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Le blog d'Alain Boublil

 

Le prix du baril de pétrole et le climat

Sur le marché européen, le prix du baril de pétrole se rapproche des 80$, au plus haut depuis trois ans. Cette évolution est d’autant plus spectaculaire qu’elle intervient à un moment où les membres de l’OPEP ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’évolution de leur production. Traditionnellement, dans ce cas, les prix chutaient car l’absence d’accord permettait à chacun d’accroître sa production laquelle devenait rapidement supérieure à la demande. Les Emirats Arabes Unis ont bloqué la négociation car ils demandent une réévaluation de leur quota à hauteur de 700 000 b/j. Mais ils ne se sont pas opposés au projet de relever chaque mois jusqu’à la fin de l’année le niveau global de la production des Etats-membres auxquels s’est joint la Russie de 400 000 b/j. La réaction du marché est doublement significative. En cas d’accord, l’augmentation prévue de la production n’est pas jugée suffisante par rapport aux besoins du marché. Et la perspective d’un échec et de la possibilité pour chaque pays de retrouver sa liberté pour produire et pour exporter ne constitue plus une menace de nature à faire chuter les cours comme cela était intervenu dans le passé. 

L’explication est simple: on assiste à une reprise significative de la demande de pétrole qui a retrouvé le niveau de 100 millions de b/j observé en moyenne durant les six trimestres ayant précédé le déclenchement de l’épidémie du corona virus. Or l’économie mondiale, elle, n’a pas retrouvé le niveau d’avant la crise. Si la Chine fait exception, les Etats-Unis et surtout l’Union Européenne auront encore en 2021 un PIB inférieur à celui atteint en 2019. Cela veut dire que malgré tous les engagements publics et les discours volontaristes des dirigeants politiques, l’économie mondiale ne se prive pas de la première énergie fossile, bien au contraire. Les Etats, globalement, ont même plutôt tendance à consommer plus de pétrole par unité produite et par bien ou service consommé, malgré les objectifs fixés dans les accords internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le pétrole n’est pas un cas isolé. La tendance est encore plus marquée pour le gaz naturel. Cela s’explique en partie par le processus de substitution au détriment du charbon et du lignite dans la production d’électricité, ce qui est doublement favorable à l’environnement. Au niveau local, les émissions de particules sont réduites et globalement, la combustion du gaz naturel émet beaucoup moins de CO2 que celle du charbon. Mais cela découle aussi du fait qu’on note peu, malgré les discours, de réduction de la consommation d’énergie. Ainsi en France, entre 2012 et 2019, la consommation de gaz naturel n’a pas baissé. Au niveau mondial, la consommation d’énergie primaire sur cette période a cru de 11%. La hausse pour les membres de l’OCDE a été de 3,6% et de 17% dans les pays émergents en complète contradiction avec les objectifs affichés et les engagements pris par les Etats.

Tout se passe comme si le volontarisme politique avait nuit à l’efficacité technique. La recherche d’effets d’annonce l’a emporté sur la mise en œuvre de mesures à effet immédiat. Raisonner en termes d’horizon avec des échéances à très long terme permet à ceux qui s’expriment d’impressionner les médias et de faire croire à leurs peuples qu’une route a été définie. Mais c’est oublier deux évidences incontournables. Le principe de l’« horizon », c’est qu’on ne l’atteint jamais puisqu’il recule au fur et à mesure que l’on s’avance vers lui. Ensuite un dirigeant politique ne peut prendre d’engagement que pour la durée de son mandat. Une fois qu’il aura été remplacé, qui peut dire ce que fera son successeur, surtout si l’on raisonne à vingt ou trente ans ?

L’autre faiblesse, c’est d’utiliser des concepts flous dont l’immense majorité des personnes concernées ignorent la signification et surtout à propos desquels, il n’existe pas de définition précise et encore moins d’instruments de mesure incontestables. C’est le cas de la « neutralité carbone » qui est au centre des discussions et des objectifs fixés aux Etats, notamment en Europe. L’activité humaine génère des émissions de gaz carbonique qui contribuent au réchauffement climatique. Mais la planète dispose de moyens naturels pour absorber une partie de ces émissions, essentiellement les océans, les sols et les forêts. Ainsi en protégeant les sols contre leur « artificialisation » et en plantant des arbres, on contribue à neutraliser une partie des émissions. Mais on est incapable de mesurer de façon précise ces phénomènes. On a aussi essayé, au moyen de nouvelles technologies, de capturer le carbone sortant des centrales électriques au charbon mais les résultats n’ont pas été concluants jusqu’à présent.

Ainsi afficher des objectifs de « neutralité carbone à l’horizon 2040 ou 2050 » fait croire qu’on a trouvé la solution aux problèmes de la planète et permet à ceux qui en sont les inspirateurs de se prévaloir d’un engagement concret et rigoureux, ce qu’il n’est pas et d'en tirer un bénéfice politique. Ainsi, ce n’est pas en plantant des arbres dans les villes et en restreignant les espaces dédiés à la circulation que l’on luttera contre le réchauffement climatique. On provoque des embouteillages et une consommation accrue de carburant. La consommation de carburant en France n’a baissé que de 5% entre 2012 et 2109 et elle était stable depuis trois ans quand sont intervenues en 2020 les mesures de confinement qui ont restreint les déplacements.

Le stockage du CO2 dans les forêts peut aussi n’être que provisoire car quand celles-ci s’enflamment, il est rejeté dans l’atmosphère. Les catastrophes récurrentes observées en Californie, les incendies en Australie et en ce moment à Chypre montrent que ce phénomène est loin d’être marginal. La France a l’une des plus grandes forêts d’Europe, les Landes. Pendant des années, au début de l’été commençait « la saison des feux de forêt ». Grâce à une  exploitation responsable des plantations, on a pu obtenir une réduction sensible de ces sinistres. La priorité doit donc être moins de se vanter de planter des arbres que de faire des progrès dans la protection des espaces plantés.

La promotion excessive de la voiture électrique relève de la même logique. On préfère le spectaculaire à l’efficace et on ne lésine pas sur les subventions pour présenter des chiffres flatteurs d’immatriculation. Mais si leur progression est significative, c’est parce que le point de départ demeure très bas et leur part dans le parc est bien trop faible pour avoir une conséquence réelle sur les consommations de carburant. En outre, les calculs montrent qu’on a simplement déplacé le moment et la forme des consommations d’énergie. Si l’électricité produite pour recharger les batteries rejette du carbone, c’est un avantage illusoire. Et si la consommation d’énergie et de matières premières pour construire les véhicules et les recycler à la fin de leur vie est bien plus élevée que pour un véhicule traditionnel, l’avantage est encore plus illusoire.

Le recours à un concept flou, la neutralité carbone, masque en réalité l’incapacité des Etats à trouver des solutions permettant d’aboutir à la seule chose qui compte, la réduction des consommations réelles d’énergie. Celle-ci ne peut résulter que du choix de politiques appropriées débouchant sur des innovations décisives et sur une évolution des comportements des agents économiques. Les tendances actuelles montrent qu’on en est loin et  c’est cette impuissance que traduisent les marchés financiers à travers la hausse des cours du baril de pétrole.