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Le blog d'Alain Boublil

 

La France et le chômage

Les publications d’une légère diminution du nombre de demandeurs d’emplois au troisième trimestre revenu de 3,49 millions à 3,36 millions et de la première estimation de la croissance sur la même période, soit +0,3% comme pour les deux trimestres précédents, n’ont pas surpris mais ont  été accompagné de commentaires bien complaisants. Ces chiffres sont cohérents avec la stagnation de la consommation des ménages et de la production industrielle observée au mois de septembre. Les entreprises continuent d’investir en profitant des taux d’intérêt très faibles mais il reste à démontrer que ce sont des investissements productifs et non de l’immobilier de bureaux ou des centres commerciaux. La deuxième estimation de la croissance qui sera publiée dans quelques semaines permettra de voir jusqu’où va l’amélioration de leur situation financière. Le taux d’autofinancement au 2ème trimestre avait été supérieur à 100%, ce qui est sans précédent. Une confirmation de cette tendance serait révélatrice d’un comportement nouveau de thésaurisation par endettement puisque celui-ci a progressé depuis le début de l’année, lequel ne débouchera pas sur un suffisamment de créations d’emplois pour faire baisser le chômage.

 Les mesures fiscales et sociales décidées depuis un an ont permis une hausse du pouvoir d’achat des ménages mais se sont surtout traduites par une augmentation de leur épargne financière. Eux-aussi thésaurisent et ne s’engagent pas à long terme. L’évolution des mises en chantiers de logements (-3,9% en septembre sur un an) comme celle des permis de construire autorisés (-5,9%) qui constituent un bon indicateur avancé, montre que le secteur ne profite pas des très faibles taux d’intérêt offerts par les banques, à la différence de l’immobilier ancien dont les prix dans les grandes villes sont en forte hausse. Le commerce extérieur continue à apporter une contribution négative à la croissance (-0,4%) malgré les choix de politique économique si coûteux pour les finances publiques qui visent à améliorer la compétitivité des entreprises en réduisant leurs charges. Le maintien d’un haut niveau de chômage, malgré sa légère baisse récente n’est donc pas surprenant. Avec 8,5%, son taux se situe encore au dessus de la moyenne de la zone euro et est deux fois supérieur à celui des  autres grands pays développés, les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni. La France a donc échoué à réduire le chômage massif qui la frappe.  

 Sur les vingt dernières années, on distingue quatre phases. Entre 1997 et 2002, la France a connu sa dernière période de croissance forte, un rétablissement de ses finances publiques avec un déficit inférieur à 3% du PIB, une baisse spectaculaire du chômage (- 590 000 demandeurs d’emplois), une hausse significative du pouvoir d’achat et un solide excédent commercial hors énergie. La mesure de politique économique la plus importante prise durant cette période fut l’instauration des 35 heures. Elle est aujourd’hui vivement dénoncée. Si les conditions de sa mise en oeuvre sont critiquables en particulier dans le secteur public, il est impossible de ne pas faire le lien entre son adoption et les brillants résultats  obtenus alors en matière d’emploi.

Durant la période suivante qui va jusqu’à l’été 2007, la croissance et le pouvoir d’achat ralentissent mais le chômage continue de baisser (-460 000 demandeurs d’emplois), ce qui montre bien que les 35 heures n’ont pas eu, dans ce domaine l’effet négatif si souvent mis en avant. Mais cette conjoncture favorable n’est pas mise à profit pour parachever le rétablissement des comptes publics. Dans certains secteurs comme l’automobile, les entreprises se lancent dans une stratégie de délocalisation et d‘investissements à l’étranger. C’est leur mauvaise réponse à la mondialisation à laquelle l’Etat assiste de façon passive. Les échanges extérieurs hors énergie deviennent déficitaires. L’économie française se retrouve confrontée à la crise financière sans marges de manœuvre.

