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Le blog d'Alain Boublil

 

Donald Trump-Xi Jinping : le combat inégal

La crise syrienne ne doit pas occulter les autres facteurs d’instabilité actuels. La tension entre  les Etats-Unis et ses alliés et la Russie retombera dès que la situation en Syrie s’apaisera. Les conséquences économiques des sanctions resteront limitées à l’échelle mondiale. Il n’en serait pas de même si une véritable guerre économique opposait la Chine et les Etats-Unis. C’est toute l’organisation du commerce international qui pourrait être affectée. Malgré ses défauts et les déséquilibres ponctuels que ce système a parfois engendré, il a permis le développement continu des échanges depuis plus de cinquante ans et il est, selon l’expression consacrée, le pire, à l’exception de tous les autres. Le remettre en cause est un pari dangereux. Mais pour les deux protagonistes, l’enjeu n’est pas le même. Du fait de la personnalité de leurs dirigeants et de la situation de leurs pays, la partie est inégale.

Le Sage a dit : « Soyez subtil au point d’être invisible. Soyez mystérieux au point d’être imprévisible. Ainsi vous contrôlerez le sort de vos rivaux. » Il n’est pas sûr que Donald Trump ait compris toute la portée de ces principes ancrés au plus profond de la culture stratégique chinoise. Ses multiples déclarations, ses revirements et ses propos sans nuances  enlèvent à son action tout caractère mystérieux et toute subtilité. Il a ainsi bien peu de chances d’avoir prise sur ses rivaux. A l’inverse, le président chinois s’inscrit bien dans cette logique. Quand il annonce, en 2013, son projet de Nouvelles Routes de la Soie, rares sont ceux, en Occident, qui mesurent la portée de ce qui va devenir la stratégie économique internationale du pays. L’année suivante se tient, au Musée national de Chine, à Pékin sur la place Tien An men, une exposition qui rassemble manuscrits, objets d’art et les cartes qui montrent ce que fut, il y a plus de mille ans, cette première tentative de développer les échanges entre l’Europe et l’Empire du Milieu. Lorsqu’en 2009, au lendemain de la grande crise financière et de la récession qui l’accompagna en Occident, le gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, lance les premières étapes du  processus d’internationalisation de la devise chinoise, le Yuan, là aussi, peu nombreux sont ceux qui ont compris la portée du projet. En 2016 la devise chinoise entrait dans le panier de monnaies qui sert à calculer la valeur des DTS et acquerrait le statut de monnaie de réserve.

Ce contraste entre la volatilité de la pensée et de l’action des dirigeants américains et la détermination de leurs homologues chinois s’accompagne d’une profonde incompréhension de la part des premiers, des causes des déséquilibres économiques et financiers entre les deux pays. Les mesures envisagées ne feront que les accroître. Le premier perdant d’une guerre commerciale sera l’économie américaine. A Washington, on semble ignorer que l’essor de l’industrie et des exportations chinoises a été largement dû aux  entreprises américaines qui ont organisé leurs chaines d’approvisionnement à partir de la Chine pour réduire leurs coûts de production et en faire bénéficier leurs clients. La grande distribution, Walmart en tête, y a choisi ses fournisseurs. Le déficit commercial entre les deux pays est le résultat de pratiques qui ne sont pas nées en Chine mais aux Etats-Unis. La tendance devrait pourtant s’atténuer avec l’élévation continue du niveau de vie de la population chinoise et la réduction de l’écart des coûts de production. Les derniers chiffres du commerce extérieur chinois sont révélateurs. L’excédent, au premier trimestre, est en nette réduction, même si vis-à-vis des Etats-Unis il reste considérable avec près de 60 milliards de dollars. La croissance chinoise, sur la même période est restée solide (6.8%) grâce à la demande intérieure. Le rééquilibrage voulu par les autorités est en cours mais il n’a pas encore atteint tous ses objectifs puisque c’est l’investissement et non la consommation qui en est le moteur principal.

Le second procès fait par Washington à Pékin porte sur le « pillage » technologique opéré par les entreprises chinoises au travers de transferts de technologies et de contrats léonins. C’est pourtant un combat d’arrière-garde. Les centaines de milliers de jeunes ingénieurs chinois qui sortent des universités n’auront, dans l’avenir, aucun mal à rivaliser avec leurs homologues de Californie ou du Massachusetts. Il s’agit de pratiques universelles qui ont permis la croissance partout dans le monde. En France, les techniques nationales en matière de nucléaire avaient échoué. On fit appel à des réacteurs conçus par Westinghouse. Dix ans plus tard, Framatome était capable de concevoir ses propres modèles et de les exporter sans rien demander au groupe américain. A l’inverse, Alsthom possédait la technologie des trains à grande vitesse. Le groupe, par peur de perdre la maîtrise du marché, refusa de s’allier avec des constructeurs chinois et de leur apporter son savoir-faire. On connait la suite. Il y a aujourd’hui 25 000 kms de lignes en Chine contre 2600 kms en France.

Les Etats-Unis ont bien plus à perdre que la Chine dans ce conflit. Son double déficit, budgétaire et extérieur est largement financé par Pékin qui est devenu ainsi, dépassant le Japon, son premier créancier. La dégradation des relations entre les deux pays peut affecter la stabilité financière internationale. Si Washington persiste dans ses projets, ce seront les consommateurs américains qui paieront les taxes sur les produits importés dont la plupart ne peuvent être fabriqués aux Etats-Unis. Les entreprises américaines perdront en compétitivité si leurs chaînes d’approvisionnement sont affectées et mettront des années à les réorganiser. Quant aux exportations américaines vers la Chine, elles seront touchées par les mesures de rétorsion, pour le plus grand bénéfice du Brésil, par exemple pour le soja ou de la Corée du sud pour les voitures. Quant aux menaces relatives à des acquisitions sur des secteurs stratégiques, l’administration américaine comme tous ses homologues, chinois inclus, dispose des moyens de blocage et ne s’est jamais privé de les mettre en pratique comme viennent encore de le montrer les décisions prises à l’encontre du fournisseur chinois d’équipements de télécommunications ZTE.   

Pendant ce temps-là, Pékin poursuit sa stratégie financière. Le Yuan s’est apprécié de près de 10% contre le dollar en 2017 et peut difficilement être accusé de manipulation. Les dérives observées sur les investissements à l’étranger financées par l’emprunt de plusieurs groupes privés ont été freinées car elles pouvaient affecter la stabilité du pays. Les connections se développent et l’accord entre les bourses de Shanghai et de Londres offrira aux investisseurs internationaux  un accès plus facile aux actions chinoises. Le marché des obligations « off-shore » libellées en Yuan connait depuis le début de l’année un rebond significatif. Enfin, le gouvernement chinois a décidé la levée progressive des contraintes qui pesaient sur les investissements étrangers sur son territoire. Des fonds d’investissements et des sociétés de gestion détenues majoritairement par des étrangers vont pouvoir opérer et les constructeurs automobiles étrangers ne seront plus obligés, d'ici quelques années de s’associer avec des groupes chinois et d’être minoritaires.      

Les tensions créées, si elles persistent, inciteront la Chine à diversifier encore plus ses débouchés et conforteront le pays dans sa politique économique extérieure rebaptisée « Belt and Road Initiative ». Les  projets d’infrastructures en Asie centrale et jusqu’en Europe favoriseront ses exportations. Elles soutiendront le dynamisme des pays voisins ce qui contribuera à accroître encore l’influence de Pékin dans toute cette partie du monde. Est-ce vraiment cela que Washington recherche ?