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Le blog d'Alain Boublil

 

Chine - Etats-Unis : vers une trêve ?

L’épidémie du covid-19 et les effets de la mutation du virus ont lourdement affecté l’économie mondiale. Mais ils n’ont pas été les seuls à constituer une menace. Les tensions entre les deux premières puissances économiques, les Etats-Unis et la Chine, au point que l’on ait parlé d’une nouvelle « guerre froide » ont inquiété et les interrogations que l’on peut légitimement se poser sur les intentions du nouveau président américain demeurent. Son prédécesseur avait voulu affirmer sa volonté de puissance. Dans son slogan, « America first » il y avait à la fois la priorité donnée à la satisfaction des besoins des Américains et l’affirmation suivant laquelle les Etats-Unis étaient et entendaient rester la première puissance mondiale dans le domaine économique comme dans les relations internationales. De son côté, la Chine, tout en se gardant bien de vouloir participer à une sorte de classement, connaissait un développement économique tel qu’il menaçait la suprématie américaine, notamment dans les domaines à haute technologie. Le pays étendait aussi, par les moyens financiers considérables dont il disposait, son influence dans le monde, par exemple à travers son projet des Nouvelles Routes de la Soie. La possibilité d’une confrontation était apparue ces dernières années. Elle s’était accrue en raison des méthodes de Donald Trump, bien éloignées des usages diplomatiques traditionnels.

Jusqu’à présent ces tensions n’ont pas affecté les marchés financiers. Les bourses chinoises ont connu un rebond spectaculaire ces six derniers mois quand il est apparu que le pays semblait avoir surmonté l’épidémie. Elles n’ont pas été affectées par les sanctions américaines visant certaines entreprises. Les bourses américaines, alors que les ravages de l’épidémie y étaient bien plus graves qu’en Europe, n’ont pas non plus été touchées et les grandes valeurs technologiques ont même battu des records. Les marchés des changes ont relativement bien tenu. La devise chinoise qui s’était affaibli entre 2018 et l’automne dernier a même connu un net rebond (10%) face au dollar. Pékin ne voulait probablement pas être accusé de manipuler sa monnaie pour gagner des parts de marché. La Chine est le premier détenteur dans le monde de la dette extérieure des Etats-Unis, avec, dans les réserves de sa banque centrale, plus de 1000 milliards de dollars de Treasury Bonds. Mais le pays n’a jamais utilisé cette arme pour faire pression sur Washington, pas même aujourd’hui alors que les Etats-Unis vont devoir emprunter massivement sur les marchés internationaux pour financer le double déficit de leur budget et de leur balance des paiements.

Dès le début de son mandat, Donald Trump avait cherché à imposer un accord commercial à la Chine avec des menaces de rétorsions. Après des mois de discussions il dut admettre qu’il devrait se contenter d’un accord de portée très limitée. L’idée d’une Phase 1 pour lui permettre de sauver la face fut inventée. Il n’y eut bien sûr jamais de Phase 2. Ensuite vinrent des mesures ciblées contre des entreprises chinoises. Les entreprises américaines n’avaient plus le droit de travailler avec elles car elles étaient liées à l’Etat et à l’armée chinoise, ce qui pourrait mettre en péril la sécurité américaine au travers du vol d’informations essentielles ou du piratage des réseaux de communication sensibles. La dernière étape de cette escalade a été l’interdiction que soient cotés à Wall Street quelques grands groupes impliqués dans des activités stratégiques. Les épargnants américains n’avaient plus le droit d’en détenir des actions. Ces dernières tentatives créèrent un certain trouble. Dans un premier temps, les autorités du marché se soumettent à la décision de la Maison Blanche, puis quelques jours après, elles reviennent en arrière avant, finalement, de changer à nouveau de position et de retirer ces entreprises de la cote. Une deuxième liste qui contient le géant pétrolier CNOOC et le fabriquant de téléphones portables Xiaomi vient d’être rendue publique mais elle apparait plus comme un testament de l’équipe sortante que comme  l’indication que cette politique sera poursuivie par ses successeurs.

Mais cette politique agressive qui n’eut aucun impact sur les marchés financiers des deux pays n’en eut pas davantage sur leurs échanges commerciaux. En 2020, alors que les pays occidentaux connaissaient une récession historique et que cela aurait dû affecter les exportations chinoises celles-ci battaient des records et enregistraient même en fin d’année des progressions supérieures à 7%. Dans le meême temps, les importations stagnaient, malgré la reprise de l’économie. L’excédent commercial de la Chine a ainsi atteint 535 milliards de dollars en 2020 dont 317 milliards avec les seuls Etats-Unis, preuve de l’inefficacité de la méthode Trump. La riposte chinoise avait été bien plus habile. Un accord commercial majeur avec les pays de l’ASEAN était conclu et une nouvelle réglementation des investissements et des pratiques commerciales, qui était en discussion depuis plusieurs années avec l’Union Européenne, était adoptée par les 27 pays membres. La politique agressive de Donald Trump avait choqué de nombreux pays. Ils ont réagi en se montrant conciliant avec Pékin. Au lieu d’affaiblir l’économie chinoise et d’isoler le pays, l’action de Donald Trump a abouti à l’effet inverse.

Ces méthodes  pouvaient séduire la partie populiste de son électorat. Il est toujours tentant de faire porter la responsabilité des faiblesses d’un pays sur l’héritage laissé par les dirigeants précédents ou sur le comportement des pays concurrents. Mais ce discours n’a convaincu ni les entreprises américaines, ni les consommateurs. Il y a longtemps que les premières avaient construit leurs chaînes d’approvisionnement avec une part importante de la valeur ajoutée en Chine. Elles n’allaient pas renoncer du jour au lendemain à ces pratiques. Quant aux consommateurs, ils n’avaient pas toujours le choix et quand ils l’avaient, ils n’ont tenu aucun compte des propos de leur président.

La nouvelle administration qui entre en fonction la semaine prochaine ne va pas procéder à un revirement à 180° dans ses relations avec la Chine. Mais il est très vraisemblable qu’elle ne poursuivra pas la politique agressive de ses prédécesseurs. Le changement va d’abord porter sur la politique économique. Joe Biden va mettre en œuvre une politique massive de relance de la demande : augmentation du salaire minimum fédéral, qui sera presque doublé en passant à 15$, distribution de chèques de 1400$ aux personnes ayant de faibles revenus, financement par l’Etat du chômage, aides aux universités et aux étudiants. Finalement, la philosophie économique qui l’inspire n’est pas très différente de ce qui fut pratiqué en France en 1981 ! Mais les conséquences sur le commerce extérieur seront bien plus marquées et le déficit extérieur, tout comme l’endettement public, ont de fortes chances de s’accroître encore, pour le grand bénéfice des exportations chinoises puisque rien n’a été fait depuis cinq ans, à supposer que cela ait été possible et sauf pour certaines activités dans l’industrie automobile basées au Mexique, pour chercher à relocaliser sur le territoire américain.

Ce changement de politique économique dont la Chine profitera ne va certainement pas inciter Pékin à relancer le débat et provoquer de nouvelles tensions. De son côté le nouveau président américain ne va pas inscrire son action dans la continuité de celle son prédécesseur tant celui-ci, surtout après son comportement durant la période de transition, est discrédité. Cela s’appliquera aux relations internationales et notamment à celles avec la Chine. C’est pourquoi une trêve entre les deux pays, même si les discussions se poursuivent et donnent parfois lieu à des désaccords, est l’hypothèse la plus vraisemblable.