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Le blog d'Alain Boublil

 

Brexit : et après ?

Jeudi prochain, le peuple de Sa Majesté est convié à un référendum sur la sortie ou non du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Le sujet fait la une des journaux, et pas seulement en Angleterre,  les marchés boursiers s’inquiètent jusqu’à Janet Yellen, la présidente de la Réserve Fédérale américaine, qui y voyait hier un facteur de risque au point de différer probablement toute hausse des taux dans son pays cet été, laquelle était pourtant considérée comme acquise il y a trois mois. Le président Obama y est allé de son appel solennel en faveur du maintien dans l’Union mais on a assez peu entendu les dirigeants européens, prudents qu’ils sont de ne pas susciter de réactions négatives.

Les sondages, jusqu’à la semaine dernière, étaient fluctuants, les marges d’erreurs étant supérieures à l’écart mesuré entre les deux camps. Ce n’est plus le cas aujourd’hui où le camp de la sortie de l’Europe semble avoir accru son avance. Ceci étant, lors des dernières élections, les mêmes instituts s’étaient lourdement trompés en prévoyant la défaire des conservateurs. Ils ont obtenu pourtant la majorité absolue. Et les commentaires actuels portent rarement sur le véritable enjeu de ce scrutin. D’abord quelle est la question posée ? Elle n’appelle pas une réponse par oui ou par non mais de choisir entre deux options : « leave » or « remain ». Ensuite, quelle est la portée réelle du résultat ? Bien moins claire que ce qu’on dit généralement puisque le scrutin est purement consultatif. Il n’emporte aucune conséquence juridique immédiate. Lors du référendum de 2005 en France sur le projet de constitution européenne, il s’agissait d’approuver un texte qui entrerait alors en application, ou de le rejeter, auquel cas le traité serait abandonné. Là, rien de tel.  Ce sera au Parlement britannique de tirer les conclusions juridiques d’un scrutin politicien. Si le camp du maintien l’emporte, on en restera au compromis négocié en février par David Cameron avec Bruxelles pour assouplir les contraintes qu’entrainait, pour Londres, son statut de membre de l’Union.

Mais si le camp des « leave » l’emporte, la situation sera bien plus floue. Il a déjà été annoncé une période de deux ans, avec une prolongation possible d’un an, pour négocier les conditions de sortie. Au terme de celle-ci, le Parlement britannique se prononcera. Il peut se passer beaucoup de choses d’ici là, avec en premier lieu la démission de David Cameron, la constitution d’un nouveau gouvernement basé sur une majorité conforme au résultat de la consultation, qui en fait n’est pas un vrai référendum, comme on l’entend en France. Mais c’est là où les choses se corsent car, sauf à s’allier avec l’UKIP, parti populiste de droite, les conservateurs favorables à la sortie n’ont pas de majorité. Il n’est même pas exclus que ce parti éclate. L’hypothèse la plus probable, c’est pourtant que des élections soient convoquées avant le terme du mandat de l’actuelle chambre des Communes et que ce soit ce nouveau gouvernement qui soit en charge de la négociation sur les conditions de sortie.

Dans cette hypothèse, le champ des possibles est aussi étendu que les modalités des relations futures avec l’Union sont diverses. Car l’Union Européenne n’est pas la seule formule qui régit les rapports ente les peuples. Le Royaume-Uni peut d’abord demander à faire partie de l’Espace Economique Européen ou de l’ancienne zone de libre échange, comme la Norvège ou l’Islande. Il y a aussi la conclusion possible d’un traité spécifique, comme avec la Suisse.  Et c’est probablement comme cela se terminera, dans le cas d’un résultat favorable au Brexit. L’Angleterre n’a adhéré ni à l’euro, ni aux accords de Schengen qui sont les dispositions les plus contraignantes, du point de vue de la souveraineté nationale. Sur les règles sociales, et notamment les travailleurs détachés et la libre circulation, le compromis de février 2016, donne des marges supplémentaires au pays. Il est donc hautement probable que les conséquences économiques d’un Brexit soient très limitées, le Royaume Uni maintenant les accords de libre échange, des biens des services et bien sûr des capitaux, ne serait-ce que pour protéger la City. Et on ne voit pas Bruxelles y faire obstacle. Cela n’empêchera pas une chute temporaire mais réelle de la livre. Mais cette devise ne joue aujourd’hui qu’un rôle marginal sur les marchés des changes. Ce ne sera pas une bonne nouvelle pour les retraités anglais qui vivent en France ou en Espagne mais cette baisse permettrait à la France de retrouver sa place de 5ème économie mondiale, qu’elle avait perdue en 2015, précisément parce que l’euro s’était affaibli face au sterling. Reste pour l’Angleterre, le risque de se retrouver confrontée avec une relance des mouvements sécessionnistes en Ecosse et en Irlande du Nord, qui, historiquement ont toujours regardé Londres avec une plus grande méfiance, c'est un euphémisme pour ne pas employer le terme d'hostilité, que Bruxelles. Ces deux composantes du Royaume-Uni pourraient donc trouver là l’occasion de relancer leurs revendications.

Pour l’Europe, le caractère symbolique d’un Brexit est bien plus lourd de conséquences. Ou bien les pays européens, au premier rang desquels l’Allemagne, ne comprennent pas la portée du rejet britannique, et les lendemains seront difficiles, ou, au contraire, les leçons sont tirées de cet accident de parcours, et dans les années qui viennent, le renouvellement des dirigeants  permettra au continent de repartir sur des bases différentes qui tiendront mieux compte des aspirations des peuples. Mais est-ce que cela ne va pas même devenir leur mission première ?