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Le blog d'Alain Boublil

 

La transition énergétique de la Chine

Deux évènements donnent une bonne illustration de la volonté de la Chine de transformer son modèle énergétique et des directions suivies pour améliorer la qualité de vie de la population et apporter sa contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, conformément aux engagements du pays dans le cadre de l’Accord de Paris. Il y a quelques jours a été mis en service le deuxième EPR de la centrale de Taishan dans le sud du pays qui est exploitée dans le cadre d’un partenariat entre EDF et l’opérateur chinois CGN, avec lequel EDF entretient depuis près de trente ans des relations étroites. Ensuite, durant le mois d’octobre entrera en fonctionnement le gazoduc venant de Sibérie approvisionnant en gaz naturel le nord-est de la Chine. Pékin trouve ainsi des solutions alternatives au charbon dans la production d’électricité, car cette énergie fossile est le principal responsable de l’accumulation du CO2 dans l’atmosphère et a en outre des effets désastreux sur la santé en rejetant autour des installations des particules. L’objectif est d’atteindre son plafond d’émission avant 2025, bien plus tôt que ce à quoi le pays s’était engagé.

Les pays émergents, et notamment la Chine et l’Inde, du fait de leur retard économique et de la forte croissance nécessaire pour le combler, contribuent plus que les autres à aggraver les menaces climatiques. Mais ils invoquent à juste titre que c’est le stock de CO2 dans l’atmosphère qui génère le réchauffement et que ce sont les pays développés qui par le passé ont provoqué cette accumulation. Ils n’auraient donc pas à faire les mêmes efforts. Les pays développés, dans une large majorité, ont accepté ce principe. La volonté  de la Chine de stabiliser puis aussi vite que possible de réduire ses émissions n’en est que plus remarquable.

La politique retenue est la réduction systématique du recours au charbon dans la production d’électricité. C’est efficace puisque c’est ce qui a permis aux Etats-Unis depuis quatre ans de réduire leurs propres émissions. La chute des cours du gaz naturel à la suite de la mise en exploitation des gisements de gaz de schiste, a incité les électriciens américains à mettre en veilleuse leurs centrales à charbon et à faire tourner celles fonctionnant au gaz naturel. La sortie progressive du charbon en Chine pose néanmoins de lourds problèmes sociaux puisqu’elle concerne des centaines de milliers de mineurs pour beaucoup situés dans la province du Shanxi. Mais le mouvement est lancé. Une centaine de mines produisant moins de 300 000 tonnes par an ont été fermées dont 18 dans le Shanxi. De nouvelles technologies visant à extraire du gaz des gisements de charbon sont aussi expérimentées.

Pour compenser la baisse de la part du charbon, il y a d’abord le nucléaire. Outre les deux EPR, deux centrales utilisant une technologie chinoise, Hualong 1 et 2 devraient entrer en activité dans les deux années qui viennent. Avec 47 réacteurs en activité et une capacité de 48Gw, la Chine se rapproche de la France et vise à produire ainsi 10% de son électricité à terme contre à peine 5% aujourd’hui. Mais l’effort le plus spectaculaire concerne le gaz naturel, autant pour produire de l’électricité que pour alimenter les foyers et se substituer au bois et au charbon dans les villes. La consommation annuelle est passée de 90 à 280 bnm3 en dix ans et une nouvelle hausse de 10%  est prévue en 2019. Pour y faire face, le pays a dû relever un triple défi. Sa production s’est fortement accrue et à côté des gisements traditionnels, l’extraction du gaz de schiste a commencé avec une production prévue en 2019 de 10 bnm3 à partir du gisement de Fuling, dans la province du Sichuan, qui recèlerait des réserves proches de 600 bnm3. Mais le niveau reste très en dessous de la demande intérieure à satisfaire et pour assurer ses importations la Chine a multiplié les terminaux permettant d’accueillir du GNL, auprès de grands fournisseurs comme l’Australie et le Moyen-Orient, et a financé la construction de gazoducs acheminant le combustible depuis l’Asie centrale et le Cambodge, et à partir de l’automne en provenance de la Sibérie.

Mais le défi le plus délicat et qui n’est pas complètement relevé concerne le stockage et la distribution. La consommation de gaz naturel étant très variable suivant la période de l’année, surtout pour les usages domestiques, des investissements considérables restent à effectuer pour éviter les coupures d’approvisionnement comme cela arrive encore trop fréquemment dans les grandes métropoles du nord-est du pays.

Enfin l’effort si souvent mis en avant en Occident concernant les énergies renouvelables, l’hydraulique, l’éolien et le solaire, est spectaculaire quand on considère les capacités de production mises en services mais du fait de leur forte intermittence, ces sources sont encore faibles en terme de production, 9% de la consommation d’énergie primaire pour la première et 4,25% pour le total de l’éolien et du solaire. Il reste que la Chine en ayant investi dans le seul secteur de la production d’énergie 135 milliards de dollars en 2018 figure parmi ceux, dans le monde, qui y ont consacré les moyens les plus importants.

La politique de transition énergétique se développe aussi dans le domaine des transports avec l’électrification du secteur automobile qui a connu une très forte croissance, à la différence de ce que l’on observe en Europe. La préoccupation est essentiellement la lutte contre la pollution locale provoquée par la véritable explosion du trafic en milieu urbain générateur d’émissions de particules nuisibles pour la santé. Autrement et compte tenu du mix électrique du pays encore largement dominé par le charbon, cela n’aurait pas eu de sens d’inciter les ménages à faire ce choix. Dans de nombreuses villes, les autorités ont imposé l’achat d’un véhicule électrique pour obtenir une immatriculation. Ces mesures n’ont pas été mal accueillies car l’utilisation des véhicules est très différente de ce que l’on observe par exemple en France ou en Allemagne. En Chine, les longs déplacements en voiture sont presque inexistants. A l’intérieur du pays, pour retrouver leur famille restée en milieu rural, les Chinois prennent le train. Et les voyages à des fins touristiques s’effectuent en avion car les destinations sont soit une île, comme Hainan ou Taiwan, soit un pays très éloigné. La question de l’autonomie du véhicule électrique, qui est fortement dissuasive en Europe, n’est donc pas un sujet en Chine. Mais cette expansion permet l’acquisition d’un savoir-faire industriel et technologique qui place le pays en avance face à ses concurrents occidentaux, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’avenir du secteur en Europe quand les obstacles liés à la faible autonomie des véhicules électriques auront été levés.

La détermination de la Chine à conduire sa transition énergétique est tout aussi forte que celle qui vise à réorienter son modèle de croissance. La réduction de la part de l’industrie lourde et le développement des services sont parfaitement compatibles avec la transformation du mix énergétique réduisant significativement la part du charbon et la compensant par l’essor du gaz naturel, du nucléaire et des énergies renouvelables. La poursuite de l’urbanisation s’accompagne d’investissements dans les réseaux de transport et de distribution de gaz et d’électricité, avec certainement des avancées technologiques à prévoir dans l’optimisation des consommations. Le pays a démontré par le passé sa capacité d’innovation. Le fait qu’il la mette aujourd’hui au service de la lutte contre le réchauffement climatique est une bonne nouvelle.