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Le blog d'Alain Boublil

 

Donald Trump et Elon Musk : les nouveaux visages de l'Amérique

Il y a seulement trois ans, qui avait entendu parler de Donald Trump et d’Elon Musk ? Ceux qui avaient résidé à New York, dans les années 80, se souvenaient, d’un magnat immobilier qui avait fait faillite, mais qui avait ensuite su se rétablir. Il y avait bien une Trump Tower, sur la 5ème avenue et des échos dans la presse people sur les frasques et les divorces du milliardaire. Mais plus personne ne s’intéressait à lui depuis longtemps Aujourd’hui, il est le candidat républicain pour l’élection présidentielle qui se tiendra dans juste six mois, au grand dam des figures traditionnelles du parti, qui ont même tout fait pour l’écarter. Ses propos ont enflammé l’opinion au point de susciter en France un intérêt, qu’on l’approuve ou qu’on le critique, qu’aucun candidat à une élection américaine, n’avait jamais soulevé.

Elon Musk n’avait pas davantage attiré l’attention. La voiture électrique, dont il était le champion, restait un marché marginal et personne n’aurait osé le comparer aux stars indiscutables de l’industrie américaine, aux « licornes », nouveau terme à la mode, pour désigner les créateurs de Smartphones, de réseaux sociaux ou de systèmes de distribution par internet. On le voit aujourd'hui partout. Il est présent dans l’industrie spatiale et propose des vols vers mars, tout en lançant un projet de transport terrestre quasiment supersonique, auquel on dit même que la SNCF s’intéresserait. Peu importe si son idée de fusée partiellement récupérable tient la route sur le plan économique ou s’il aura des clients pour aller dans l’espace. Et il a lancé une souscription pour réserver sa prochaine voiture, le modèle S, qui a recueilli 400 000 contributions à 1000$ l’unité en un mois. C'est vrai que ces souscripteurs enthousiastes peuvent à tout moment récupérer leur mise, sauf, bien sûr s'il a fait faillite entretemps. Mais personne n'ose l'imaginer.. Il compte, alors que l’usine est toujours en chantier, 50 000 modèles en 2017 et atteindre son objectif de 500 000 en 2018 et même un million en 2020. Pas moins. Là encore, personne ne semble mettre en doute la viabilité du projet. Plus c’est gros, plus çà passe.

Quant à Donald Trump, ses propositions économiques ont certes moins retenu l’attention que ses propos sur l’immigration mexicaine ou les femmes. Mais elles ne sauraient laisser indifférent car personne ne peut être sûr qu’il ne sera pas le prochain président des Etats-Unis. Il est vrai que la constitution américaine lui donnerait, en ce domaine, bien moins de pouvoir qu’en France. C’est le Congrès qui est maître en matière budgétaire et fiscale. Mais ses promesses commencent à inquiéter sérieusement : suppression des droits de succession, réduction jusqu’à 15% du taux d’imposition des sociétés contre 35% aujourd’hui. La hausse des déficits qui s’ensuivrait pourrait ajouter sur les dix prochaines années 10 000 milliards de dette publique aux 19 000 milliards actuels. Mais ce n’est pas un problème, a affirmé le candidat, sur CNBC, «  j’adore la dette », faisant probablement référence à son expérience personnelle. Il avait pu la renégocier avec une forte réduction, ce qui lui avait permis de repartir. Il confond peut-être une affaire privée avec la gestion d’un Etat. Pense-t-il pouvoir faire cela sérieusement pour le compte de son pays ? D’ailleurs, à d’autres journalistes, il a affirmé qu’il ramènerait le budget à l’équilibre et serait capable de rembourser la dette américaine en huit ans ! Comment prendre au sérieux de telles affirmations, donc leur auteur ?

Elon Musk ne fait pas beaucoup mieux. Malgré ses déclarations triomphantes, sa société automobile, Tesla, fondée en 2003, n’a jamais gagné d’argent. Elle a encore perdu 280 millions de dollars au 1er trimestre 2016, soit presque deux fois plus qu’un an plus tôt. Son chiffre d’affaires annuel aussi a été en forte hausse, avec 1,6 milliard de dollars. Son objectif de production pour son nouveau modèle, s’il était atteint, générerait des ventes à hauteur de 14 milliards de dollars en 2018, soit une multiplication par près de dix en trois ans. Inutile d’ajouter que c’est totalement invraisemblable. Mais tout le monde continue de le prendre au sérieux, au même titre que le candidat Trump. Le réveil sera forcément douloureux.

On a coutume de dire que ce qui se passe aux Etats-Unis arrive quelques années plus tard en France.  Il est intéressant d’essayer de comprendre cet engouement pour ces deux hommes qui opèrent l’un dans la sphère politique, l’autre sur les marchés financiers, puisqu’il est acquis que sans ceux-ci, le fondateur de Tesla et de Space X aurait disparu depuis longtemps. Leur point commun, c’est l’audace. Plus c’est énorme, plus cela plait. La crédibilité technique, la rigueur financière ou industrielle sont reléguées, avec eux, au second plan derrière le look ou les gaffes pour le premier et les promesses de rêves pour le second. Et personne n’ose vraiment, sur ce terrain, leur apporter la contradiction. Les analystes financiers et les banques chargées de lever des capitaux pour son compte moyennant rémunération,  ne vont pas tuer la poule aux œufs d’or. Les leçons de la crise des subprimes ont été bien vite oubliées.

Quant à  Bernie Sanders et Hillary Clinton, ils concentrent leurs critiques sur les aspects sociétaux du programme de leur adversaire, certes hautement discutables. Mais la démonstration de l’absurdité de ses déclarations économiques, qui pourrait être faite par des observateurs impartiaux, reste à venir. C’est d’ailleurs ce qui  rapproche Donald Trump de Marine Le Pen. Ils sont les produits d’un système médiatique de plus en plus concurrentiel qui, pour attirer l’audience, privilégie le sensationnel sur le professionnel. Le succès d’audience, donc la position dans les sondages, de la candidate du Front National a la même origine que l’intérêt que suscite Donald Trump aux  Etats-Unis. Personne n’ose vraiment la contredire et dénoncer le caractère ruineux et absurde de son projet d’abandonner l’euro et de sortir de l’Europe. C’est pour cela que l’observation de la campagne présidentielle américaine sera intéressante car elle pourrait nous donner un avant-goût de celle qui se déroulera en France, quelques mois plus tard.