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Le blog d'Alain Boublil

 

0,4%:le taux d'intérêt à 10 ans de la France

L’Agence France Trésor a publié ce jour son indice TEC 10 qui représente le taux d’intérêt à 10 ans servi par l’Etat : il continue de baisser pour atteindre 0,4%. Il n’a été inférieur à ce niveau que quelques jours, entre le 15 et le 23 avril 2015. La France bénéficier donc pleinement de la politique pratiquée par la Banque Centrale Européenne. Cela se traduira cette année par une nouvelle et forte réduction de la charge de la dette de l’Etat. Annoncée en forte hausse, contre toute logique, dans la loi de Finances pour 2016, cette baisse va être de l'ordre d’au moins cinq milliards d’euros. Ce poste représentait 42,1 milliards en 2015 et le gouvernement avait au mois d’octobre, dans le texte soumis au Parlement, affiché un montant prévisionnel de 44,5 milliards. La réalité sera très en deçà, vraisemblablement autour de 40 milliards. C’est d’ailleurs le chiffre qui figure dans le dernier bulletin de l’AFT pour la charge d'intérêt sur les OAT et les BTAN. Le coût de l'indexation des emprunts arrivant à maturité en 2016 sera compensé par les intérêts négatifs perçus sur les Bons du Trésor.

Pourquoi cet écart entre le chiffre voté et la réalité ? Parce que le ministère des finances a voulu se donner, discrètement, une marge de manœuvre si d’autres postes de dépenses dérapaient, année pré-électorale oblige. Il ne s’agit donc pas d’une erreur de prévision sur les taux d’intérêt à long terme puisque leur évolution supposée est sans effet l’année de l’émission. Quant aux emprunts du passé, on sait très exactement ce qu’ils coûtent puisque leurs taux sont fixés une fois pour toute. Si une hausse des taux était intervenue au début de l’année 2016, ce qui par ailleurs était hautement improbable, celle-ci n’aurait eu d’effet sur les intérêts payés par l’Etat qu’un an plus tard, soit à partir de 2017. Quant à imaginer que les taux à court terme ou l'inflation aient pu exploser au point de provoquer une surcharge de 2 milliards par rapport à l’année passée, c’était complètement invraisemblable au vu des prises de position  publiques sans ambigüités de la B.C.E.

La baisse de la charge de la dette pourrait même être bien plus rapide et d’une ampleur plus large si l’Etat abandonnait cette pratique critiquable consistant à émettre des titres à un taux très supérieur au taux du marché et à empocher une prime d’émission équivalent à une compensation des taux élevés qu’il devra régler tout au long de la durée de vie de l’emprunt. Ainsi, par exemple, l’AFT a émis la semaine dernière un emprunt à 30 ans portant un intérêt de 3,25%. Les investisseurs se sont précipités et ont souscrit pour une valeur nominale de 2,9 milliards d’euros. Mais comme le vrai taux du marché était d’environ 1,5%, ils ont accepté de verser plus de 4,1 milliards d’euros, la différence représentant la « prime d’émission », soit 1.2 milliard. Cela correspond au remboursement anticipé des intérêts excessifs qu’ils vont percevoir pendant les 30 années de durée de vie de l’emprunt. En 2015, le montant total des primes d’émission perçues par l’Etat, selon le rapport Dassault, a approché 17 milliards. Cette année ce sera peut-être un peu moins car l’Etat n’a encaissé à ce jour qu’environ 7,5 milliards. La contrepartie, ce seront des intérêts à payer dans l’avenir supérieurs à ce que permettrait la répercussion intégrale et immédiate de la baisse des taux sur les nouvelles émissions.

Les justifications données pour cette politique financière sont peu convaincantes. Il s’agirait d’alimenter le stock de titres émis dans le passé à ces taux élevés pour favoriser leur liquidité. On peut comprendre ce raisonnement pour quelques émissions. Mais à cette échelle, ces pratiques sont excessives. L’autre argument, c’est que ces 17 milliards en 2015 et ces 15 milliards en 2016 vont alimenter la trésorerie de l’Etat et donc réduire sa dette. Mais cela représente moins de 1% de sa dette et, en outre, l’Etat, pour sa trésorerie, se finance à des taux négatifs depuis le début de l’année. Pourquoi ne pas en profiter, au lieu de se priver des recettes correspondantes ? Depuis trois mois, tous les emprunts à court terme ont été émis avec des taux voisins de -0,5% .Enfin, si, au moins, ces rentrées étaient qualifiées, ce qu’elles sont sans aucun doute, de recettes et comptabilisées dans le calcul des déficits publics, cela permettraient, sans hausse d’impôt, de respecter plus facilement les critères européens. Et on pourrait comprendre cette stratégie financière. Mais il n’en est rien alors que les intérêts artificiellement élevés que l’Etat va devoir supporter dans l’avenir, seront, eux, considérés comme des dépenses et inclus dans le solde budgétaire.

Alors on osera ici faire une suggestion : pourquoi, si l'Etat poursuit cette politique, ne pas employer ces fonds considérables, au moins en partie, à financer des d’investissements ou à souscrire à des augmentations de capital d’entreprises publiques ? Il parait que certaines en auraient bien besoin. Et, en outre, comme elles versent des dividendes bien supérieurs aux taux d’intérêt auxquels l’Etat se finance, tout le monde ferait une bonne affaire, l’Etat, d’abord, ces entreprises ensuite et en fin de compte, les contribuables.