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Le blog d'Alain Boublil

 

L'économie américaine sous Donald Trump

La dernière estimation de la croissance américaine pour le deuxième trimestre 2018 vient d’être rendue publique : 4,2%. Il s’agit d’un taux annualisé. En Europe nous comptons par trimestre ce qui donne l’illusion que nos chiffres sont bien plus faibles qu’ils ne le sont en réalité. En appliquant la même méthode, le chiffre américain est ramené à environ 1%. Par rapport aux 0,2% en France pour chacun des deux premiers trimestres de cette année, la performance est  enviable. Sur les douze derniers mois, la croissance américaine est voisine de 3%, soit deux fois plus que dans la zone euro et rien ne permet de penser que cet écart de croissance entre les deux continents va se combler dans les mois qui viennent.

 Le taux de chômage est redescendu depuis l’été en dessous de 4%. Il est inférieur au niveau atteint avant la crise (5%). La baisse a été continue à partir de 2010 et s’est légèrement accéléré après l’élection de Donald Trump. Mais cette performance doit être relativisée car de nombreux américains écartés du marché du travail lors de la récession ont été découragés et n’ont pas cherché à retrouver un emploi. Le taux d’activité qui mesure le rapport entre la population en âge de travailler et celle qui est employée a baissé. De 65,7% au début de l’année 2008, il est tombé aujourd’hui à 62,7%. Il reste donc du chemin à parcourir mais ces performances sont là aussi bien meilleures qu’en Europe où le taux de chômage est en moyenne est deux fois supérieur.  

L’accélération de la croissance ne s’est donc pas traduite par des tensions sur les salaires et des pressions inflationnistes. La hausse des prix se situe, comme en Europe, autour de 2% et la Réserve Fédérale ne relève que très progressivement ses taux d’intérêt, lesquels, en termes réels restent voisins de zéro. Ils favorisent l’investissement et la croissance car la courbe est  assez plate avec environ 1% d’écart entre le taux au jour le jour et les taux à dix ans et plus. Les entreprises et surtout les ménages, parmi lesquels les étudiants occupent une position centrale comme emprunteurs avec une dette de plus de 1600 milliards de dollars, en profitent.

La stratégie économique de l’administration Trump repose sur une forte  baisse des impôts sur les entreprises et sur l’augmentation du déficit budgétaire, passé en 2017 de 666 milliards de dollars, soit 3,4% du PIB, en hausse de 80 milliards sur l’année précédente, à environ 800 milliards suivant les dernières estimations pour l’année fiscale 2018 qui s’est achevée le 30 septembre. Le Congressional Budget Office, un organisme indépendant et non partisan, prévoit un déficit pour 2019 proche de1000 milliards. Le président des Etats-Unis considère  que la croissance générée par cet environnement favorable aux entreprises entrainera de nouvelles recettes fiscales qui viendront combler ces déficits à l’avenir. Cela reste à prouver.

La situation du commerce extérieure est tout aussi déséquilibrée. Le déficit commercial s’accroit presque au même rythme que le déficit budgétaire. Il a atteint 800 milliards de dollars en 2017 et il dépassera, avec 850 milliards en 2018, le record atteint en 2007 et 2008, à la veille de la crise. C’est probablement ce qui a convaincu Donald Trump de se lancer dans une critique virulente du libre-échange et d’entamer une véritable guerre commerciale avec ses voisins d’abord, qui se vient de se terminer par un armistice, avec l’Europe et surtout avec la Chine. Mais il apparaîtra rapidement que les Etats-Unis ont plus à perdre qu’à gagner puisque les droits de douane qui auront été instaurés seront finalement payés par les consommateurs américains.

Donald Trump est confronté au même dilemme à propos du prix du pétrole. Le pétrole cher a toujours été dans l’intérêt des Etats-Unis, et c’est encore plus vrai avec la révolution du gaz et du pétrole de schiste. Le pays a retrouvé sa place parmi les grands producteurs parce que la hausse des cours à permis aux entreprises américaines d’investir à nouveau. Mais cela s’est  répercuté sur les consommateurs avec bien plus de violence qu’en France par exemple où le poids des taxes est déterminant et cela a aggravé le déficit commercial puisque le pays reste massivement importateur. Donald Trump a donc demandé à l’OPEP, et implicitement à la Russie, d’augmenter leur production pour limiter la hausse des prix. Or la diplomatie américaine avec les sanctions à l’égard de l’Iran et de la Russie a joué un rôle essentiel dans la reprise des cours du brut.

Enfin Wall Street a atteint des records après un cycle de hausse de dix ans, ce qui est sans précédent. Il n’en fallait pas plus pour que malgré toutes les critiques faites au président américain sur sa manière de gouverner et sur sa foi isolationniste commencent à s’effacer devant de tels résultats. Et si cette voie était la bonne, et si c’était le modèle à suivre, malgré les risques qu’il fait courir à l’économie mondiale ? Les observateurs ont pourtant la mémoire courte. En 2007, à la veille de la grande crise financière qui prit sa source aux Etats-Unis, l’admiration était tout aussi unanime devant les performances de l’économie américaine, croissance élevée, chômage faible et marchés financiers euphoriques. Le parallèle est tentant. Aujourd’hui, l’Amérique s’enrichit mais la richesse créée n’a jamais été aussi inégalement partagée. C’est un signe toujours inquiétant. Le chômage est au plus bas mais l’indicateur ne reflète qu’imparfaitement la situation de l’emploi.

La valorisation des entreprises américaines est bien supérieure à celle de leurs homologues européens. Mais c’est une des conséquences de la politique fiscale de Donald Trump. En encourageant celles-ci à rapatrier les bénéfices réalisés à l’étranger et logés dans des paradis fiscaux, elles ont eu à leur disposition des liquidités considérables. Elles en ont employé une bonne partie à distribuer des dividendes élevés ou à racheter sur le marché leurs propres actions. Cela pourrait représenter plus de 800 milliards de dollars en 2018 et cela a poussé Wall Street à la hausse. La capitalisation de plusieurs d’entre elles dépasse 1000 milliards de dollars ce qui, en cas de retournement, provoquerait des pertes considérables. Les sommes en jeu sont telles qu’une chute des cours aurait un caractère systémique.

L’autre risque porte sur le dollar lui-même. La prospérité américaine est artificielle puisque ses déficits considérables sont financés par l’étranger : la Chine et le Japon, d’abord, ce qui n’est pas le moindre paradoxe vu le climat de guerre commerciale qui règne avec ces pays. La crise qui frappe certains pays émergents y a aussi contribué. Elle a incité leurs ressortissants à placer leurs économies en dollar, parce qu’ils n’avaient pas d’alternative. L’euro n’a pu jouer ce rôle du fait des divisions continuelles qui affectent l’Europe. Mais ces situations sont forcément transitoires et la Chine, par exemple, est déterminée à acquérir sa souveraineté financière internationale grâce à sa propre monnaie.

La prospérité américaine est, comme en 2007, illusoire et précaire. Il est paradoxal de proclamer « l’Amérique d’abord » et de faire reposer l’économie sur les capitaux étrangers. Il est vain de croire que c’est en affrontant ses partenaires commerciaux qu’on sortira vainqueur. A ce jeu, ce sont toujours les pays en excédent qui finissent par gagner. Plus tôt les Etats-Unis infléchiront leur politique actuelle dans un sens plus coopératif, plus vite les risques d’une nouvelle crise financière s’éloigneront. Le président américain ne pourra pas dire indéfiniment que l’Amérique c’est son pays mais que c’est notre problème.         

 

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