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Le blog d'Alain Boublil

 

Europe : le meilleur et le pire

La polémique sur la présence du drapeau européen au dessus de la tombe du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe est révélatrice des limites de l’attachement des Français à l’Europe. Ce qui a choqué, c’est la disparition du drapeau français de ce lieu emblématique de leur histoire. L’Europe, oui, mais certainement pas si cela fait disparaître la France. Ces considérations de bon sens ont échappé à ceux qui avaient pris cette décision. Cela a abouti à l’effet inverse du but recherché et a provoqué un rejet de l’opinion au lieu que soit célébré le moment où le pays prenait la présidence de l’Union Européenne.

La question européenne a toujours été un élément essentiel de la vie politique nationale provoquant parfois des crises, comme lors de la politique de la chaise vide du Général de Gaulle et son opposition à l’adhésion du Royaume-Uni ou quand des tensions affectèrent le Système monétaire européen dans les années 80. La gestion, après la chute de mur de Berlin, de l’admission des anciens pays de l’Est fut plus consensuelle mais les divisions restèrent vives : le référendum portant sur le Traité de Maastricht et la création de la monnaie unique fut adopté de justesse mais celui relatif au projet de Constitution européenne fut  rejeté. Personne ne remet en cause le fait que pour la première fois de son histoire, l’Europe vit depuis presque un siècle dans la paix mais cela ne suffit plus et l’équilibre entre les avantages procurés et les critiques formulées est fragile.

Le succès le plus spectaculaire a été sans aucun doute la création de l’euro et sa gestion par la Banque Centrale Européenne. Jamais l’économie française n’aurait pu surmonter comme elle est en train de le faire, la crise consécutive à l’épidémie du Covid-19 sans l’euro. Le gouvernement a pu ainsi décider et mettre en pratique le « quoi qu’il en coûte » et financer sans difficultés des déficits publics considérables avec des taux d’intérêt proches de zéro. Sans l’euro, alors qu’en même temps le pays a un déficit extérieur très important, cela n’aurait pas été possible. L’appel direct, sans passer par les institutions européennes, aux marchés financiers dans un contexte de reprise de l’inflation aurait provoqué une remontée brutale des taux d’intérêt et des charges budgétaires futures très lourdes assorties d’une forte dépréciation de la devise nationale avec toutes les conséquences que cela implique sur le patrimoine des Français.

Les critiques sur la monnaie unique, qui n’ont pas cessé, malgré la crise sanitaire, ont été de deux natures. Le projet devait créer le sentiment d’appartenir à une entité commune, renforcer l’influence de l’Europe dans le monde et provoquer une plus grande intégration économique et financière. Cette vision idéaliste ne s’est pas traduite dans les faits mais était-elle réaliste ? La monnaie est un outil essentiel de la politique économique comme elle vient de la prouver mais pourquoi lui demander plus ? Les pays membres ayant des caractéristiques structurelles différentes comme la démographie, l’existence ou non de ressources naturelles ou encore leur localisation géographique, il est logique qu’elles adaptent leurs politiques économiques à ces situations. Mais la résolution de la crise de l’euro en 2012 a montré que l’on pouvait surmonter les difficultés nées d’une convergence insuffisante des politiques économiques.

L’autre argument soulevé pour critiquer l’euro est qu’il aurait surtout servi les intérêts allemands en favorisant leurs exportations en freinant sa hausse tout en restant trop élevé pour que les entreprises françaises en bénéficient. Cet argument n’a pas de sens puisque une  importante part des exportations des pays concernés s’effectue à l’intérieur de cette zone. Surtout, cela n’a pas empêché l’Italie d’avoir comme l’Allemagne une balance commerciale très largement excédentaire. La faiblesse du commerce extérieur de la France n’est due ni à l’euro ni au coût du travail mais à une culture des dirigeants d’entreprise qui privilégie les délocalisations et les opérations de fusions et d’acquisitions au lieu de s’intéresser d’abord aux produits et aux clients.

Mais tout n’est pas parfait en Europe et la crise énergétique actuelle fournit un bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Les règles adoptées à Bruxelles conduisent à une hausse considérable des prix de l’électricité que l’Etat a dû prendre en partie en charge pour soulager les entreprises et les ménages, alors que grâce au nucléaire la France aurait dû être épargnée. Ce sont aussi les critères retenus dans la politique de transition énergétique qui forcent là encore la France à faire des efforts coûteux pour les atteindre alors que notre pays n’est que le 21ème dans le monde pour ses émissions de CO2 et que si l’on se réfère aux émissions par habitant il n’est plus que le 70ème

Le choix de prendre l’année 1990 comme référence pour les réductions d’émissions est  pervers puisque c’est l’année de la réunification allemande. Comme plus de la moitié des usines situées à l’Est étaient anciennes et très polluantes et auraient dû  être fermées de toutes façons car impossibles à moderniser, le pays peut présenter un bilan flatteur de l’évolution de ses émissions alors qu’il reste le pays d’Europe le plus émetteur de gaz à effet de serre. Les réticences que met Bruxelles à admettre que la production nucléaire doive entrer dans les sources d’énergie pouvant bénéficier de financements privilégiés au titre de la transition énergétique est là encore discutable et influencé par les pressions de l’Allemagne qui a décidé, pour des considérations de politique intérieure de fermer ses centrales. Les énergies renouvelables étant intermittentes, il faudra alors conserver les centrales au gaz et à charbon et donc émettre des gaz à effet de serre et des particules nuisibles pour la santé.

Les mécanismes de fixation des prix de l’énergie sont tout aussi contestables. Pour le gaz, il s’agit d’une matière première dont les prix obéissent aux règles des marchés mondiaux. Mais il n’en va pas de même pour l’électricité qui est produite localement. La hausse des prix des énergies fossiles devra donc être répercutée sur les prix de l’électricité quand celle-ci est produite avec ces sources. Mais ce ne devrait pas être le cas quand l’électricité est d’origine nucléaire ou hydraulique par exemple. Or les règles imposées par Bruxelles infligent une double peine à la France. D’abord, les fournisseurs d’électricité ont le droit d’acheter à EDF à un prix très inférieur à celui du marché l’électricité qu’ils vont revendre à leurs clients. Ensuite, l’Etat est obligé, pour un montant évalué actuellement à près de 8 milliards d’euros, de compenser ces hausses pendant la crise sanitaire pour qu’elles ne soient pas répercutées sur les entreprises, ce qui affecterait leur compétitivité et sur les ménages pour protéger leur pouvoir d’achat.

La libéralisation des marchés de l’électricité imposée par Bruxelles ne fait aujourd’hui en France que des perdants. Au lieu de bénéficier du formidable avantage offert par la production nucléaire, la France est contrainte d’investir encore plus pour réduire ses émissions et l’Etat doit dépenser des sommes considérables pour faire face à la crise énergétique alors que l’économie française était, dans ce domaine, en avance grâce à son mix électrique très compétitif et peu émetteur de CO2.

La présidence française sera trop courte pour que durant son mandat soient réformées les politiques discutables  comme dans l’énergie et le climat, même s’il faut espérer qu’on  enregistre des progrès. Mais l’occasion ne doit pas être manquée en France de mieux expliquer l’Europe aux Français et de la leur faire aimer.