Vous n’êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

Inscription

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

La bonne transition énergétique

Le réchauffement climatique est, pour la première fois, l’un des thèmes majeurs des élections présidentielles en France. Les candidats engagent leur crédibilité sur les réponses qu’ils proposent mais celles-ci sont souvent floues et parfois même en contradiction avec les autres propositions figurant dans leurs programmes. Annoncer des objectifs ambitieux de réduction des émissions des gaz à effet de serre ne suffit pas. Il faut que la réalisation de ces objectifs soit crédible et corresponde aux défis auxquels le monde est confronté. Pour apporter des solutions convaincantes, il est nécessaire de prendre en compte trois réalités.

Le réchauffement climatique est d’abord un phénomène global. C’est l’ensemble des émissions produites par chaque Etat qui en est la cause. Mais il existe de très fortes disparités suivant la taille des pays et les politiques menées. Les Etats-Unis ont réduit leurs émissions de CO2 provoquées par l’utilisation des énergies fossiles de 400 millions de tonnes entre 2010 et 2019 pour atteindre 5 milliards de tonnes. Cette année-là la France émettait 300 millions de tonnes, en baisse de 20% quand l’Allemagne rejetait 680 millions tonnes en baisse de 14%. La Chine a vu ses émissions sur la même période croître de 20% pour atteindre 9 800 millions de tonnes. Ces différences sont considérables. C’est pourquoi une négociation internationale est nécessaire et le respect des accords conclus indispensable. Imaginer que l’action d’un Etat aura des conséquences sur la vie de sa population présente et future est un nonsense comme imaginer qu’il peut à lui seul résoudre le problème. Les résultats ne proviendront que de l’action de tous afin de bénéficier à tous.  

C’est ensuite un phénomène lent mais irréversible. C’est pourquoi seules des actions durables sont de nature à y faire face car c’est la continuité des politiques mises en œuvre qui est la condition de leur succès. Cette situation est peu fréquente dans l’action politique. Les dirigeants politiques attendent des résultats rapides dont ils pourront se prévaloir devant leurs électeurs. Cela ne les empêche pas dans le discours de fixer des objectifs dont le terme dépasse largement l’échéance de leurs mandats. Cela nuit à leur crédibilité puisque chacun peut se demander quelle est la portée d’un programme qui annonce des objectifs pour 2040 ou 2050, sachant que la plupart de ces dirigeants ne seront plus en fonction à ces dates.

La troisième caractéristique du réchauffement climatique, c’est que c’est un phénomène certain et à cela, les responsables politiques sont peu habitués car en économie ou, comme on le constate aujourd’hui, avec la crise sanitaire, les pays vivent dans l’incertitude. C’est pourquoi les remèdes choisis doivent apporter des résultats certains. Or, notamment dans le domaine de la transition énergétique, de nombreuses propositions reposent sur des nouvelles technologies comme celles permettant le stockage de l’électricité, la capture du CO2, le bio-méthane ou la production d’hydrogène dont les résultats sont eux loin d’être certains. Elles ne peuvent donc pas constituer des réponses adaptées au changement climatique, tant qu’elles n’auront pas prouvé leurs capacités à apporter les résultats attendus et à des cou^ts acceptables.  

Le succès de la lutte contre le réchauffement climatique repose d’abord sur la capacité des Etats à transformer leurs modes de production d’énergie au premier rang desquels figure l’électricité, appelée à se substituer aux énergies fossiles. Mais si sa production continue de reposer sur des énergies fossiles, cette politique ne contribuera pas à la réalisation des objectifs annoncés. Il faut ensuite trouver et mettre en application des incitations efficaces pour que les agents économiques consomment moins d’énergie sans que cela affecte les capacités des entreprises et la qualité de vie des ménages.

Pour l’électricité, l’exemple américain le montre, c’est la réduction du charbon au profit du gaz naturel, rendue possible par l’exploitation des gisements de gaz de schiste, qui a permis au pays de réduire significativement ses émissions. La consommation de charbon entre 2010 et 2019 a été divisée par deux dans ce pays alors qu’en Allemagne, elle n’a baissé que d’un tiers et a progressé de 10% en Chine. Les tensions observées sur le marché du gaz en Europe ne sont donc pas seulement d’origine géopolitique. Il apparait de plus en plus clair que pour les pays qui ont renoncé au nucléaire, la seule manière d’atteindre dans un temps acceptable leurs objectifs repose sur le remplacement des centrales au charbon par des centrales à gaz, puisqu’on attend une augmentation continue de la consommation d’électricité dans le transport comme pour les usages domestiques. Les sources d’électricité intermittentes ne sont pas en mesure d’assurer la sécurité des approvisionnements, et cela a été confirmé ces derniers mois autant en Allemagne qu’aux Etats-Unis. Les réticences de la Commission Européenne à classer le gaz naturel comme source d’énergie contribuant à la transition énergétique sont donc incompréhensibles.

Les incitations pour réduire la consommation d’énergies fossiles doivent aussi être mieux ciblées. Pour la mobilité la concentration des aides publiques sur les véhicules particuliers est excessive car très coûteuse et contribuant peu à la réalisation des objectifs affichés. En revanche, si l’on transférait une partie de ces aides aux véhicules professionnels, souvent anciens et fonctionnant au diesel, le résultat serait bien meilleur car le principal obstacle pour les particuliers, à savoir l’autonomie et la disponibilité de bornes de recharge, affecte peu  les entreprises qui disposent souvent des locaux pour les installer et qui font essentiellement des trajets courts. A plus long terme, l’électrification du transport routier ou l’utilisation du gaz naturel dans le transport maritime doivent faire l’objet de politiques volontaristes. La probabilité de leur succès est certainement plus élevée que celle du développement d’avions fonctionnant à l’hydrogène dont il n’existe même pas de prototype.                         

La même observation peut être faite pour la réduction des consommations dans l’habitat. La réalisation des travaux est très complexe pour les copropriétés et pour les appartements qui y sont loués. L’efficacité de cette politique dépend de la facilité avec laquelle elle est mise en œuvre. Il vaut donc mieux concentrer les aides sur les maisons individuelles occupées par leurs propriétaires et sur les immeubles appartenant à des institutionnels, qu’ils soient ou non des bailleurs sociaux. L’Etat et les collectivités locales ont eux aussi, une énorme responsabilité dans la mise aux normes d’isolation des vastes locaux qu’ils occupent et ils sont en mesure de prévoir les travaux et les financements nécessaires.    

La France ne va pas, à elle seule sauver la planète. Vu le très faible niveau de ses émissions, la transition énergétique, tout en étant aussi volontariste qu’ailleurs, doit donc être aussi dictée par des considérations économiques. La consommation d’électricité étant appelée à croître, il est urgent de lancer un vaste programme nucléaire destinée à moderniser les centrales existantes et à construire les capacités nouvelles qui remplaceront les centrales qui arriveront en fin de vie. Cela permettra aussi la renaissance d’un outil industriel stratégique. Le même volontarisme soutenue par l’Etat, mais à condition d’être ciblé et de s’interdire toute dispersion au profit de projets aléatoires, doit porter sur la nouvelle motorisation des véhicules. Ainsi pourrait être retrouvée au moins en partie, un niveau de production dans ce secteur qui aura été depuis vingt ans la principale cause de la désindustrialisation du pays.

La transition énergétique, à condition de ne plus être un slogan et de reposer sur des bases sures et durables, peut contribuer à la fois aux respects de nos engagements internationaux et à la réalisation des objectifs de la politique économique. C’est une situation suffisamment rare pour que l’occasion ne soit pas manquée.