Vous n’êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

Inscription

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

Glasgow : Les leçons d'un échec

Des discussions interminables entre des milliers de représentants de près de deux cents Etats  et de nombreuses organisations internationales, un texte de compromis à l’interprétation confuse et des engagements vagues, tel est le résultat de la COP 26. Tout n’est pourtant pas négatif. Cette conférence a marqué un tournant dans l’opinion publique mondiale et le scepticisme à l’égard du réchauffement climatique, de ses causes et de ses conséquences a fortement reculé. Plus aucun grand pays, comme lors de la présidence de Donald Trump, n’ose aujourd’hui contester l’importance du phénomène et de ses enjeux. Mais le chemin est long entre les intentions manifestées par chacun, la conclusion d’un accord sur les solutions et leur mise en oeuvre. Et le chemin est encore plus long pour aboutir à une vérification incontestable par la communauté internationale.

Le principal obstacle à un vrai accord, et il n’a pu être surmonté à Glasgow, réside dans les inégalités de situation entre les pays. Il y a d’abord la dimension historique : l’accumulation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre qui sont à l’origine du réchauffement, n’est pas un phénomène récent. Il remonte au début de l’ère industrielle il y a plus de deux siècles. Ce sont donc les nations développées qui en sont les principaux responsables et même si les pays qui ont entamé leur croissance il y a quelques décennies seulement contribuent chaque année davantage aux émissions que les émetteurs historiques, ceux-ci n’accepteront pas d’être tenus pour les seuls responsables.

Il y a ensuite une dimension économique. Les pays émergents ambitionnent d’offrir à leurs populations un niveau de vie et une protection sociale qui se rapprochent de ce qui a été atteint dans les pays développés. L’adoption de mesures restrictives concernant la consommation et la production d’énergie constituent un frein sinon un obstacle pour ces pays et il est illusoire d’escompter qu’ils en acceptent le principe dans le cadre d’accords internationaux comme la COP 26 se proposait d’en conclure. Il est déjà important qu’un consensus existe et soit entériné sur la nécessité de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais imaginer qu’un consensus soit possible pour définir  un même chemin pour chaque pays, indépendamment de son histoire et de son niveau actuel de développement, est encore plus illusoire. L’absence de résultats précis et significatifs à Glasgow vient d’en apporter la confirmation. Mais il existe des pistes sur lesquelles les points de vue peuvent converger et il importe que dans l’avenir ce soit là-dessus que portent les débats.          

Une première voie sur laquelle des engagements collectifs sont faciles à obtenir est celle de l’électrification. Le développement économique comme les nouvelles technologies nécessitent de plus en plus d’électricité. L’enjeu se situe donc sur ses modes de production. Tous les pays ont utilisé le charbon pour faire leur révolution industrielle. Le procès fait aux pays émergents comme l’Inde et la Chine qui y ont recours est donc injustifié. Le débat et les engagements à prendre doivent  porter sur le calendrier, qui ne saurait être le même pour tous, de la transition vers des modes de production moins émetteurs. Là, le gaz naturel a un rôle stratégique. L’exemple américain est convainquant. Grâce à l’augmentation de la production de gaz de schiste, les Etats-Unis depuis près de dix ans ont réussi à stabiliser puis à réduire leurs émissions.

C’est pourquoi la condamnation et les restrictions qui s’ensuivent portant à la fois sur le charbon et le gaz naturel, telles qu’elles ont été proposées à Glasgow n’avaient aucune chance de faire l’unanimité, et étaient en outre contre-productives. En revanche l’absence d’engagements de pays comme l’Allemagne et la Pologne concernant leur utilisation du charbon mériterait d’être bien davantage dénoncé car ils disposent des solutions alternatives.

De façon plus lente et à beaucoup plus long terme, la dissociation entre le développement économique et la consommation d’énergie pourra intervenir, mais là aussi selon des rythmes très différents selon les pays. L’électrification de la mobilité dépendra des progrès faits dans l’autonomie des véhicules et l’adaptation du réseau de distribution aux besoins de recharge. L’isolation des bâtiments privés sera encore plus lente car extrêmement coûteuse et ne produisant qu’un très faible rendement des investissements à réaliser. Quant à celle des bâtiments publics, ils n’ont jamais dans les pays développés fait l’objet d’une priorité et c’est tout à fait regrettable.

A plus long terme, le nucléaire et l’équipement des barrages en installations permettant de pomper l’eau pour la stocker afin que la production d’électricité soit mieux alignée sur la demande des consommateurs, doivent être privilégiés. Les énergies renouvelables, avant très longtemps, parce qu’elles sont intermittentes et parce que du fait de leur occupation du territoire elles vont rencontrer, sauf lorsque le pays dispose de vastes zones désertiques, une hostilité croissante des populations, ne sauraient constituer la panacée. Les effets d’annonce avec de grandes capacités de production, ne convainquent plus personne. Il faut en effet, du fait de l’intermittence trois fois plus de capacité pour les éoliennes et jusqu’à huit fois plus pour les panneaux solaires que pour une centrale classique, pour faire face à la demande. Et la crise économique et sanitaire actuelle montre à quel point la sécurité des approvisionnements en électricité est une nécessité majeure.

La France, dans ce contexte, fait figure de bon élève, n’en déplaise à ceux qui ont un goût marqué pour le dénigrement perpétuel. Nos émissions de gaz à effet de serre par habitant sont parmi les plus faibles au monde et notre appareil de production d’électricité assure au pays la sécurité au coût le plus bas en Europe grâce au parc nucléaire. Celui-ci vieillit. Des travaux pour allonger sa durée de vie sont indispensables mais ils ne suffiront pas. C’est pourquoi l’annonce de la construction de nouvelles centrales est justifiée et bienvenue. Mais il ne faut pas perdre de temps et tomber dans la procrastination. Nos centrales peuvent aussi contribuer de façon rentable à l’approvisionnement de nos voisins.

La France depuis six mois bat des records en matière d’exportations, tant en volume (23,7 GWh au troisième trimestre, soit le double de la moyenne de ces dernières années) qu’en valeur : sur les deux derniers mois, le solde financier des échanges d'électricité a atteint 1,4 milliard d’euro, soit plus que durant toute l’année 2020. Un projet de ligne électrique d’une capacité de 700 Mw pour approvisionner l’Irlande est actuellement à l’étude et permettrait d’accroître encore nos exportations. Enfin le contexte de crise affectant le marché du gaz naturel n’a pas eu de conséquences jusqu’à présent sur les approvisionnements de la France. A la fin du mois de septembre, le niveau des stocks pour faire face à l’hiver se situait à 140 GWe, comme en 2020 et 15% au dessus de la moyenne de ces dix dernières années.

La leçon à tirer de Glasgow est que désormais, en matière de climat, ce type de conférence internationale ne sert à rien, sauf à offrir aux dirigeants politiques une scène qui les valorise auprès de leurs opinions publiques. Il serait bien plus judicieux d’organiser chaque année une cérémonie internationale, où, comme on le fait pour les Oscars, et sur la base de réalisations concrètes et vérifiées, seraient décernées des félicitations aux dirigeants des pays choisis.

La perspective d’obtenir un prix constituerait une incitation pour mener des actions en faveur du climat bien plus forte que de participer à la rédaction de documents que personne ne lira jamais. La France recueillerait peut-être alors le fruit de ses efforts.