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Le blog d'Alain Boublil

 

Vers une dévaluation du Yuan ?

La monnaie chinoise vient en moins d’un mois de perdre presque 4% de sa valeur contre le dollar et contre l’euro. Dans le contexte de vive tension entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux au premier rang desquels figure la Chine, il n’en fallait pas plus pour en conclure que pour répliquer à la politique protectionniste du président américain, une guerre des monnaies allait s’ajouter à la guerre commerciale qui menace. Le nouveau gouverneur de la Banque centrale chinoise, Yi Gang, qui a succédé au mois de mars à Zhou Xiaochuan, qui avait dirigé l’institution pendant 18 ans et qui avait été l’architecte de l’internationalisation du Yuan, est immédiatement intervenu pour indiquer que la monnaie chinoise restait une devise « fondamentalement stable à un niveau raisonnable et équilibré ».

On verra s’il a convaincu les marchés dans les jours prochains. Les autorités chinoises attribuent ce regain de tension à un phénomène cyclique qui affecte à la hausse le dollar et à la baisse les devises des pays émergents. Mais le recul du yuan a été de même ampleur vis-à-vis de l’euro qui ne bénéficie pas du même contexte. La croissance s’essouffle en Europe et les tensions entre les différents gouvernements s’amplifient. La BCE a donc confirmé lors de sa réunion du mois de juin qu’elle poursuivrait au moins jusqu’à la fin de l’année sa politique accommodante. Les taux d’intérêt à 10 ans restent à un niveau extrêmement bas en Allemagne (0,30%) et en France (0,60%) alors qu’à la différence des années passées, l’inflation n’est plus nulle mais approche les 2%, largement du fait de la hausse des prix de l’énergie.

Ces dernières années, la devise chinoise a été bien moins stable que ne le prétendent les autorités. Face au dollar, entre juin 2015 et 2017, elle a connu une phase de dépréciation passant de 6,20 à 6,75 puis a regagné en un an sa valeur pour retrouver le niveau de 6,25 au début de l’année 2018. Mais en quelques jours elle est retombée autour de 6,65. Les fluctuations, face à l’euro ont été un peu plus marquées et le cours atteint cette semaine (7,75) replace la devise chinoise un an en arrière mais dans un contexte de volatilité accrue.

Ces évolutions traduisent-elles une nouvelle stratégie monétaire de la Chine destinée à répliquer à la guerre commerciale initiée par Washington ou sont-elles plutôt le révélateur de difficultés internes que connaitrait l’économie chinoise ? En 2018, la croissance parait solide. Le pays s’est fixé comme objectif une augmentation du PIB comprise entre 6% et 6,5%. Au premier trimestre cet objectif a été dépassé avec un taux de 6,8%. Une vague de froid exceptionnelle a entrainé une forte hausse de la production d’électricité (+10%) mais la contribution du commerce extérieur a été moins favorable que par le passé. Les importations (+11,7%) ont cru plus vite que les exportations (+7,4%) et le solde des paiements courants n’a été que légèrement positif (1% du PIB) malgré un très fort excédent commercial. L’économie chinoise est bien, conformément aux choix des autorités, en plein rééquilibrage avec une forte hausse de la consommation des ménages. Les dépenses des touristes chinois à l’étranger  croissent aussi très vite. L'appareil de production se transforme. L’inflation (+2 %) reste modérée et les déséquilibres financiers à l’intérieur du pays ne s’accroissent plus. Les ménages commencent à se désendetter et les entreprises publiques améliorent leur situation financière ce qui réduit les risques.

Il n’y a donc pas de logique dictée par des considérations internes à une dépréciation du Yuan. Est-ce que cela serait alors une bonne manière de répliquer aux taxes américaines ? Rien n’est moins sûr. Les premières victimes de ces nouveaux droits de douane seront les consommateurs et les entreprises américaines. Ce sont ces dernières, du fait de leur stratégie de délocalisation, qui ont contribué à l’apparition de ce déficit commercial considérable, dépassant 350 milliards de dollars en 2017 et qui révolte tant le président américain. C’est aussi la grande distribution, Walmart en tête, qui a fait le choix de s’approvisionner en Chine. Pékin devrait donc attendre que le mécontentement qui naîtra forcément du relèvement de ces taxes soit suffisamment fort aux Etats-Unis pour que l’administration américaine accepte d’ouvrir une discussion qui lui permettra de revenir en arrière sans perdre la face.

Lancer une politique de change agressive affecterait aussi la stratégie longuement mise en place d’internationalisation de sa monnaie et d’admission parmi les grandes devises mondiales. Or, en Chine, le long terme a toujours eu la priorité face au court terme. Il est fort vraisemblable que Pékin ne remettra pas en cause les progrès accomplis dans le passé qui ont permis au Yuan notamment d’entrer dans le panier des monnaies de réserve. La politique monétaire actuelle, lentement mais sûrement, favorise la libéralisation des transactions avec l’étranger et la réduction récente de la liste des investissements étrangers soumis à des restrictions va dans cette direction, comme l’a été dans le passé l’élargissement des marges de fluctuation du Yuan. L’ouverture des marchés financiers chinois aux investisseurs étrangers reste une priorité. A la fin du mois de mars le montant des obligations libellées en Yuan détenues par des étrangers a atteint 200 milliards de dollars, en hausse de 60% en un an. Une politique agressive de dévaluation remettrait en cause l’attrait de ce marché comme celui des actions au moment où les titres, cotés sur le marché intérieur, viennent d’être admis à entrer dans la composition des grands indices boursiers internationaux.

Le principal signal émis par Pékin ne concerne pas la valeur de sa monnaie mais la gestion de ses réserves de changes, qui dépassent 3000 milliards de dollars. Depuis des années, la Chine est, avec le Japon l’un des principaux prêteurs des Etats-Unis qui émettent des bons du Trésor pour financer leur double déficit, budgétaire et commercial. La banque centrale chinoise en détient pour plus de 1000 milliards de dollars. Depuis quelques semaines, ce stock se réduit lentement mais sûrement. Washington pourrait rencontrer bientôt des difficultés à se financer à un moment où son déficit va s’accroître fortement du fait des mesures fiscales décidées par Donald Trump. Pékin n’a aucun intérêt à brusquer les choses puisque tout créancier dépend de son débiteur pour conserver la valeur de ses créances. Mais il y a là un signal bien plus subtil et puissant.     C’est sur ce terrain, et sans aucun effet d’annonce, qu’une discussion pourrait s’engager pour apaiser les tensions.        

Au total, Pékin et Washington ont tout intérêt à s’entendre. Les bourses de Hong Kong et de Shanghai ont baissé de plus de 15% depuis le début de l’année du fait des risques encourus en cas de véritable guerre commerciale. De son côté Donald Trump est inquiet des conséquences sur le pouvoir d’achat des Américains de la remontée des cours du pétrole, alors qu’un pétrole cher a toujours été recherché par les producteurs américains et c’est encore plus vrai depuis la mise en exploitation du pétrole de schiste. Cette inquiétude s’accroîtra quand apparaîtront les conséquences d’une hausse des tarifs douaniers sur le niveau de vie des américains.  

Bien plus que la manipulation des taux de changes ou une possible mais peu probable dévaluation du Yuan, ce sont les conséquences des projets de Donald Trump sur la vie quotidienne de sa population qui devraient ramener le président américain à la raison, calmer les marchés financiers et permettre le retour à des conditions saines dans les échanges commerciaux.

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