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Le blog d'Alain Boublil

 

Fukushima et les "fake news"

Il y a dix ans se produisait la catastrophe de Fukushima. De nombreux articles et des reportages reviennent sur cet évènement dramatique qui a causé des milliers de morts au Japon et a alerté l’opinion mondiale sur le risque nucléaire. A l’époque ses conséquences sur la population et sur l’environnement sont largement décrites mais il est alors trop tôt pour faire la distinction entre une catastrophe naturelle et un accident nucléaire majeur. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et de nombreux rapports avec notamment en dernier lieu celui des Nations Unis, établissent clairement les faits et leurs conséquences. Pourtant la confusion est toujours entretenue et dans l’opinion Fukushima reste une catastrophe nucléaire alors que c’est faux.

Que s’est-il passé il y a dix ans ? Un tremblement de terre de très grande ampleur s’est produit au large des côtes japonaises. Il a provoqué un énorme tsunami qui a déferlé sur la côte et ravagé les villages avec leurs habitations. Les dernières estimations établissent qu’il a provoqué environ 17 000 morts. On entend dire parfois que c’est une des conséquences du réchauffement climatique. Or le tremblement de terre n’est en rien lié à l’accumulation dans l’atmosphère de gaz à effet de serre. Les régions qui bordent le Pacifique et l’océan Indien connaissent ces phénomènes depuis des siècles. La Californie en fut victime en 1906 et craint toujours le Big One en raison d’une faille sous la croute terrestre identifiée depuis longtemps. La Thaïlande en 2004 et l’Indonésie récemment font partie des pays les plus touchés.

La catastrophe naturelle a alors provoqué un accident nucléaire majeur car la centrale a été submergée par les vagues qui ont englouti le système électrique qui assurait le refroidissement des réacteurs. Le cœur de plusieurs unités est entré en fusion, générant des émissions radioactives autour du site. La catastrophe serait ainsi devenue une catastrophe nucléaire. L’exploitant, le groupe Tepco, a été critiqué pour n’avoir pas pris les précautions suffisantes pour protéger les systèmes de refroidissement, en particulier en ne mettant pas en place un second système, placé suffisamment en hauteur pour être protégé en cas de tsunami. Mais à la différence des deux précédents accidents nucléaires connus, Three Miles Island aux Etats-Unis et Tchernobyl en Ukraine, c’est un facteur extérieur à la centrale qui a été à l’origine de l’accident.

A la fin des années 70, sur la côte Est des Etats-Unis, un nouveau constructeur de réacteur, Combustion Engineering, entamait les derniers tests avant son raccordement au réseau. Une erreur dans sa conception a provoqué la fusion du cœur du réacteur. Mais l’accident n’a fait aucune victime. En revanche, la société a cessé toute activité et aucun modèle de ce type ne fut construit. A Tchernobyl, c’est une erreur humaine qui fut à l’origine de la catastrophe qui causa, elle, des milliers de morts avec des émissions radioactives qui se sont répandues dans une partie de l’Europe. Mais cette catastrophe, à la différence de Fukushima, ne provoqua pas de désaffection pour ce mode de production d’électricité. Bien au contraire, la France et l’Allemagne décidèrent de concevoir en commun un nouveau modèle qui, même en cas d’erreur humaine, s’arrêtait automatiquement de fonctionner. Ce concept fut baptisé la « sûreté passive ». On ne parla pas d’Airbus du nucléaire, mais il s’agissait bien de cela. Ce réacteur, c’est l’EPR, l’European Power Reactor. Supportant mal d’être dominés technologiquement par leurs partenaires français, les industriels allemands se retirèrent progressivement du projet. Et la France commit l’erreur majeure d’attendre près de 15 ans avant de permettre à EDF de commander ce nouveau réacteur, d’où les difficultés actuelles.

Si Tchernobyl ne provoqua pas, bien au contraire, la désaffection vis-à-vis du nucléaire, Fukushima en a été à l’origine. Le Japon mit à l’arrêt la quasi-totalité de son parc et ne le remet en activité que très lentement. L’Allemagne en profita pour décider son abandon. La totalité des centrales devra avoir été fermée en 2022, exemple suivi peu après par la Belgique. Dans le cas de l’Allemagne, il s’agissait d’un prétexte, fondé sur des considérations politiques. En prenant cette décision, le gouvernement s’assurait le soutien des écologistes et surtout rassurait la population des länder où l’on exploitait les mines de charbon et de lignite.   

La France n’a pas été jusque là mais Fukushima a servi de prétexte pour fermer la centrale de Fessenheim, pour se fixer comme objectif la réduction jusqu’à 50% de la  part du nucléaire dans la production d’électricité et pour différer les commandes des nouvelles centrales qui prendront la succession de celles construites il y a maintenant plus de quarante ans. Le paradoxe, c’est que les études réalisées depuis l’accident ont montré que celui n’a eu que peu conséquences sur la population japonaise et qu’on n’est même pas sûr qu’on puisse lui imputer un seul décès. Mais cela n’a pas empêché la propagation de « fake news » ces derniers jours sur les risques associés à la production nucléaire, ce qui a occulté les conséquences économiques néfastes des décisions prises en France.

L’idée suivant laquelle les énergies renouvelables constituent une alternative est la première d’entre elles. Etant intermittentes par nature, elles sont incapables d’assurer la sécurité d’approvisionnement, aussi indispensable à l’activité économique qu’à la vie quotidienne des français. La seule possibilité est de construire de nouvelles centrales à gaz ou au charbon, ce qui est en train de se passer en Allemagne. Il est difficile de prétendre alors qu’on agit contre le réchauffement climatique.

Autre « fake news », la compétitivité des énergies renouvelables serait un argument en faveur de leur développement. La réduction des coûts de production est indiscutable mais ces modes de production ne sont pas comparables, sauf à faire l’impasse sur la sécurité d’approvisionnement. Il faut donc ajouter aux coûts de production et de fonctionnement des éoliennes et des panneaux solaires les coûts de construction et de maintien en l’état des centrales qu’il faudra mettre en marche quand les conditions météo ou simplement l’alternance du jour et de la nuit ne permettront pas à celles-ci de produire suffisamment. La diversification du parc de production d’électricité est justifiée dans la mesure où les solutions alternatives sont crédibles mais ne doit surtout pas aboutir à l’effet inverse en matière de protection de l’environnement.

Comme souvent, la France se plait à ce qui est devenu un sport national, s’en prendre à ce qui marche bien. Le nucléaire n’est pas le seul exemple. La dénonciation du « tout TGV » en fait partie. Mais dans les attaques contre le nucléaire qui ont redoublé après Fukushima, on atteint des excès. On ferme une centrale qui avait reçu les autorisations de fonctionner et l’Etat doit verser des centaines de millions d’euros pour dédommager EDF. Cela intervient au moment où la pandémie actuelle gêne les opérations de maintenance. La baisse de la production a contraint la France, au mois de novembre dernier, fait sans précédent, à être importateur net d’électricité. On préfère subventionner massivement des modes de production utilisant des équipements fabriqués à l’étranger à la construction en France de centrales qui permettraient de créer des milliers d’emplois tout en devant conserver des centrales utilisant des énergies fossiles.

Bien gouverner, c’est d’abord savoir appréhender la réalité. Ensuite, c’est ne pas rechercher à satisfaire en même temps des objectifs contradictoires. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les projets en cours relatifs à la transition énergétique sont loin de satisfaire ces deux conditions.