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Le blog d'Alain Boublil

 

Croissance française:la grande déception

La publication par l’INSEE de sa première estimation de de la croissance de l’économie française au deuxième trimestre, 0,2%, a été mal accueillie sauf par le gouvernement qui persiste à penser, contre l’évidence, que sa politique est appropriée. Ce chiffre fait suite à une augmentation de la production également de 0,2% pour le premier trimestre. Un sérieux doute pèse ainsi sur la validité des prévisions des différentes institutions comme la Banque de France ou le FMI pour l’année entière, autour de 1,8%, et de la plupart des organismes de recherche, sans parler de celle du ministère de l’Economie qui se situe au-dessus de 2%. Bercy a d’ailleurs dû reconnaître que ses prévisions seront révisées, à la baisse bien sûr, lors de la présentation du prochain projet de loi de Finances.

La première constatation est d’ordre sémantique. Le vocabulaire employé, la croissance, est-il vraiment adapté à un chiffre aussi faible, quand on sait que les marges d’erreur pour la comptabilité nationale sont au moins de 0,1 ou 0,2%. La vérité, c’est que depuis le début de l’année l’économie française a stagné. Refuser de l’admettre, prétendre que de tels chiffres traduisent une augmentation réelle de la production est abusif et induit en erreur l’opinion qui retient le « 2 » et non pas le « 0 » qui est devant. Cette présentation n’aide pas non plus les décideurs à prendre conscience des problèmes auxquels l’économie française est confrontée et à rechercher les solutions adaptées.

L’examen détaillé des chiffres de l’INSEE renforce encore le diagnostic sévère qu’il convient de porter sur la stratégie du gouvernement, laquelle ne dévie pas significativement de celle poursuivie par ses prédécesseurs depuis 2013. Le principal facteur qui a pesé sur la croissance au deuxième comme au premier trimestre est l’inquiétude, pour ne pas dire la perte des confiances des ménages face à leur avenir. La consommation a stagné et les mises en chantier de logement, après la hausse continue intervenue depuis trois ans grâce à la forte baisse des taux d’intérêt, ont commencé à reculer. Il faut y voir là un double phénomène : le pouvoir d’achat a été menacé par les différentes mesures fiscales adoptées relatives à la CSG et à la taxation de la consommation d’énergies fossiles (gaz naturel, essence et diesel). La compensation partielle annoncée avec la suppression échelonnée dans le temps de la taxe d’habitation, n’a pas été suffisante pour préserver la confiance et l’optimisme qui étaient momentanément apparus en 2017.

La stigmatisation systématique des salariés, les réformes successives du droit du travail comme celles qui sont annoncées et qui ont pour objet de restreindre leurs droits ou leurs avantages n’a évidemment pas incité ceux-ci à avoir un regard positif sur l’avenir. Les mesures fiscales, justifiées ou non, en faveur des revenus financiers avec la « flat tax » et la réduction de l’assiette de l’impôt sur la fortune a au contraire conforté les classes moyennes dans leur idée que leur sort ne constituait pas une priorité pour le gouvernement. Les chiffres qui viennent d’être publiés par Bercy sur les recettes fiscales du premier semestre à périmètre constant sont éloquents : le produit de l’impôt sur le revenu est en hausse de 3,3%, celui de la TVA de 4% et la taxe sur les produits énergétiques a rapporté 16,7% de plus alors que l’impôt sur les sociétés a baissé de 8,4%.  

La modeste amélioration de l’emploi observée en 2017 a donc été stoppée. Or la baisse du chômage est un facteur-clé de soutien de la croissance. Elle contribue à rassurer les  ménages qui, de ce fait, craignent moins pour leur avenir et consomment ou investissent davantage comme les entreprises qui retrouvent des clients et sont donc incitées à embaucher. C’est le fameux cercle vertueux de la croissance et de l’emploi. A sa place, la France risque de se trouver confrontée au cercle vicieux du chômage persistant et de la stagnation.

Le deuxième chiffre inquiétant dans les estimations publiées par l’INSEE concerne la variation des stocks. C’est leur forte augmentation qui a sauvé l’économie française d’une croissance nulle voire négative. Mais le phénomène ne se reproduira pas le trimestre suivant. Ce qui a été produit sera alors vendu mais on ne voit pas pourquoi les entreprises continueraient à les accroître, surtout dans un climat moins favorable et il est probable qu’au contraire, elles les réduiront, ce qui aura l’effet inverse à celui observé au 2ème trimestre, et pèsera sur les résultats à venir.

Le troisième chiffre qui devrait préoccuper le gouvernement concerne la contribution du commerce extérieur à la croissance : celle-ci est négative à hauteur de 0,3% du PNB. Le déficit commercial s’accroit encore. La reprise des cours du pétrole n’explique que très partiellement cette aggravation. Sa cause principale, c’est la dégradation des échanges de biens hors énergie. Or le rétablissement de la compétitivité des entreprises était l’objectif numéro 1 de la politique suivie depuis 2013 et confirmée en 2017. Il est clair que cette politique n’a pas abouti aux résultats escomptés. Le rétablissement des marges a surtout profité aux actionnaires et aux dirigeants des grands groupes et a permis au tissu des PME de se désendetter. Mais le contexte de stagnation économique en France ne les a pas incitées à investir dans leur outil productif pour regagner des parts de marché, sur le marché national comme hors de nos frontières et ainsi soutenir la croissance comme cela était attendu.

Le léger regain d’inflation a eu un effet positif pour l’Etat. Il a facilité le respect des critères de Maastricht. Les recettes sont gonflées comme la valeur du PNB qui figure au dénominateur. Les ratios concernant le déficit et l’endettement publics baissent mécaniquement. C’est ce qui s’est produit en 2017 mais cela jouera moins en 2018 et entrainera une légère dégradation qui sera sensible vis-à-vis de nos partenaires européens. L’autre conséquence, bien plus grave, c’est que pour la première fois depuis longtemps, l’épargne des ménages est affectée, notamment les fonds déposés sur les livrets A dont la rémunération est inférieure à la hausse des prix. Cela aussi ne favorisera pas le retour de la confiance.

Le niveau des taux d’intérêt restera, contrairement aux prévisions faites par Bercy en début d’année très bas. Cela maintiendra un contexte favorable pour les ménages qui désirent accéder à la propriété et pour les entreprises qui réduiront leurs charges financières. Il faut espérer qu’elles n’en profiteront pas pour se lancer à nouveau dans des acquisitions coûteuses à l’étranger financées par emprunt. L’Etat en bénéficiera également, à condition qu’il ne retombe pas dans les errements passés consistant à emprunter à des taux supérieurs au marché et à encaisser des primes d’émission comme cela vient juste de se produire. Profitant peut-être de la canicule, l’Agence France Trésor a placé sur le marché des obligations à 10 ans au taux de 5,5%. Elle a perçu une prime d’environ 1,5 milliard d’euros qui aura comme contrepartie de renchérir pendant la durée de vie de l’emprunt le service de la dette publique de 150 millions d’euros chaque année.

Le résultat décevant de la croissance au deuxième trimestre a été attribué par certains commentateurs aux conflits sociaux, ce qui n’a bien sûr convaincu personne. Mais cette démarche est révélatrice. La politique suivie n’est pas la bonne. Mais imputer son échec à ceux qui en sont les victimes aggrave encore la situation. C’est la double peine.   

 

    

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