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Le blog d'Alain Boublil

 

1,7 milliard: baisse de la charge de la dette de l'Etat depuis le début de l'année

Ce chiffre va être certainement moins commenté que le dérapage budgétaire qui apparait dans la dernière publication sur la situation mensuelle du budget de l'Etat. Il sera facile d'expliquer, sinon de convaincre, que le solde à fin juillet résulte d'éléments "calendaires et exceptionnels". Mais la baisse de la charge de la dette, conforme aux analyses formulées ici même depuis quatre mois ( "charge de la dette: la nouvelle cagnotte") est un phénomène bien plus significatif. Dans la loi de finances initiale, basée sur des prévisions d'inflation et d'évolution des taux d'intérêt qui sont été  grossièrement démenties par les faits, le gouvernement avait inscrit dans son budget une augmentation de la charge de la dette de l'Etat de 1,7 milliard. Commençant à prendre conscience de son erreur, dans la loi de finances rectificative, il a corrigé sa prévision en annulant cette hausse des charges publiques, ce qui lui a permis de compenser une partie de la baisse des recettes qu'il s'attendait à devoir supporter cette année.

Ce que montre la publication des comptes publics du mois de juillet, c'est qu'il n'est pas allé assez loin. Pour juger de l'importance de l'enjeu, il faut intégrer le fait que le mois de juillet est avec avril et surtout octobre, l'une des plus grosses échéances du Trésor public. En juillet 2013, elle a représenté 8,2 milliards. En juillet 2014, ce chiffre a été ramené à 6 milliards, soit une économie, consécutive à la très forte baisse des taux d'intérêt de 2 milliards. Pour mesurer tout l'enjeu attaché à ces chiffres, il suffit d'observer que durant ce mois, l'Etat a remboursé à ses créanciers un ensemble d'emprunts rerpésentant 25,6 milliards leur ayant rapporté chaque année 3%, soit une charge pour les finances publiques de 750 millions chaque année. Pour rembourser, l'Etat a émis d'autres emprunts, à due concurrence, mais sur des échéances plus longues, qui lui coûteront en moyenne 1%, soit une économie de 500 millions chaque année tout au long de la durée de ces emprunts, soit sept ans en moyenne. Et ce mouvement va s'amplifier le mois prochain car octobre est dans l'année le mois le plus chargé en paiements d'intérêt.

On le voit donc, la baisse des taux d'intérêt, consécutive à l'action de la BCE, et qui sera durable grâce aux  décisions annoncées au début de ce mois et qui se situent dans la ligne des déclarations de Mario Draghi à Jackson Hole, a des conséquences puissantes et directes sur les déficits publics, ce qui n'était pas son objectif initial mais qui peut finalement se révéler utile pour soutenir la croissance dans la zone euro. Ce "canal de transmission", suivant les termes du président de la BCE, auquel personne jusqu'à présent n'avait songé, découle du comportement des banques qui, utilisent les liquidités à bas prix dont elles disposent, non en les prêtant aux agents économiques, comme cela devrait être la règle, mais en achetant de la dette des Etats de la zone euro. Tous les pays, et notamment ceux qui avaient été en première ligne dans la crise de l'euro, l'Italie et l'Espagne en tête, profitent de cette baisse sans précédent. La question qui est aujourd'hui posée est donc bien de savoir comment les Etats vont utiliser cette "cagnotte" tombée du ciel, laquelle, du fait de la durée des emprunts ne va pas se tarir l'an prochain mais au contraire s'amplifier tant que Francfort maintiendra une politique monétaire aussi "accomodante", pour reprendre l'expression consacrée.

La France est donc confrontée à un dilemne : que faire de ces "économies imprévues"? Pour l'année 2014, elles s'éleveront à au moins six milliards par rapport à la loi de finances initiale et à quatre par rapport à la loi rectificative votée en juillet. Une nouvelle réduction analogue est prévisible pour le budget 2015. Jusqu'à présent, l'Etat s'est bien gardé d'en faire état, de peur que la pression politique remette en cause les "économies volontaires" décidées depuis le début de l'année. A cet égard, le creusement du déficit en juillet, bien que lié à des "effets calendaires" et des dépenses exceptionnelles, ne lui facilite pas la tâche. Si l'impôt sur le revenu qui continue de frapper lourdement les ménages rentre bien (+10%), l'effondrement du produit de l'impôt sur les sociétés consécutif à l'introduction du CICE et au maintien en l'état du crédit-impôt-recherche, s'amplifie : -42% à fin juillet contre -27% à fin juin. Le moins que l'on puisse dire est que cela n'a  contribué pour l'instant, ni à l'amélioration de l'emploi, ni à la compétitivité. Les chiffres de nos exportations publiés le même jour montrent que le niveau de celles-ci est, sur les six derniers mois, inférieur à celui atteint lors du dernier semestre 2012. A l'inverse, la forte augmentation des recettes de TVA en juillet (+9,4%) augure peut-être d'une évolution dans le comportement des ménages. C'est donc bien le "réglage" entre soutien de l'offre et pression sur la demande qui est en cause. La nouvelle cagnotte offre au gouvernement les moyens de l'améliorer. Reste à convaincre Bruxelles de se montrer cohérent avec l'action de la BCE et de ne pas se polariser sur les chiffres après la virgule...