 La première mesure prise par le nouveau gouvernement en 2007 sera la défiscalisation des heures supplémentaires. Coûteuse pour le budget, elle est paradoxale puisque c’est une incitation non pour embaucher mais pour faire travailler davantage les salariés. L’Allemagne adoptera avec sagesse la solution opposée : encourager le chômage partiel, ce qui permet d’éviter les licenciements et de conserver les compétences au sein des entreprises. A  la crise financière et à la profonde récession qui s’ensuit s’ajoute la crise de l’euro qui ne s’achèvera qu’à l’été 2012 quand Mario Draghi convainc les marchés qu’il dispose des moyens suffisants pour sauver la devise européenne. La France aura connu une forte baisse du pouvoir d’achat et une brutale remontée du chômage (+890 000 demandeurs d’emplois en cinq ans). L’Etat laisse le déficit budgétaire se creuser dans des proportions sans précédent mais celui-ci est le résultat, non d’une hausse des dépenses, dans un but anticyclique, mais d’une forte baisse des recettes. Le choix d’encourager les heures supplémentaires montre alors toute son inefficacité.  

La sortie de la crise en 2012 est douloureuse car la France est confrontée à un endettement public  élevé et un lourd déficit extérieur. Le choix stratégique qui est fait alors est d’alléger massivement les charges sociales et fiscales des entreprises et de financer ce transfert par une hausse de la fiscalité sur les ménages. Il se révélera désastreux. Cette politique n’aura aucun impact sur la compétitivité des entreprises et notre déficit extérieur restera très lourd. La France connaît la plus longue période de stagnation de son histoire du fait de la pression exercée sur le pouvoir d’achat. Le chômage, au lieu de retrouver une pente descendante, la fameuse « inversion de la courbe », continuera de s’accroître (+495 000 demandeurs d’emplois en cinq ans), signe de l’échec de cette politique. La reprise observée en 2017 est due bien plus à des facteurs extérieurs, baisse du cours du pétrole et chute des taux d’intérêt, qu’aux effets de la politique conduite, laquelle n’est ni critiquée et encore moins remise en cause par le gouvernement nommé à la suite de l'élection présidentielle. 

 Le déficit extérieur persiste en 2017, les allègements consentis aux entreprises sont conservés et le rebond de la croissance, comme vient de le confirmer l’INSEE, ne dure pas. La France se retrouve avec un taux annuel à peine supérieure à 1% en 2019 et personne ne prévoit d’accélération pour 2020. Le chômage reste donc très élevé même si depuis deux ans il s’est légèrement réduit (- 124 000 demandeurs d’emplois). La priorité à l’amélioration des marges des entreprises malgré leur taux élevé est confirmée et on lance des « réformes structurelles » dont l’objet est la remise en cause systématique des avantages sociaux consentis aux salariés et demain aux retraités. L’idée suivant laquelle il faudrait allonger les carrières et relever l’âge du départ à la retraite méconnait une donnée majeure du marché du travail : depuis 12 ans, l’augmentation du nombre de demandeurs d’emplois a été principalement due aux personnes âgées de plus de cinquante ans (+589 000 entre 2007 et 2019). La hausse du pouvoir d’achat va alimenter les comptes d’épargne tant les français ont préoccupés par leur avenir. Ces « réformes » accroissent la précarité et produisent un sentiment anxiogène négatif pour la consommation et donc pour l’emploi.

Les résultats médiocres de l’économie française et le chômage qui reste très élevé sont la conséquence des mauvais choix de politique économique. Encourager les heures supplémentaires quand il y a plus de 3 millions de chômeurs n’a aucun sens. Fragiliser l’environnement social des ménages ne peut donner aucun résultat en matière de croissance. Décaler l’âge de départ à la retraite quand les entreprises ne songent qu’à rajeunir leurs effectifs n’aboutira qu’à alourdir le déficit de l’UNEDIC. L’échec, en matière économique, n’est donc pas forcément dû à des évènements extérieurs. La France en est une bonne illustration.