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Le blog d'Alain Boublil

 

1,02% : Taux d'intérêt sur les OAT à 10 ans de la France

Le 31 mars 2022, le taux de l’emprunt de l’Etat français à dix ans a atteint 1,02%. Au début du mois, ce taux était de 0,43% et il y a un an de -0,35%. Cette remontée n’est pas la traduction d’une défiance des investisseurs à l’égard de la France du fait d’un endettement en forte croissance, car elle est générale dans la zone euro et l’écart avec le Bund allemand sur les mêmes échéances a peu varié autour de 40 points de base. Elle traduit plutôt les changements des anticipations des marchés financiers sur l’action de la Banque Centrale Européenne. Le phénomène n’est pas circonscrit à l’Europe. La Réserve Fédérale américaine a clairement affiché, tout comme son homologue anglaise, sa volonté de mettre un terme à sa politique accommodante et prévoit des relèvements de taux significatifs d’ici la fin de l’année pour lutter contre l’inflation qui a pris outre-Atlantique, des proportions inquiétantes. Ces augmentations des taux à court terme se répercutent donc sur les échéances à moyen et long terme.

Après avoir hésité à durcir leurs politiques monétaires pour ne pas compromettre la reprise économique et risquer de provoquer une chute des marchés financiers et avoir évalué les conséquences de l’invasion de l’Ukraine, les banques centrales ont donc fait leurs choix conformément à leurs mandats. L’inflation vient de dépasser 7% aux Etats-Unis et en Allemagne et pourrait atteindre en moyenne 8% dans la zone euro cet été, niveaux que l’on n’avait pas connu depuis plusieurs décennies. La France figure parmi les bons élèves avec une hausse des prix, suivant les premières estimations de l’INSE pour le mois de mars, de 4,5% sur un an et de 1,4% sur un mois.

Le phénomène était encore considéré comme transitoire au lendemain de la crise sanitaire. Les chaînes d’approvisionnement allaient se reconstituer et les goulots d’étranglements se résorber progressivement. La guerre en Ukraine a remis en cause ce raisonnement avec la certitude de tensions durables sur la plupart des marchés de matière premières. Les zones affectées par les combats ne peuvent plus produire. Les sanctions interdisent certains échanges et les menaces pèsent sur la sécurité des circuits de transports en mer Noire et en Europe centrale ce qui gène les flux de marchandises et perturbe l’approvisionnement des usines en composants et en pièces détachées. Même si un accord était trouvé pour mettre fin à l’invasion et aux combats, les conséquences de cette situation ne se résorberont pas rapidement. Les pays développés doivent donc réapprendre à vivre dans un contexte inflationniste avec ses conséquences sur le pouvoir d’achat à un moment où ils ont fortement accru leur endettement.

C’est dans ce contexte qu’intervient la hausse des taux et nombreux sont ceux qui vont délivrer un message alarmiste. La conjugaison d’un endettement très élevé et de la remontée des taux d’intérêt ne constitue-t-elle pas une menace pour la France dont la situation financière a déjà été affectée par la politique du « quoi qu’il en coûte » conduite pour atténuer les conséquences de la crise sanitaire ? Jusqu’à présent, les programmes des candidats à l’élection présidentielle contiennent surtout des dépenses nouvelles, parfois très importantes et ne semblent pas se soucier de ce nouvel environnement financier.

La menace est en réalité moins inquiétante qu’il n’y parait. La remontée des taux d’intérêt est certes spectaculaire, +1,5% en un an. Mais elle est largement inférieure au rebond de l’inflation passée de 1,5% à 4,5%. Les taux réels ont donc fortement baissé et même si la BCE commence à remonter ses taux avant la fin de l’année, il est peu probable que les hausses à venir soient de même ordre que les conséquences sur les prix à la consommation des perturbations sur les marchés de matières premières et de produits industriels. Les ratios financiers qui rapportent les déficits et les endettements publics au PIB vont donc mécaniquement s’améliorer.

En revanche, la baisse observée depuis plusieurs années de la charge de la dette publique grâce aux taux très bas et parfois négatifs va se ralentir avant de repartir à la hausse, surtout si l’Etat continue à émettre des emprunts indexés sur l’inflation de la zone euro, aujourd’hui largement supérieure à celle du pays. Au mois d’avril, l’Etat va rembourser un emprunt de 41 milliards portant un intérêt de 3%. A partir de l’an prochain il économisera donc chaque année 1,2 milliard. Mais pour se refinancer, il devra émettre un nouvel emprunt du même montant. L’an dernier, avec un taux nul, il récupérait la totalité de la somme économisée. Avec un taux de 1% tel qu’il est observé aujourd’hui, il n’économisera plus que 0,8 milliard.

Mais le risque principal n’est pas là. Au mois de juillet, il faudra rembourser un emprunt indexé sur l’inflation de la zone euro d’un montant de 18 milliards portant un taux de 1,1%. La charge d’intérêt annuelle n’a été que d’environ 200 millions. Mais la charge d’indexation qu’il faudra régler aux porteurs à l’échéance sera voisine de 4 milliards d’euros.

La principale conséquence de l’inflation sur les finances publiques ne réside donc pas dans les relèvements de taux d’intérêt qu’elle va rendre nécessaire mais sur ses effets sur la partie indexée de la dette publique, surtout à un moment où les salaires et les retraites, eux ne sont pas indexés. Il n’est pas trop tard pour en prendre conscience et tirer les conclusions qui s’imposent.