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Le blog d'Alain Boublil

 

Chine : L'année du Tigre

Le 1er février, la Chine fêtera le Nouvel An et entrera dans l’année du Tigre. Durant deux semaines, le peuple chinois sera en vacances mais, en raison des mesures restrictives destinées à empêcher l’épidémie de se propager dans le pays, il ne pourra pas autant qu’avant celle-ci se déplacer dans le pays ou voyager à l’étranger. Ces mesures ont aussi été mises en place pour permettre aux Jeux Olympiques d’hiver de se dérouler comme prévu du 4 au 20 février mais avec un public restreint et aucun spectateur étranger. Les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, comme partout dans le monde, seront affectés mais l’impact sur l’activité économique sera moins lourd qu’ailleurs puisque les ménages pourront consommer davantage dans leur pays ce qui devrait remédier au ralentissement observé à la fin de l’année passée.

En 2021, la Chine a connu une croissance de 8,1% après 2,2% en 2020. Ces chiffres sont des moyennes annuelles et comportent de fortes fluctuations d’un trimestre sur l’autre. La croissance chinoise a été la première dans le monde à chuter au 1er trimestre 2020 (-7%) du fait de l’épidémie puis a connu une lente reprise durant les trois trimestres suivants avant d’enregistrer un rebond spectaculaire au 1er trimestre 2021 (+18%) suivi d’un ralentissement marqué tout au long de l’année tombant à 4% au 4ème trimestre. L’économie chinoise n’entame donc pas l’année 2022 sur un rythme aussi soutenu que par le passé car si, sur le plan conjoncturel, la politique du gouvernement, malgré l’environnement international, a donné des résultats positifs, l’Empire du Milieu est confronté à des problèmes structurels qui pourraient dans les années à venir affecter son développement.

Le succès le plus impressionnant concerne les échanges extérieurs qui ont atteint 6000 milliards de dollars, soit 16 % du commerce mondial, en hausse de 21% en un an, ce qui apporte un démenti à tous ceux qui ont prétendu que le pays entrait dans une phase d’isolation ou de repli sur soi. Ces résultats sont d’autant plus spectaculaires qu’ils sont intervenus malgré les restrictions aux échanges et les droits de douanes imposés par  le précédent président américain et confirmés par Joe Biden. Cela n’a pas empêché les investissements étrangers dans le pays d’atteindre 179 milliards de dollars en 2021 et les exportations 3 360 milliards de dollars portant l’excédent commercial à 676 milliards, en hausse de 26% sur l’année précédente. Ce résultat a été obtenu malgré les difficultés rencontrées dans la logistique avec la saturation des ports et des porte-conteneurs et les hausses des coûts du transport maritime qui en ont résulté. Il ne doit donc pas être sous-estimé.

35% des exportations chinoises sont réalisées par des entreprises étrangères implantées dans le pays. Même si ce chiffre est en forte baisse depuis quinze ans (il était de près de 60% en 2008), il confirme le rôle essentiel de l’économie chinoise dans les chaines d’approvisionnement des entreprises. Celles-ci n’en négligent pas pour autant le marché local puisqu’elles y ont réalisé en 2021 un chiffre d’affaires d’environ 1 000 milliards de dollars. L’épidémie du Covid-19 n’a donc pas fait reculer la mondialisation et a plutôt renforcé la place de la Chine et non l’inverse comme on l’a souvent entendu dire. Ces points ont été longuement évoqués par le président chinois dans son discours préparé à l’occasion du prochain Forum de Davos. Il y a donc un fossé entre les discours des responsables politiques occidentaux, notamment aux Etats-Unis, appelant à un durcissement des relations commerciales avec la Chine et la pratique des entreprises, notamment américaines, qui accordent une place majeure au marché chinois et à leurs outils de production sur place.

 L’inflation, malgré la hausse des cours des matières premières, est restée très modérée en 2021 (+0,9%), largement du fait des différentes réglementations qui affectent la formation des prix. La croissance n’a pas seulement été tirée par les exportations. La consommation des ménages, qui représente les deux tiers de la demande globale a été  hausse de 7% mais la tendance est nettement au ralentissement. Ainsi au mois de décembre, les ventes au détail n’ont augmenté que de 1,7%. C’est l’une des raisons pour lesquelles la banque centrale chinoise vient de décider une baisse de 10 points de base de son taux d’intérêt à un an, la première depuis deux ans. Le chômage en milieu urbain, qui est le seul indicateur officiel a diminué puisque son taux est passé de 5,6% en 2020 à 5,1% en 2021. Globalement, l’économie chinoise a donc mieux traversé la crise actuelle que les autres grandes économies mais elle est aujourd’hui confrontée à des problèmes structurels susceptibles, s’ils ne sont pas résolus, d’affecter ses perspectives futures.

La chute de la natalité et l’absence de réaction de la population aux premières décisions prises par le gouvernement fait peser sur le pays et sur son développement économique une réelle menace. 10,62 millions de naissances ont été enregistrées en 2021 contre 12 millions en 2020. Cette chute ne peut être expliquée entièrement par les conséquences de l’épidémie car elle s’inscrit dans une tendance durable qui résulte à la fois de l’évolution du mode de vie de la jeunesse chinoise et des conséquences à long terme de la politique de l’enfant unique. La population se stabilise et devrait, sauf changement, entrer dans une phase de vieillissement, peu favorable à la croissance. L’autorisation pour une famille d’avoir deux enfants puis maintenant trois n’a pas pour l’instant fait évoluer les comportements.

La crise sanitaire n’a pas davantage permis au modèle économique chinois d’évoluer. Le pays ne voulait plus être seulement « l’usine du monde ». Or cette position a été renforcée durant cette crise, même si les usines ont aussi largement approvisionné les marchés locaux en biens de consommation d’une qualité de plus en plus élevée. Dans le secteur des hautes technologies, des géants mondiaux sont apparus mais la volonté des autorités politiques d’arriver à une prospérité partagée les a conduits à prononcer des sanctions financières lourdes sur leurs créateurs, ce qui peut décourager les entrepreneurs. Un bon équilibre reste donc à trouver entre le dynamisme économique qu’engendrent les innovations et le partage de la richesse que celles-ci créent et ce sera un défi politique majeur pour les prochaines années et une condition nécessaire à la poursuite de la croissance.

Enfin, comme tous les pays après une phase de développement rapide, la Chine est confrontée à des déséquilibres financiers privés notamment dans le secteur immobilier. La crise que traverse le premier promoteur du pays, Evergrande, en est le signe et il n’est sûrement pas le seul à connaître des difficultés. Pourtant il est peu probable que les autorités chinoises commettent la même erreur que leurs homologues américains quand ils laissèrent Lehmann Brothers faire faillite, ce qui déclencha le crise des sub-primes. L'Etat dispose des moyens nécessaires pour éviter une vague de dépôts de bilan ce qui fragiliserait tout le système bancaire. Mais des dispositions restrictives seront forcément adoptées pour remédier à cette situation et éviter qu'elle se reproduise, ce qui provoquera un ralentissement significatif du secteur de la construction lequel était jusqu’à présent un important moteur de la croissance chinoise.

Avec une natalité qui faiblit, l’évolution de son modèle de croissance qui est freinée et des difficultés financières sectorielles, l’économie chinoise est confrontée maintenant aux problèmes que toutes les économies avancées ont connus avant elle. Mais les résultats obtenus depuis quarante ans laissent peu de doutes sur sa capacité à les surmonter et à franchir une nouvelle étape.