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Le blog d'Alain Boublil

 

France : une croissance encore trop faible et déséquilibrée

L’INSEE publiera au début de la semaine prochaine sa dernière estimation de la croissance française au quatrième trimestre et permettra d’avoir une vision claire des performances de l’économie en 2017. La question de savoir si elle a été de 1,9% ou de 2% passionne les commentateurs mais n’a pas grand sens puisque la précision des statistiques officielles ne va pas jusque là. Optiquement, 2% cela semble bien mieux que 1,9%. Ce résultat est en nette amélioration par rapport aux cinq années de quasi-stagnation que la France a connue entre 2012 et 2016. La satisfaction qui s'est exprimée à l'annonce de ce résultat n’est que partiellement justifiée car il est encore insuffisant pour rattraper le retard accumulé, notamment en matière d’emploi. En outre, cette croissance s’accompagne d’un double déséquilibre. Le déficit public redescend en dessous de la barre des 3% et perd le caractère excessif que lui attribuent les normes européennes, mais demeure important et le déficit commercial continue de s’aggraver alors que grâce à la baisse des cours du pétrole et la bonne tenue de l’euro, il aurait dû se réduire.

La France continue de payer l’erreur majeure de politique économique commise en 2012 et 2013 quand le gouvernement a voulu en même temps réduire les déficits publics et accroître les marges des entreprises. La pression fiscale sur les ménages a été accrue dans un contexte d’aggravation du chômage. Il en a résulté un coup d’arrêt de la consommation. Les entreprises n’ont alors vu aucun intérêt à investir en France face à une demande déficiente. Elles ont trouvé de nouveaux prétextes pour délocaliser ou procéder à des acquisitions coûteuses à l’étranger, qui ne se révélèrent pas toujours très judicieuses. L’objectif de cette politique était de rétablir une compétitivité perdue. Au lieu, on a assisté à une dégradation continue du solde de nos échanges extérieurs hors énergie. L’avantage tiré de la chute des prix du pétrole et du gaz, environ 35 milliards d’euros, a été perdu en quatre ans. Cette situation ne pose pas, comme par le passé, de problème financier puisque la France est dans la zone euro et que les excédents de l’Allemagne permettent d’être à l’abri d’une crise de changes. Mais elle pèse sur  la croissance et l’emploi. Ce qui n’est pas ou plus produit en France n’est pas comptabilisé dans le PIB et provoque des pertes d’emplois.

Malgré leur amélioration, les comptes 2017 montrent que notre pays n’est pas sorti des difficultés des années passées. La contribution du commerce extérieur à la croissance a été encore négative, à hauteur de 0,3 du PIB. Le déficit commercial atteint 62 milliards, en hausse de 14 milliards par rapport à l’année précédente. La facture énergétique s’est élevée à 39 milliards, en hausse par rapport à 2016 mais bien en deçà du pic de 2012 où elle avait atteint 69 milliards. La consommation des ménages a ralenti de façon significative : 1,3% alors qu’elle s’était accru de plus de 2% en 2016. La légende suivant laquelle celle-ci était à l’origine de nos déficits extérieurs a été à nouveau infirmée. Les investissements des entreprises et des ménages ont fortement augmenté alors que ceux du secteur public ont baissé de 1%. Pour les entreprises, la croissance a été de 4,4% mais il s’agit d’une moyenne cachant des évolutions très divergentes. La hausse des investissements dans l’industrie n’est que de 1,8%  contre 6,4% pour les services marchands. Les chiffres de la construction de locaux traduisent bien la nature de cette « reprise ». N’ont été mis en chantier en 2017 que 2,5 millions de m2 de locaux industriels, soit quatre fois moins que les bureaux, surfaces commerciales et entrepôts.  Mais ce sont les investissements immobiliers des ménages qui ont été en 2017 le facteur le plus dynamique de l’économie avec une hausse de 5,4%. Les mises en chantier de logements se sont accrues de 15,7%. Les familles profitent ainsi à plein de la baisse des taux d’intérêt décidée par la Banque Centrale Européenne, que les banques ont fini par répercuter. Les familles ont pu aussi renégocier leurs emprunts passés. Leurs mensualités de remboursement ont été réduites et ils ont même pu procéder à de nouvelles acquisitions.

L’évolution de l’activité industrielle reste décevante car elle est très inégale suivant les secteurs : forte dans le luxe, l’automobile, qui semble avoir stoppé sa politique de délocalisation qui avait fait perdre aux usines française la moitié de leur production en dix ans, et la construction aéronautique, elle est insignifiante dans la filière bois-papier, le textile et la mécanique en général. Cette diversité des performances montre bien que ce n’est pas une cause unique, toujours mise en avant, le coût du travail qui était à l’origine des mauvaises performances passées, mais les nombreuses erreurs stratégiques de certains grands groupes et leur comportement vis-à-vis de leurs fournisseurs, qui ont été la cause maintes fois mise en avant de la baisse de la part de l’industrie dans la production nationale.

Ce rebond modeste de la croissance n’a pas eu tous les effets escomptés sur l’emploi. Le taux de chômage au sens du BIT a légèrement diminué mais le nombre des demandeurs d’emploi reste très élevé et sa baisse récente est encore très inférieure à ce que la France avait connu lors des dernières phases de reprise à la fin des années 90 et au milieu de la décennie suivante. Les effectifs dans l’industrie se sont stabilisés, et ont même dû légèrement augmenter si l’on estime qu’une part des emplois intérimaires lui est affectée. La hausse des effectifs dans la construction (30 000) a été marquée par un recours important aux « travailleurs détachés » et n’a pas assez bénéficié aux demandeurs d’emploi. La principale source de création d’emplois se situe dans les services marchands, ce qui est cohérent avec les comportements d’investissements observés. L’économie française accélère son processus de tertiairisation.   

Enfin la situation des finances publiques ne justifie pas le triomphalisme qui se manifeste parfois. Le déficit de l’Etat et des administrations croit moins vite que l’activité économique, ce qui permet d’afficher une diminution du ratio communiqué à Bruxelles. Mais la nature et le niveau des dépenses publiques restent critiquables. La bureaucratie continue de s’étendre avec la multiplication des bureaux et des agences pendant que l’on restreint les moyens de services publics essentiels comme la santé. La gestion du patrimoine public est loin d’être parfaite. On laisse inoccupés des centaines d’immeubles ou de terrains pendant qu’on continue de construire de nouveaux ministères. On vend des titres de sociétés qui rapportent de solides dividendes pour ralentir l’augmentation de la dette publique au moment où le coût de celle-ci est pratiquement nul. Contrairement aux prédictions alarmistes, les taux d’intérêt à long terme restent inférieurs à 1%, c'est-à-dire à l’augmentation des prix (1,2% en 2017) et cela alors que la BCE a confirmé que sa politique de rachat de titres s’achèverait bien à l’automne. L’écart avec la dette allemande est même à son plus bas depuis 20 ans : 25 points de base. La persistance des déficits publics résulte donc d’une double insuffisance : la création de richesses n’augmente pas assez vite pour générer des recettes et les « réformes » ne s’attaquent pas à la véritable cause des déficits : les coûts de fonctionnement excessifs de l’Etat et des multiples collectivités publiques.  

Les résultats de l’année 2017 et les tendances qui se dégagent pour 2018 qui figurent dans les dernières prévisions de l'INSEE montrent que l’économie française va mieux mais la route est encore longue avant que l’on puisse affirmer qu’elle va bien.