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Le blog d'Alain Boublil

 

- 0,14% : Taux des OAT de la France à 10 ans

Depuis le début du mois d’août, le taux d’intérêt en France des emprunts à dix ans de l’Etat a oscillé entre -0,14% et -0,20%. Il faut remonter à l’automne 2020, au plus fort de la deuxième vague de l’épidémie de la covid-19 pour trouver des taux d’intérêt aussi bas. Le mouvement est général dans la zone euro et l’écart entre les pays dits « vertueux » et les pays du Sud n’a cessé de se resserrer. Entre le France et l’Allemagne, il fluctue peu autour de 35 points de base alors que l’écart entre leurs taux d’endettement public est considérable, 75% du PIB pour l’Allemagne, près de 120% pour la France et de 150% pour l’Italie.

Pourtant la situation macroéconomique est radicalement différente. Il y a un an, la région traverse alors une récession sans précédent depuis la guerre. Aujourd’hui, les économies européennes sont en pleine reprise. On prévoit une croissance entre 5 et 6% pour la France, de 3,5% pour l’Allemagne et d’environ 7% pour l’Italie en 2021. Il n’y a aucune perspective de nouvel assouplissement des politiques des banques centrales dans le monde. Au contraire, aux Etats-Unis, les déclarations se multiplient, dans un contexte d’amélioration durable de la situation économique et de l’emploi avec 940 000 créations en juillet et un taux de chômage de 5,4%, en faveur d’une réduction des achats d’obligations de la Federal Reserve et d’un relèvement des taux d’intérêt à court terme. Si, en Europe, on n’en n’est pas là, personne ne songe à un accroissement des achats de titres d’Etats de la part Banque Centrale Européenne.

En outre, le spectre d’une remontée de l’inflation se fait de plus en plus présent. La reprise économique et la rupture des chaines d’approvisionnement en produits industriels ont provoqué une hausse des prix des matières premières et pas uniquement du pétrole et une répercussion sur le consommateur des augmentations de coûts supportées par les entreprises. Le taux d’inflation de la zone euro se rapproche du seuil de 2% considéré lors de l’élaboration du Traité de Maastricht comme le niveau à ne pas dépasser. Il a dépassé 4% en Allemagne avant de retomber autour de 3%, du fait de la hausse brutale des prix de l’énergie et du retour des taux de TVA à leur niveau d’avant la crise.

Le taux d’intérêt réel payé par les Etats, quand on déduit le taux d’inflation, est donc encore plus bas qu’au plus fort de la crise ce qui ne manquera pas d’alléger la charge des dettes publiques, à condition que ceux-ci cessent d’émettre comme en France des emprunts indexés avec un taux nominal généralement de 0,1%, soit un peu supérieur au taux des obligations classiques. L’Etat ne fait ainsi aucune économie mais il crée une charge au moment du remboursement qui sera d’autant plus lourde si la remontée d’inflation actuelle perdure. On se demande d’ailleurs pourquoi le Trésor persiste à en émettre chaque mois, certes pour des montants modestes, pour un à deux milliards d’euros. La même critique peut être formulée à propos des primes encaissées lors d’émissions d’emprunts à des taux supérieurs à ceux du marché. La pratique semblait enfin en voie de disparition depuis le début de l’année. Mais au mois d’août, profitant peut-être des vacances et du manque d’attention des observateurs, le Trésor en a encaissé pour près de deux milliards d’euros, notamment en émettant un emprunt portant un intérêt de 5,75% à échéance d’octobre 2032. Les souscripteurs ont consenti un prix d’achat égal à 167% de la valeur nominal. La charge de la dette sera accrue d’autant durant toute la durée de vie de cet emprunt.

Le maintien de taux aussi bas a permis aux Etats de financer les mesures nécessaires pour que les entreprises et les ménages traversent cette crise sans précédent. En France, l’encours des prêts garantis par l’Etat a atteint 140 milliards d’euros. Mais le rôle de cette politique monétaire accommodante dans la reprise économique n’a pas été jusqu’à présent à la hauteur des espérances. Seuls deux secteurs en ont profité, l’Etat, malgré les pratiques relatives aux primes d’émission et aux emprunts indexés et l’immobilier. La charge de la dette française va continuer de se réduire pendant plusieurs années, même si un retournement, au demeurant peu probable, de la politique de la B.C.E. devait intervenir puisque les émissions d’emprunts se font à taux fixes.

Le second bénéficiaire est le secteur immobilier. On observe une hausse significative des financements destinés aux ménages pour l’acquisition d’un logement dont l’encours des prêts est passé en dix ans de 850 à 1400 milliards d’euros. Les taux offerts pour des durées de 20 à 30 ans sont compris entre 1 et 1,5%, ce qui est là encore sans précédent. Mais les conséquences sur l’économie sont décevantes car les mises en chantiers de logements neufs restent très en dessous des niveaux observés dans le passé. Ces financements concernent souvent des logements existants, ce qui exerce une pression à la hausse des prix ainsi que des opérations de refinancement. Les ménages grâce à ces taux très faibles remboursent de façon anticipé leurs emprunts passés qui avaient des taux bien plus élevés et en contractent de nouveaux aux conditions actuelles.

Le secteur bancaire en profite et vient d’afficher pour le premier semestre des résultats records. Même si la courbe des taux est très plate, les banques bénéficient des dépôts massifs de leurs clients et préfèrent reprêter cet argent à un taux faible plutôt que devoir le déposer à la banque centrale et subir un taux d’intérêt négatif. En revanche on attend toujours les effets concrets des plans de relance européens et nationaux sur les investissements des entreprises. Ceux-ci sont indispensables pour reconstituer une certaine souveraineté économique et entamer le processus de réindustrialisation du pays. En France, la production industrielle est encore nettement inférieure au niveau observé avant la crise. La politique monétaire avec ses taux négatifs l’emporte donc toujours sur la politique de relance budgétaire et Keynes n’est pas encore vraiment revenu.