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Le blog d'Alain Boublil

 

845 millions : les primes d'émission encaissées par l'Etat

Le 10 novembre a été bouclée la première émission de dette à long terme du mois. Les investisseurs étaient au rendez-vous et ont largement sursouscrit les offres de l’Agence France-Trésor, avec des niveaux toujours plus bas : 1,18% pour les emprunts à 10 ans, 1,81% et 1,99% pour les taux à 15 et 25 ans. Près de 9 milliards ont donc été levés. Mais l’Etat qui avait, pour correspondre aux attentes du marché, choisi des taux d’intérêt plus élevés que ce que reflétaient les conditions du marché, en a recueilli environ 850 millions de plus grâce aux primes d’émission que les acheteurs ont du consentir. Explication.

Pour souscrire par exemple à l’émission à 25 ans dont l’Etat avait fixé le taux d’intérêt à un niveau artificiellement élevé, 4,5%, les investisseurs ont apporté, par titre, non pas 1000 euros, mais 1460 euros, ce qui a ramené le taux d’intérêt réel à 1,99%. L’Etat, dans cette seule opération (il y en a eu ce jour-là deux autres) a donc encaissé une prime d’émission d’environ 320 millions qui correspond à une sorte d’avance sur les coupons qu’il devra verser durant toute la durée du prêt. Depuis le début du mois de septembre, il a ainsi recueilli près de 3 milliards d’euros. Comment cette somme doit-elle être comptabilisée, sachant que la pratique des primes d’émission a toujours existé, mais qu’elle n’a jamais porté sur des sommes aussi élevées, et donc que la question n’a jamais été véritablement débattue ?

Trois options sont possibles. On peut d’abord l’affecter au poste de dépenses « charges de la dette ». Cela améliore tout de suite le solde budgétaire, quitte, à ce que le coût de la dette baisse moins vite dans l’avenir, conformément au choix de France-Trésor, probablement dicté par sa perception de la demande des investisseurs qui disposent de liquidités très abondantes. Mais ce n’est pas la solution retenue, on l’a vu avec la publication des données du mois de septembre : la charge a baissé, conformément à nos analyses précédentes mais pas dans les proportions qu’auraient permises l’affectation des primes d’émission.La seconde option consisterait à comptabiliser les primes en recettes, au même titre que les cessions de participations publiques. Ce n’est pas non plus le cas, comme en témoignent les données publiées depuis le début de l’année. Cette deuxième option aurait, comme la première, pour effet de réduire le solde budgétaire de manière  significative.

Dans le débat qui oppose Paris à Bruxelles, et qui affecte la crédibilité internationale de la France et l’image de l’Europe auprès des français, cette rentrée supplémentaire et substantielle, qui permet de traduire dès cette année les effets positifs de la baisse des taux d’intérêt sur le budget de l’Etat, serait la bienvenue. Pourquoi attendre l’année prochaine, quand seront payés les premiers coupons d’OAT, pour voir apparaître cette baisse de la charge ? Surtout que la baisse effective sera moins importante du fait de la pratique des émissions comportant une forte prime. En 2015, l’Etat paiera bien un coupon de 4,5% sur l’emprunt émis en novembre 2014. Or nulle part, dans ses comptes, en recettes comme en dépenses, n’aura apparu l’impact de la baisse des taux observée au moment de l’émission. La pratique des primes comme leur traitement en comptabilité budgétaire aura abouti à ce que cette recette ou cette baisse de charge soit confisquée car il semble bien que c’est une troisième option que a été retenue : imputer le produit des primes directement sur le montant total de la dette pour freiner la progression de celle-ci.

La dette négociable de l’Etat était de 1532 milliards à la fin du mois de septembre. Autant dire que ces trois milliards en plus ou en moins sont insignifiants au regard du critère d’endettement public global. Le choix retenu de ne pas imputer les primes d’émission sur les comptes publics de l’exercice prive donc la France d’une bonne part des effets positifs de la baisse des taux d’intérêt sur son équilibre budgétaire, ce qui conduit notre pays et son gouvernement à adopter des politiques plus restrictives encore, avec tous ses effets négatifs sur la croissance et l’emploi et à les placer en position difficile face à la Commission et à ses partenaires européens. Le moment n’est-il pas venu de mettre un terme à cette anomalie comptable ?