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Le blog d'Alain Boublil

 

2017 : l'année de la Chine ?

Rien ne s’est passé en 2016 comme prévu. L’économie chinoise n’a pas connu de crise majeure. Sa monnaie, le yuan, comme ses marchés financiers, se sont stabilisés après les soubresauts de l’été précédent. La croissance, bien qu’en retrait par rapport aux années passées, est restée forte, autour de 6,5%, ce qui ferait pâlir d’envie la plupart des autres pays émergents, pour ne rien dire des pays développés. La dette intérieure, et notamment celle des entreprises publiques et des autorités locales, a été refinancée sans que cela n’affecte le système bancaire. Les excédents extérieurs et les réserves considérables de la banque centrale chinoise protègent le pays contre les mouvements de défiance qui pourraient venir de l’étranger. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Rien ne s’est passé comme prévu non plus dans le monde développé, sauf peut-être en Europe où l’on ne parvient pas à surmonter les divisions. Contre toute attente, le Royaume-Uni a décidé de sortir de l’Union Européenne, ce qui a provoqué une chute de la livre bien plus forte que ce qui avait affecté la Chine un an plus tôt, et les Etats-Unis ont élu un président non conformiste et imprévisible. L’année 2017, du fait des échéances électorales, n’apportera pas de progrès significatifs dans la résolution de la crise européenne. Les négociations relatives au « Brexit » vont être si longues et complexes qu’il est peu probable qu’on dispose, dès cette année, d’une simple feuille de route précisant la forme que prendront les relations entre les parties prenantes. Quant à la politique américaine, elle sera à l’image du nouveau président. Chercher à la prévoir est inutile. Il est donc probable que le principal facteur de stabilité et de visibilité se situe en Chine, où, lors du prochain congrès du parti communiste, à l'automne, devra être confirmé le mandat donné à son leader actuel, le président Xi Jinping. Il n’est pas d’usage dans le pays qu’on se lance dans des aventures à la veille de telles échéances politiques.

On parle beaucoup, comme réponse aux difficultés chroniques qui affectent certains pays, dont le nôtre, de la nécessité de procéder à des réformes structurelles. Ce sera même l’un des sujets dominants de la prochaine campagne présidentielle. La Chine, depuis quatre ans, a pris de l’avance, dans le scepticisme général, avec des mesures d’une portée sans équivalent dans le monde et dont l’audace n’est pas sans rappeler la politique menée par Deng Xiaoping, au début des années 80, là aussi dans l’indifférence générale. L’objectif n’est ni plus ni moins que de changer le statut de l’économie chinoise, de passer de celui de pays émergent, avec les déséquilibres et les risques qui vont avec, à celui de pays développé, ouvert sur le monde et qui, par sa taille pèsera de plus en plus sur la scène internationale. On aurait tort de sous estimer ses chances de succès et surtout ses conséquences.

La première des réformes, c’est l’ouverture financière de la Chine sur le monde, avec les étapes franchies une à une vers l’internationalisation de sa monnaie, avec la création à Shanghai d’une grande place financière qui se substituera progressivement à Hong Kong et avec la libéralisation, elle aussi progressive des mouvements de capitaux. Les débuts ont été mouvementés, on se souvient des paniques provoquées durant l’été 2015, quand la bourse a chuté, après deux ans de spéculation effrénée. Mais ce n’était pas un cas isolé, souvenons nous de l’éclatement de la bulle internet. Contrairement aux prévisions alarmistes, le yuan ne s’est pas effondré et si sa parité a baissé par rapport au dollar, cela résulte d’un mouvement général d’appréciation de la devise américaine, conséquence de l’anticipation des décisions de politique monétaire à venir aux Etats-Unis. Face à l’euro, la monnaie chinoise a peu varié.   

Le deuxième ensemble de réformes, et elles sont de taille, vise à redéfinir les relations économiques du pays avec l’extérieur et à infléchir son modèle de croissance. L’époque où le pays se contentait d’être l’« usine du monde » et ses entreprises les sous-traitants des grands groupes internationaux, est révolue. Ce modèle a atteint ses limites. La hausse des salaires le rend moins performant et surtout la montée des qualifications et la maîtrise des nouvelles technologies permettent aux entreprises chinoises d’avoir plus d’ambition. La Chine doit  trouver à son tour des fournisseurs, des nouveaux partenaires et des clients. C’est tout l’enjeu du vaste programme de la « Nouvelle route de la soie », lancé il y a deux ans qui consiste à participer industriellement et financièrement à la réalisation d’un gigantesque programme  d’infrastructures terrestres et maritimes dans les pays voisins. Le pays redeviendra l’Empire du milieu et profitera économiquement des retombées. C’est du « keynésianisme extérieur ». Les grandes entreprises chinoises trouveront un relais au ralentissement du marché intérieur. Cette zone de « co-prospérité » que la Chine est en train de constituer, qui inclut la Russie, fait penser, mais à une autre échelle, à la stratégie de l’Allemagne, après la chute du Mur, qui a abouti à faire des ex-satellites politiques de Moscou, ses propres satellites économiques.

Troisième série de réformes, le rééquilibrage économique à l’intérieur du pays. Il est en cours. Il faut trouver de nouveaux moteurs pour la croissance. L’équipement des ménages en produits manufacturés ayant bondi, la classe moyenne, et surtout la jeunesse, ont maintenant d’autres appétits, la santé, les loisirs, les voyages. Des restructurations douloureuses viseront l’industrie lourde qui ne pourra compenser la stagnation, voire la régression de ses débouchés sur son marché par des exportations. L’année 2017, échéances politiques obligent, sera une année de transition mais la détermination du pouvoir politique semble ferme. Elle s’exprime par exemple dans le domaine de l’énergie avec la multiplication des fermetures de mines de charbon, la stagnation programmée de la production et le passage spectaculaire à une autre énergie fossile moins émettrice de CO2 mais aussi de particules, néfastes à l’environnement dans les grandes villes : le gaz naturel. La consommation est passée de 50 milliards de m3 en 2005 à  200 milliards en 2015. On prévoit qu’elle atteindra 300 milliards en 2020. Des  millions de foyers sont raccordés chaque année, ce qui élimine les émanations dues au chauffage au bois. Les centrales au gaz remplacent celles à charbon. L’exploitation du gaz de schiste a commencé et la construction des gazoducs et des réseaux s’accélère. Ce secteur est avec le tourisme, le plus dynamique dans le pays. On aimerait trouver en Europe, où l’on donne  des leçons sur la réduction des émissions polluantes, la même détermination.

Le dernier ensemble de réformes est peut-être celui qui aura le plus de conséquence à long terme : il concerne la société chinoise, avec la fin de la politique de l’enfant unique et la libéralisation des migrations à l’intérieur du pays. La transformation du pays est surtout générationnelle. La jeunesse vit différemment et mieux que ses parents et surtout que ses grands parents, à l’inverse de ce que nous connaissons en France et en Europe. C’est un formidable gage de stabilité car on voit mal les parents se révolter contre leurs enfants.  C’est aussi pour cela que dans un monde très incertain, en 2017, les principales menaces et sources d’inquiétudes ne viendront pas de Chine.