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Le blog d'Alain Boublil

 

L'économie française à l'arrivée d'Emmanuel Macron

La question n’est plus de savoir si Emmanuel Macron est l’héritier de François Hollande et si, dès son arrivée, il doit endosser la responsabilité des éventuelles erreurs commises par le passé. Le débat politique a eu lieu durant la campagne présidentielle et les français ont tranché. Il convient maintenant, à la veille de l’entrée en fonction du nouveau président, d’avoir une analyse précise de la situation de l’économie française  et d’identifier les défis auxquels notre pays est confronté.  

La France sort d’une longue période de quasi-stagnation qui est la cause principale de la montée ininterrompue du chômage depuis dix ans, même si cette tendance a commencé à s’infléchir à partir de l’automne 2016. L’estimation de la croissance au premier trimestre de cette année, n'a été que de 0,3%, inférieure à la moyenne de la zone euro (+0,5%) et à la prévision initiale du gouvernement (+0,4%). Ce chiffre est même moins favorable qu’il n’y parait puisqu’il résulte du gonflement des stocks (+0,6%) qui n’a pas permis de compenser entièrement la contribution négative de notre commerce extérieur (-0,7%). Les entreprises ont certes recommencé à investir (+1,3%) au premier trimestre, mais il n’est pas possible de savoir, à ce stade, s’il s’agit de nouvelles capacités ou de dépenses visant à améliorer l’appareil productif ou encore d’opérations immobilières (+2,5% sur un an). Sur les douze derniers mois, avec 1,1%, nous sommes aussi en retard puisque la zone euro a cru de 1,7%  L’objectif de croissance inscrit dans la loi de finance (1,5%) sera difficile à atteindre.

Les ménages ont continué à épargner, soit en investissant dans leurs livrets ou dans l’assurance-vie, soit en se portant acquéreur d’un logement. Ils profitent de la baisse des taux d’intérêt comme ceux qui ont renégocié leurs emprunts et bénéficié ainsi d’une augmentation non négligeable de leur pouvoir d’achat. La construction de logements neufs constitue aujourd’hui le secteur le plus dynamique de l’économie avec une croissance sur un an de 15,5 % des mises en chantiers, qui s’accélère au premier trimestre (+18,5%) ce qui préfigure pour 2017 et 2018 une activité très soutenue. Mais cela n’aura pas le même impact que par le passé sur l’emploi du fait du recours de plus en plus fréquent aux travailleurs détachés. Cela est aussi vrai pour les investissements des collectivités locales.

A l’inverse, la production industrielle continue de stagner, avec des secteurs très dynamiques qui n’arrivent pas à compenser les reculs d’activité dans l’énergie et le raffinage ou certaines catégories de biens de consommation. On en trouve la traduction dans la brutale dégradation de notre commerce extérieur depuis trois mois. Le déficit cumulé atteint 20 milliards d’euros, soit un montant supérieur à ce que nous observions quand le prix du pétrole, principale source de déficit, était supérieur à 120 $ par baril avec un euro valant 1,40$. Tout l’avantage que la France a tiré de la baisse de ses coûts d’approvisionnements, soit environ 20 milliards d’euros chaque année, a été perdu. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la stratégie économique qui avait été mise en place visait, au travers d’une amélioration des marges des entreprises, à redresser leur compétitivité. La faible croissance comme la dégradation de nos échanges extérieurs, malgré un environnement extérieur favorable doit conduire à s’interroger sur la pertinence de cette politique économique puisqu'elle n’a pas eu de résultats convaincants.  

La France est donc confrontée à plusieurs défis, s’adapter à la mondialisation, réorienter l’Europe et relancer de façon durable son économie. Le premier concerne moins l’Etat que les pratiques des consommateurs et des entreprises. On ne peut pas vouloir profiter de la mondialisation qui a apporté une vaste possibilité de choix et une meilleure qualité des produits et des services grâce à la concurrence sans prendre ses responsabilités en intégrant dans ses décisions d’achat le fait que notre système de protection sociale et nos emplois en dépendent. Jean Claude Juncker se trompe quand il déclare que les français dépensent trop. La vérité, c’est qu’ils achètent trop de produits importés, alors que dans la majorité des cas ils ont le choix, mais qu’ils n’y prêtent pas attention. L’Etat doit utiliser son « soft power » pour expliquer cette nouvelle réalité et donner l’exemple. Il faut enfin accorder à nos expatriés la place qui leur revient dans la communauté nationale et cesser de les assimiler à des exilés, fiscaux ou non. Ils ont eux aussi un rôle à jouer dans le rétablissement de nos équilibres.

Le comportement et parfois la stratégie de nos entreprises doivent évoluer avec plus de solidarité dans les relations clients-fournisseurs et moins d’acquisitions débridées ou de délocalisations qui appauvrissent le territoire national. Nos principaux concurrents en Europe l’ont compris, nous n’avons donc aucune raison de persévérer dans l’erreur. L’idée suivant laquelle il existerait une cause unique à nos difficultés et un remède magique, des transferts financiers, quelque soit leur forme, pour accroître leurs marges, s’est révélée fausse comme l’expérience des cinq dernières années l’a montré. Il faut donc en tirer les conséquences.

Le défi européen ne peut être relevé dans l’immédiat car la France n’est pas seule et il faudra attendre le résultat des élections allemandes, voire italiennes. Mais cela n’empêche pas d’y travailler et de réfléchir à une modernisation des critères de Maastricht qui datent de plus de 20 ans et de rechercher de nouveaux champs de coopération. La responsabilité du chef de l’Etat et de la majorité qui sortira des élections, sera de réconcilier les français avec l’Europe et de pourfendre les idées fausses répandues par les populistes. Le débat de fond qui n’a pu avoir lieu durant les campagnes électorales perturbées par la personnalisation de la vie politique, devra être ouvert et c‘est l’un des défis majeurs face auquel nos dirigeants  devront s’attaquer.

Les chantiers, pour l’Etat, ne sont pas moins décisifs. Celui-ci n’a pas vocation à tout régenter et une vaste campagne de dé-bureaucratisation doit être lancée comme celle qu’initia Pierre Bérégovoy il y a trente ans quand il supprima progressivement le contrôle des prix, l’encadrement du crédit et le contrôle des changes. La fin de l’instabilité fiscale, la simplification des codes, et pas seulement celui du travail, un coup de frein à la production de textes législatifs et réglementaires faciliteront la vie de chacun et allègeront les coûts des entreprises. L’Etat devra aussi assumer ses responsabilités quand par exemple une entreprise doit affronter un passage à vide et que ses actionnaires sont défaillants. Il existe des fonds de « private equity ». L’Etat devrait se doter d’un système analogue de « public equity ». Il a agi chez Alstom, à un moment donné, comme chez Peugeot avec succès. La France n’a aucune raison de renoncer à ce mode d’action d’autant que ses concurrents ne s’en privent pas.

Reste le débat qui va s’ouvrir sur la politique économique et les choix en faveur de l’offre ou de la demande. Ce qui est sûr, c’est que la stratégie du « tout pour l’offre » a échoué. Un nouveau réglage va devoir s’imposer. Le président a montré son goût pour ce sujet en s’entourant d’économistes d’opinions variées. Il dispose de tous les éléments pour agir. C’est à cette condition que l’économie française repartira de façon durable et saura trouver sa place dans le monde nouveau dans lequel nous vivons.