en être alourdie. En 2022, le coût de l’indexation de l’emprunt arrivé à échéance le 25 juillet a été de 4,7 milliards d’euro conduisant la charge budgétaire totale de la dette à moyen à moyen et long terme à 38 milliards. En 2023, avec l’emballement des prix actuels, la charge d’indexation sur l’inflation de la zone euro de l’émission arrivant à échéance le 25 juillet 2023 pourrait dépasser 5 milliards, neutralisant les effets bénéfiques de l’amortissement des émissions passées à taux élevé. La charge totale en 2023 resterait néanmoins proche du niveau atteint en 2022 mais ce sera la dernière fois.

Les inquiétudes relatives à l’inflation sont justifiées car c’est là que se situe le risque principal pour la dette publique. Afin de réduire son exposition au risque inflationniste, l’Etat aurait tout intérêt à diminuer ses émissions indexées sur l’inflation de la zone euro et à utiliser la trésorerie provenant de ses émissions à court terme qui continuent de bénéficier de taux très faibles, pour racheter sur le marché ces titres indexés.