Vous n’êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

Inscription

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

L'écologie stalinienne

Quand il se rendait à Berlin-Est quelques mois après la chute du mur, l’attention du visiteur était attirée par les longues files d’attentes sur les grandes places de la ville autour de camions qui avaient été transformés en agences de voyage. Les Berlinois allaient enfin pouvoir  retrouver des proches ou découvrir les pays voisins. Mais ce n’était pas tout. Les femmes se pressaient également autour de comptoirs installés sur la chaussée pour acheter des collants. Leur vente avait été interdite par le régime sous prétexte que ce mode de consommation était importé des pays capitalistes. Ses dirigeants ne s’étaient donc pas privés d’intervenir sur les aspects les plus intimes de la vie quotidienne en forçant les femmes à porter l’hiver des chaussettes en laine.

Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec les décisions prises ces derniers mois par des élus écologistes qui ont jugé utile de supprimer l’arbre de Noël traditionnellement érigé sur une place de la ville, d’interdire la venue du Tour de France ou de chercher à bannir de la conscience des enfants le « rêve aérien ». C’est la même logique qui avait inspiré le mouvement d’occupation qui a fini par forcer le gouvernement à abandonner le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Rétrospectivement on peut se demander s’il aurait été possible de construire en France des barrages hydro-électriques et les lignes de TGV, investissements qui sont profondément utiles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, si ces mouvements avaient existé dans le passé.

La protection de l’environnement est une priorité majeure et les pays développés qui ont été par le passé les principaux émetteurs ne peuvent se soustraire à leurs obligations. Mais la récupération politicienne de ces questions, spécialement en France, a souvent abouti à des décisions contraires aux objectifs recherchés et risque de provoquer dans l’avenir une grave déstabilisation des équilibres économiques et politiques. Le plus bel exemple a été fourni par l’accroissement des avantages bénéficiant au diesel à l’issue du « Grenelle de l’Environnement » en 2008. Pour une légère réduction des émissions de CO2, on aggravait la situation sanitaire des villes avec la propagation de particules fines. Santé Publique France a estimé que sur la période 2016-2018, cela avait représenté en moyenne 40 000 décès par an. On pourrait faire un constat analogue à propos de la priorité faite aux deux-roues, motorisés ou non, au détriment de la sécurité. Les derniers chiffres sont éloquents. Ils ne représentent qu’un dixième des déplacements mais près de la moitié des accidents mortels.  

La France est l’un des pays développés qui émet le moins de gaz à effet de serre, pour de bonnes et de mauvaises raisons. La bonne raison, c’est la production d’électricité nucléaire qui évite au pays d’avoir recours à la pire source d’énergie polluante, le charbon. Encore faut-il l’admettre et ne pas céder aux pressions écologistes. La fermeture arbitraire de Fessenheim est un exemple de ces pressions et de ce qu’il ne faut plus faire. La mauvaise raison, c’est que si nous n’émettons que peu de CO2, c’est aussi la conséquence de la réduction de notre activité industrielle. Au lieu de produire, nous importons. Les émissions liées à notre consommation sont faites ailleurs qu’en France. La bonne réponse, ce serait à la fois de poursuivre nos investissements dans la production dé-carbonée d’électricité, avec au premier rang le nucléaire, et de mettre un terme au mouvement de délocalisation de nos usines tout en équipant celles-ci de dispositifs permettant de réduire leurs émissions.

Le réchauffement climatique est dû à l’accumulation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre. Pour adopter les politiques appropriées, il convient d’intégrer deux faits indiscutables. Le dommage est global. L’action d’un seul pays n’a de sens qu’en fonction du niveau de ses émissions. Si celles-ci sont marginales, l’enjeu climatique est dérisoire. Les responsabilités de chaque pays ne sont pas seulement fonction de leurs émissions annuelles mais du stock des pollutions passées. Sur les cinquante dernières années, l’Europe a accumulé 150 milliards de tonnes de CO2, la Chine 230 milliards et les Etats-Unis 300 milliards. En 2018, les émissions de ces trois ensembles ne représentaient que la moitié des émissions mondiales.

La responsabilité de la France, qui ne représente que le dixième des émissions de l’Europe, est donc inversement proportionnelle à la place que cette question occupe dans le débat politique national et dans les choix économiques et environnementaux. Au sein de l’Europe, les engagements de réduction de leurs émissions pris par les Etats ont été définis à partir d’une année de référence, 1990. La France a alors subi une double peine. Le pays, grâce à sa production nucléaire avait déjà un faible niveau d’émission. Il lui était difficile de faire beaucoup mieux. Au contraire, l’Allemagne qui venait d’hériter avec la réunification des usines lourdement polluantes et non compétitives des provinces de l’Est, n’avait pas beaucoup d’effort à faire pour réduire ses émissions. Il suffisait de fermer des usines qui l’auraient été de toute façon. Ses émissions sont aujourd’hui, par habitant, deux fois supérieures aux émissions françaises. Le raisonnement s’applique également à la Pologne : son électricité est à  80% produite dans des centrales à charbon. La moitié des mines est en Silésie, où Greenpeace est présent et où l’organisation soutient les mineurs.

L’activisme écologique n’a pas seulement produit des décisions néfastes pour l’environnement. Il a pénalisé l’économie dans son ensemble et des secteurs majeurs de l’industrie qui n’en avait pas besoin, comme l’automobile et demain l’aéronautique alors que les émissions du transport aérien ne représentent que 3% du total national. La fermeture des lignes courtes sur des axes desservis par le TGV serait une bonne idée si ces lignes n’étaient pas utilisées pour des correspondances avec des vols internationaux. Si ce projet est appliqué sans discernement, des régions entières vont être pénalisées. Les investisseurs étrangers hésiteront à y créer des activités et le tourisme sera affecté.

Les conséquences sont aussi politiques. On ne peut pas gouverner un pays en étant contre tout ou presque. La gauche, par conviction chez certains qui sont attirés par les idées fausses et par calcul électoral pour la plupart, a cherché à conquérir l’électorat écologiste en lui faisant des promesses. Elle s’est alors aliéné tous ceux qui n’étaient pas prêts à la suivre sur ce terrain, qu’il s’agisse du renoncement au projet européen ou des illusions relatives à la « société verte ». Mais elle a fait pire. Elle a relégué au second plan dans son projet ce qui était sa raison d’être, la construction d’une société où la richesse était mieux partagée, où les services publics étaient efficaces et soutenus par l’Etat, où la protection sociale était garantie et où, enfin, chacun pouvait aspirer à une vie meilleure. Le résultat en 2017 a été désastreux et les perspectives pour 2022 ne sont pas meilleures.

On célébrera cette semaine, la Journée de la Terre. L’engagement en faveur de l’environnement sera réaffirmé lors des rencontres entre chefs d’Etats. On assistera à des annonces spectaculaires, avec des promesses à très long terme. Mais la réalité quotidienne  en France, ce sont souvent des décisions négatives, des entraves au progrès social au nom de la protection des « générations futures » et parfois des menaces sur la vie privée et les libertés fondamentales, comme on le voit déjà dans plusieurs villes. La responsabilité des dirigeants politiques, en France comme ailleurs, c’est d’ouvrir la route de la vie et non de la semer d’embûches.