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Le blog d'Alain Boublil

 

CHINE : Le retour du pessimisme

La publication des chiffres du PIB chinois au 1er trimestre, +4,8% sur un an, a été accueillie avec scepticisme, alors qu’ils étaient supérieurs à la progression de 4%, toujours sur un an, du trimestre précédent et même aux attentes qui tablaient sur une croissance de 4,4%. La guerre en Ukraine venait de commencer et n’avait pas encore affecté de façon significative les chaînes de production et le redémarrage de l’épidémie du Covid-19 commençait à peine à produire ses effets avec le confinement décidé pour la région de Shenzhen.  

Les investissements des entreprises ont progressé de 9,3% en rythme annuel et les productions de l’industrie et de l’énergie ont cru respectivement de 6,2% et de 6,1%. Les secteurs à haute technologie et la fabrication de véhicules électriques ont été les principaux moteurs de cette croissance avec parfois des hausses à deux chiffres. Mais ces progressions masquent le début du retournement intervenu au mois de mars avec la baisse des importations et les mesures prises pour lutter contre la reprise de l’épidémie avec le confinement de l’agglomération de Shanghai, partiel au début du mois de mars et qui a été renforcé à partir du 1er avril. Or la ville est le premier port de l’Empire du Milieu et les images montrant les centaines de porte-containers attendant d’être chargés ou déchargés illustrent bien les conséquences économiques des décisions prises par les autorités chinoises. Les chaînes d’approvisionnement ont commencé aussi à subir les conséquences de la fermeture des liaisons ferroviaires avec l’Europe à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

L’un des secteurs industriels parmi les plus touchés est l’industrie automobile traditionnelle. 20% des véhicules sont produits dans les zones actuellement en confinement et des producteurs comme Tesla ou Volkswagen ont dû interrompre leur activité, ce qui a eu des conséquences sur leurs fournisseurs. Même si un retour progressif des ouvriers dans les usines vient d’être décidé, on est loin d’avoir retrouvé des conditions normales d’activité. La prévision de la production de la branche de 27,5 millions de véhicules en 2022 n’a pas encore été révisée à la baisse mais il est bien peu probable qu’elle soit tenue. L’assouplissement des restrictions qui frappent les producteurs ne concernent pas les clients qui, eux, ne seront pas au rendez-vous dans les concessions puisque leurs déplacements sont toujours restreints. Cette situation ne se limite pas aux voitures et on observe déjà une réductions des ventes de produits de luxe ou de certaines denrées alimentaires.     

Ces menaces interviennent quand un autre secteur important de l’économie chinoise traverse des moments difficiles, l’immobilier. Le premier promoteur chinois, Evergrande, menacé de défaut de paiements du fait de son endettement excessif semble avoir, pour l’instant, été sauvé par l’intervention de l’Etat. Mais la reprise de la crise sanitaire a eu un effet immédiat sur les activités de construction avec des ventes de logements neufs retombant au mois de mars à leur plus bas niveau depuis deux ans. Cette tendance a toutes chances de s’aggraver dans les mois qui viennent, les acquéreurs éventuels, quand ils ne sont pas dans l’impossibilité de visiter les biens, sont tentés de différer leurs projets jusqu’au retour d’une situation sanitaire normale.    

La tendance observée au mois de mars devrait donc s’accentuer durant le deuxième trimestre et on commence à s’inquiéter d’une possible récession si, par exemple, des dispositifs analogues étaient pris pour protéger les populations des autres grandes métropoles comme Pékin ou celles du Yunnan ou du Sichuan. Les marchés financiers ont rapidement réagi avec de très fortes baisses des bourses de Shanghai et de Hong-Kong en repli respectivement de 20% et de 15% depuis le début de l’année. Ce contexte a incité la Banque Centrale Chinoise à se montrer plus accommodante en réduisant les coefficients de réserve obligatoire imposés aux banques ce qui va libérer des capacités supplémentaires de financement aux entreprises de 83 milliards de dollars pour permettre à celles-ci, de traverser la période difficile qui s’annonce, un peu comme ce qui avait été mis en place en Europe avec le « quoi qu’il en coûte ».

Mais cette action qui en préfigure probablement d’autres, intervient à un moment où aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale se prépare, du fait de la forte hausse de l’inflation, à intervenir dans un sens opposé et à augmenter ses taux d’intérêt. Les emprunts chinois avait profité jusqu’à présent d’un écart de taux qui rendait les titres de dette plus attractifs. Le retournement en cours sur les marchés obligataires s’est traduit sur les mois de février et mars par des sorties de capitaux d’un montant de 28 milliards de dollars auxquelles il faut ajouter les cessions d’actions détenues par des investisseurs étrangers pour près de 8 milliards de dollars. Les politiques monétaires opposées des deux pays ont eu aussi des conséquences sur le marché des changes. Alors que la parité entre le Yuan et le dollar était restée stable depuis un an autour de 6,36 Yuan pour un dollar, la devise chinoise ces deux dernières semaines a perdu 3,5%.

Jusqu’à présent, la Chine, malgré la hausse des prix des matières premières, a réussi à contenir sa répercussion sur les ménages. L’indice des prix à la consommation est en hausse de 1,5% sur un an alors que celui des prix à la production s’est accru de plus de 8%. Le pays n’a pas hésité à réduire certains droits de douane pour compenser le renchérissement de ses importations, notamment en provenance des Etats-Unis. Cette relative modération de l’évolution des prix est aussi la conséquence des inquiétudes des consommateurs qui hésitent à acheter ou qui sont dans l’impossibilité de le faire dans de nombreuses grandes villes. Or c’est là que se trouvent les niveaux de vie les plus élevés et donc les dépenses.

Le Chine s’était fixé deux objectifs stratégiques pour entamer une nouvelle phase de son développement : nourrir davantage la croissance économique par la hausse de la demande intérieure et faire de sa monnaie, le Yuan, une véritable devise internationale. Les restrictions aux déplacements dans les grandes villes ont déjà commencé à peser sur l’attitude des ménages et sont même de nature à provoquer au deuxième trimestre une récession économique comme celle que le pays a connu au début de l’année 2020 lors du déclenchement de l’épidémie du coronavirus. La conjugaison des inquiétudes sur la croissance et de l’évolution divergente des politiques monétaires américaines et chinoises ont affecté les marchés financiers. Le processus d’internationalisation du Yuan du fait du retrait des investisseurs étrangers sera donc freiné. Ces deux objectifs vont donc être de plus en plus difficiles à atteindre.

Lors de l’ouverture du Forum de Boao, qui est un peu à l’Asie ce que Davos est aux pays occidentaux, le président Xi Jinping a insisté sur le fait que pour surmonter les défis auxquels le monde est confronté, la meilleure solution résidait dans la coopération et dans la solidarité entre les nations et non dans la résurgence de la mentalité de la Guerre Froide. L’Asie devait devenir un modèle pour la paix mondiale, pour le soutien à la croissance et pour favoriser la coopération internationale.

Ce message pouvait être bien reçu avant la reprise de l’épidémie en Chine où la croissance avait contribué à soutenir l’économie mondiale. Mais il est moins convaincant si les difficultés auxquelles est confronté le pays font peser un nouveau risque sur les équilibres économiques et financiers du monde.