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Le blog d'Alain Boublil

 

Le baril de pétrole s'approche des 60 dollars

Il y a presqu’un an, en pleine crise du coronavirus, le cours du pétrole sur le marché américain était brièvement devenu négatif. En réalité, il s’agissait d’une cotation sur les marchés à terme mais elle était révélatrice de l’écart intervenu entre l’offre trop abondante et la demande. Les capacités de stockage étaient saturées et les acheteurs étaient donc prêts à payer pour qu’on leur permette de ne pas prendre livraison à la date convenue de l’or noir dont ils s’étaient rendu acquéreurs quelques mois plus tôt. Cette situation sans précédent fut souvent interprétée comme le premier signe du déclin de cette matière première jugée jusque là essentielle et la traduction d’un virage résultant de la prise de conscience des dangers provoqués par le réchauffement climatique, principalement causé par la consommation d’énergies fossiles. La théorie du « pic de demande » pensait trouver là sa validation.

Un demi-siècle auparavant, les experts du « Club de Rome » avaient, eux, considéré qu’il ne serait pas possible, vue la rareté grandissante du pétrole de produire plus de 85 millions de barils par jour. Ils avaient conclu qu’on serait bientôt en présence d’un « pic d’offre ». Les faits leur ont donné tort puisque la consommation en 2019 a atteint 100 millions de barils par jour. Les compagnies ont continué d’explorer les sous-sols, de découvrir de nouveaux gisements et de les exploiter. Mais le principal facteur de hausse a été l’apparition de nouvelles techniques d’extraction. Ce fut, à partir de 2010, la révolution du gaz et du pétrole de schiste, concentrée à l’origine aux Etats-Unis, mais que la Chine commence à utiliser.   

Il n’est donc pas surprenant que la forte hausse de la production américaine, quand elle a été confrontée à la récession provoquée par l’épidémie, ait débouché sur l’effondrement des cours du pétrole. On ne mentionne d’ailleurs pas assez souvent que la hausse de la production de gaz par cette technique a permis la forte réduction de l’usage du charbon dans la production d’électricité et la diminution équivalente des émissions américaines de CO2 ces cinq dernières années. Il est donc tout aussi logique que la reprise économique en cours aux Etats-Unis et la forte croissance chinoise, qui est le premier importateur de pétrole dans le monde, ait provoqué la hausse des cours puisque ceux-ci reflètent l’équilibre à un moment donné entre l’offre et la demande, et non les anticipations que l’on peut faire sur la réalisation ou non d’objectifs à long terme sur la fin programmée des énergies fossiles. En Europe, son cours a atteint 59,50$ le 5 février.

Les conditions climatiques, avec la sévère vague de froid qui frappe le nord des Etats-Unis, ont amplifié le retournement des anticipations économiques et contribuent ainsi au vif rebond des cours du pétrole. Les annonces du nouveau président américain, avec l’adoption de mesures restrictives concernant l’exploitation pétrolière (abandon du pipe-line reliant au Canada, interdiction de nouveaux forages dans les territoires fédéraux), témoignent de son engagement en faveur du climat. Elles auront, à long terme un effet sur l’offre si elles sont vraiment appliquées. Mais les évènements récents montrent que cette politique n’agit pas sur la demande d’énergies fossiles. Celle-ci dépend uniquement de l’activité économique et du contexte météorologique.

Les américains, pas plus que les habitants des autres pays, ne peuvent se passer d’énergie quand ils disposent des ressources nécessaires pour se les procurer. Orienter leurs choix pour satisfaire aux objectifs climatiques peut prendre deux formes. Procéder aux investissements ou au renouvellement des biens qu’ils utilisent pour que ceux-ci, à rendement égal, consomment moins d’énergie et rejettent moins de gaz à effet de serre. Mais le résultat est très lent à produire ses effets puisqu’on agit sur un parc. Quand, en France, on promet de procéder à des centaines de milliers de rénovation thermique d’habitats chaque année, alors qu’il y a plus de 30 millions d’appartements ou de maisons, cela signifie qu’il faudra un siècle pour les rénover et que le progrès accompli en matière d’économie d’énergie est de l’ordre de 1 à 2% par an. Le raisonnement s’applique de la même façon aux véhicules automobiles et les efforts  en faveur des véhicules électriques ne servent à rien si la production d’électricité reste tributaire de techniques polluantes.

La seconde option, qui est tout aussi présente dans le discours public et dans les décisions politiques, notamment en France où elle est assortie de puissantes incitations financières, concerne le développement des énergies renouvelables. Mais elle rencontre un obstacle majeur : elles sont intermittentes. Elles ne sont pas en mesure de produire quand on a besoin d’elles, la nuit ou quand il n’y a pas de vent. La seule énergie renouvelable qui n’est pas confrontée à cette situation est l’énergie hydraulique. Mais en France, comme dans de nombreux pays, les sites ont été largement équipés. En construire de nouveaux rencontreraient de la part des populations concernées et des mouvements écologistes, ce n’est pas le moindre des paradoxes, de vives oppositions. Il suffit de se souvenir de ce qui est arrivé à Notre-Dame-des-Landes pour construire un nouvel aéroport. Les pluies importantes qui frappent actuellement la France comportent néanmoins un aspect positif, rarement évoqué : l’électricité produite par les barrages qui sont abondamment remplis va permettre de réduire la production thermique, donc les émissions de CO2, dans les prochains mois.

Le rejet global des énergies fossiles est contre-productif. Elles vont demeurer pendant encore très longtemps une source indispensable pour les activités productives comme pour les besoins des consommateurs. La transition énergétique doit donc en tenir compte et intégrer une profonde évolution des parts respectives de chaque énergie fossile avec une réduction aussi rapide que possible de la part du diesel dans les véhicules thermiques et du charbon dans la production d’électricité. Dans le premier cas, il s’agit aussi d’une exigence de santé publique : depuis des décennies, les particules fines créent autant de mal que les épidémies passées et présentes. Le cas du charbon est encore plus exemplaire. Non seulement son transport et sa combustion génère bien plus de CO2 que n’importe qu’elle autre source d’énergie, mais les centrales à charbon contribuent fortement à la dégradation de la qualité de l’air.

La Pologne et l’Allemagne sont dans ce domaine les mauvais élèves de l’Europe. La fermeture de Fessenheim sous la pression des écologistes allemands qui ont trouvé de solides alliés en France, au moment où notre voisin décidait, ce qui était son droit, de fermer ses centrales nucléaires, permettra, c’est un nouveau paradoxe, et pas le moindre, de maintenir en activité plusieurs centrales à charbon de l’autre côté du Rhin.

La hausse des cours du pétrole montre que la réduction de sa consommation, et encore moins son abandon ne sont pas pour demain. Pour que la transition énergétique soit réussie, il faut donc qu’elle s’opère aussi au sein des énergies fossiles. Puisqu’elles vont rester encore longtemps indispensables, autant privilégier celles qui ont le moins d’effet négatif sur la santé et qui contribuent au ralentissement des émissions de CO2. Construire des barrages suscitera toujours des oppositions. Construire de nouvelles centrales nucléaires mettra beaucoup de temps, entre huit et dix ans dans le meilleur des cas. Investir dans les énergies renouvelables ne peut répondre entièrement aux exigences de sécurité d’approvisionnement. Le recours aux énergies fossiles les moins polluantes et peu émettrices de CO2 comme le gaz naturel doit faire partie de la transition énergétique et constituer une étape transitoire mais indispensable pour atteindre les objectifs fixés dans l’Accord de Paris.