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Le blog d'Alain Boublil

 

Environnement et écologie : les contradictions

Les pluies très abondantes survenues récemment dans le sud-est de la France ont été interprétées, comme lors de chaque incident météorologique, comme étant la conséquence des dérèglements climatiques. Cela  a contribué à une mobilisation accrue en faveur de l’environnement. Elles ont aussi été à l’origine de coupures d’électricité qui ont parfois duré plusieurs jours affectant gravement la vie quotidienne des habitants. Deux enseignements doivent être tirés de ces évènements.

Il y a eu d’abord la mobilisation, jour et nuit, des équipes chargées de remettre en état et de veiller au bon fonctionnement des réseaux. On a pu, une fois de plus, apprécier leur rôle et le prix qu’il faut attacher à leurs compétences et à leur disponibilité. Ces personnels bénéficient d’un statut et d’un régime de retraite plus favorable que celui de l’ensemble des salariés. La volonté du gouvernement de remettre en cause ce statut et ces avantages qui font partie du pacte républicain sur les services publics conclu au lendemain de la seconde guerre mondiale est à l’origine du vaste mouvement social que la France connait aujourd’hui. Il y a eu aussi la prise de conscience de l’importance, voire de la priorité absolue qu’il convient d’accorder à la sécurité de l’approvisionnement en électricité des familles et des entreprises.

La conviction selon laquelle il importe d’agir pour lutter contre le réchauffement climatique progresse mais on assiste à une régression des solutions proposées. Les deux principaux domaines d’action sont le mode de production de l’électricité et le niveau des consommations d’énergie. Pour l’électricité, le discours, sinon la priorité opérationnelle, est concentré sur la réalisation de capacités de production solaires et éoliennes. Mais ces sources sont intermittentes et ne permettent pas d’assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique.  Aucun gouvernement ne peut faire l’impasse sur cette question cruciale. Il n’y a alors que deux réponses, des progrès dans le stockage de l’électricité, mais les procédés ne seront pas opérationnels avant très longtemps, et il y a urgence, ou le maintien des modes de production traditionnels. C’est là qu’il faut agir et où apparait la contradiction la plus nette entre le discours écologiste et l’efficacité.

En se fixant des objectifs très ambitieux, comme la fin des énergies fossiles, mais avec des échéances à très long terme, 2040 ou 2050, le message écologiste a pour principale conséquence d’écarter des mesures efficaces correspondant aux objectifs recherchés avec un effet rapide. Ce message est, dans les faits, complice de la hausse des émissions et de l’aggravation de la situation climatique. La seule manière de les faire baisser tout en assurant la sécurité de la fourniture d’électricité est d’arrêter les centrales au charbon et de les remplacer par des centrales à gaz. Les délais de construction sont bien plus courts que pour des centrales nucléaires et surtout celles-ci sont réservées aux quelques pays qui maitrisent la technologie. On ajoutera que sur le plan économique c’est largement justifié du fait de l’abondance de la ressource qui permet un prix très compétitif.

Les résultats sont incontestables. C’est ainsi que les Etats-Unis ont réussi à faire baisser leurs émissions de CO2 de 8% entre 2010 et 2018. Cette année, 57 centrales à charbon auront été fermées dans le pays. En Chine, la rapide montée de l’utilisation du gaz naturel a permis de freiner la hausse des émissions dues à l’utilisation du charbon, même si le pays en reste de loin le premier consommateur. Les grands producteurs chinois d’électricité continuent à construire des centrales à charbon mais leur taux d’utilisation faiblit chaque année et sera inférieur à 50% cette année. La mise en service du premier gazoduc en provenance de Sibérie orientale approvisionnera le nord du pays et fera baisser la consommation de charbon là où elle est encore très élevée. En Europe, l’achèvement du gazoduc Nordstream 2 raccordant les nouveaux gisements russe à l’Europe permettra de diversifier les approvisionnements de l’Allemagne et incitera le pays à sortir plus rapidement de sa dépendance au charbon. Il respectera enfin les objectifs de réduction d’émission auxquels il s’était engagé. La part très élevée de la production d’énergie solaire et éolienne (24%), soit trois à quatre fois plus que la Chine, les Etats-Unis ou la France, ne suffit pas à compenser les conséquences de sa dépendance au charbon.

Le discours sur la « fin des énergies fossiles » ou sur la « neutralité carbone à l’horizon 2050 » relève donc plus de la communication écologiste que de l’action en faveur de l’environnement, action qu’il contribue de ce fait à affaiblir.

L’autre voie pour stabiliser les émissions est de réduire ou pour les pays émergents, de stabiliser, la consommation d’énergie. Deux secteurs sont essentiels, le transport et l’habitat. Mais les résultats dans ces domaines ne peuvent être que très lents car l’action porte soit sur un parc (les logements) soit à l’occasion du renouvellement d’un équipement, voiture ou poids lourd, dont la durée de vie excède souvent 20 ans. En France, malgré l’évidence des bienfaits de l’isolation des logements, les résultats sont très décevants car l’Etat n’a pas su trouver de solutions incitatives adaptées aux différentes formes d’habitat : propriété, copropriété ou location. Il a aussi recherché deux objectifs en même temps, redistribution et réduction des consommations, ce qui l’a conduit à limiter ses aides en fonction des revenus du foyer. Bien peu de familles se sont alors lancées dans des travaux coûteux malgré les incitations proposées car elles étaient déjà confrontées aux échéances de remboursement de leurs prêts ou à la modicité de leurs moyens. Il ne faut pas être naïf. Cette condition de ressources présentée par le gouvernement comme un geste de solidarité était une bonne manière aussi pour Bercy de limiter les dépenses. La manœuvre a bien réussi.

Les mêmes contradictions sont présentes dans les transports. La priorité donnée aux voitures électriques, dans les investissements des constructeurs comme dans les nouvelles normes imposées par Bruxelles, est paradoxale tant que la production d’électricité, indispensable pour produire et recharger les batteries, émettra comme en Allemagne autant de CO2. En outre, le renouvellement du parc sera d’autant plus lent que les véhicules ne correspondront pas, comme aujourd’hui, aux attentes des automobilistes, tant du point de vue de l’autonomie que de la durée du chargement. Les réseaux électriques devront être adaptés aux pointes de demande, comme lors des départs en vacances et des capacités de production disponibles. Là encore, il est peu probable que celles-ci soient fournies par des énergies renouvelables. Donc, l’effet sur les émissions de gaz à effet de serre du passage des véhicules particuliers à l’électrique sera non seulement très lent mais limité.

Il serait bien plus conforme aux objectifs recherchés de se concentrer sur les véhicules professionnels, pour lesquels ni l’autonomie ni la durée de recharge ne sont des obstacles et sur le développement des transports en commun. Au lieu de cela, en France, on a libéralisé le marché des autocars marchant au diesel, pour faire concurrence à la SNCF et comme dans les services publics de l’énergie, le contrat social avec les salariés est en train d’être remis en cause.

Le discours écologiste avec ses excès et la logique libérale qui prévaut face aux modèles existants des services publics du transport et de l’énergie, constituent en France un frein à la véritable transition énergétique qui est la condition nécessaire pour protéger notre environnement et contribuer aux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique dans le monde.