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Le blog d'Alain Boublil

 

Le dette publique et la hausse des taux d'intérêt

On dit souvent que la peur est mauvaise conseillère. Mais est-ce que faire peur aux habitants de son pays est une bonne manière de gouverner ? En quelques jours, on vient d’avoir deux déclarations de hauts responsables sur les dangers pour les finances publiques que représentent la hausse des taux d’intérêt et l’inflation sur les charges générées par l’endettement croissant du pays. Elles contenaient des chiffres catastrophiques sans aucun rapport avec la réalité. L’objectif non affiché était bien sûr de faire pression sur l’opinion pour qu’elle cesse d’être favorable à une augmentation des salaires et des transferts sociaux pour protéger le pouvoir d’achat face à la hausse des prix. A un moment où l’on s’accorde pour constater la méfiance ou le rejet par une large partie de la population de la classe politique et des élites, ce qui s’est traduit lors des dernières élections par une montée des parties extrémistes et une forte abstention, est-ce que ces procédés sont appropriés et ont-ils quelque chance d’être efficaces ? Assurément non.

Samedi, dans le Figaro, le gouverneur de la Banque de France affirmait que « chaque hausse de 1% des taux entrainera au bout de dix ans une augmentation de la charge d’intérêt de 1 point de PIB », ce qui représenterait à terme chaque année un coût supplémentaire de près de 40 milliards d’euros. Malheureusement ce calcul n’a aucun sens car personne n’imagine que les taux à moyen terme vont augmenter tous les ans de 1% pour atteindre en 2032 12%. En outre, le raisonnement fait semblant d’ignorer que les émissions du Trésor sont à taux fixes et que l’Etat va encore profiter pendant longtemps des émissions aux taux très faibles de ces dernières années, lesquelles lors des opérations de refinancement, sont venues se substituer à des émissions passées qui elles avaient des taux bien plus élevés. La charge d’intérêts de la dette publique n’a donc cessé depuis cinq ans de baisser contrairement aux prévisions figurant dans les précédentes lois de programmations des finances publiques.

Hier, dans les Echos, le ministre des Finances reprenait ce thème, avec des chiffres  plus faibles mais tout aussi éloignés de la réalité. « La hausse des taux d’intérêt et le retour de l’inflation entrainent une dépense supplémentaire sur la charge de la dette de 17 milliards d’euros dès cette année ». Première observation, puisque les taux sont fixes, leur hausse ne prendra effet que l’an prochain avec les premiers versements d’intérêt. En revanche, et c’est le second point, la reprise de l’inflation a des conséquences immédiates sur les montants à rembourser des emprunts indexés arrivant à maturité, mais certainement pas dans les proportions annoncées par le ministre.

L’Agence France Trésor publie chaque mois les statistiques concernant la dette de l’Etat qui constitue de loin la partie principale de la dette publique. En 2021, les charges d’intérêt sur la dette à moyen et long terme ont représenté 34,2 milliards. En 2022, elles seront en baisse d’un milliard à 33,2 milliards. En revanche, les conséquences de l’inflation sur les titres indexés sont réelles. Elles étaient inférieures à 1 milliard en 2021 mais atteindront 4,7 milliards en 2022. Au total l’augmentation de la charge de la dette résultera essentiellement de l’indexation des titres arrivant à l’échéance en 2022 et représentera 3,7 milliards. On est très loin du chiffre annoncé de 17 milliards. Ce qu’il a probablement voulut dire, c’est que si l’on additionne sur les neuf ans qui viennent, période correspondant à la maturité moyenne de la dette de l’Etat, les conséquences de la hausse récente, on pourrait atteindre un tel niveau. Mais cette méthode permettant de gonfler les statistiques pour faire peur n’a aucune chance d’être convaincante.

Ces présentations ont néanmoins le mérite de montrer que contrairement à une idée largement répandue, l’inflation n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les finances publiques quand l’Etat émet des titres indexés. La situation est encore plus préoccupante si ces titres sont indexés sur l’inflation de la zone euro. Dans le passé, cette méthode était préférée car la France avait depuis longtemps la réputation d’être un mauvais élève et avait un taux bien supérieur à ses voisins. Ce n’est plus le cas aujourd’hui puisque depuis le début de l’année, la hausse des prix fluctue en France entre 5 et 6% alors que dans la zone euro elle se situe entre 8 et 9%. Dans le passé, l’Etat avait émis pour des montants considérables des obligations portant des taux supérieurs à ceux du marché et empochant des primes de plusieurs milliards chaque année. Ces ressources seraient bien mieux employées si elles servaient maintenant à rembourser par anticipation des titres indexés au lieu d’en émettre de nouveaux.     

Plutôt que de multiplier les annonces catastrophistes, le ministère des Finances et la Banque de France devraient plutôt s’employer à imposer une gestion plus rigoureuse de la dette et de son financement et mettre un terme à la pratique des émissions indexées sur l’inflation dans la zone euro qui vont peser sur les remboursements à venir.