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Le blog d'Alain Boublil

 

Voiture électrique : le mirage

L’annonce par la Chine d’objectifs ambitieux de ventes de véhicules hybrides ou électriques pour 2019 fait suite aux multiples déclarations intervenues à l’occasion du salon automobile de Francfort par les constructeurs allemands soucieux de se refaire une bonne réputation après le scandale des moteurs diesel truqués. A Pékin, on affirme la volonté de réduire à la fois les émissions de CO2 et les rejets de particules fines qui, au niveau local, présentent une menace grave pour la santé. En 2019, 10% des ventes d’automobiles devront avoir une motorisation électrique ou hybride. A défaut, les constructeurs devront payer une pénalité ou acheter à leurs concurrents les crédits que ceux-ci n’auront pas utilisés, un peu comme ce qui a été instauré en France avec les quotas d’émission de CO2 dans l’industrie. La proportion pourrait passer à 12% en 2020 mais le gouvernement se réserve le droit d’étaler dans le temps ces objectifs ambitieux s’ils pénalisent trop les constructeurs nationaux. Les annonces de Volvo suivant lesquelles dès cette date, tous leurs modèles proposés à la vente auront une motorisation électrique ne sont donc pas surprenantes puisque le groupe est la propriété du constructeur chinois Geely. L’Europe s’est aussi fixé des objectifs pour 2021 mais selon une méthode différente : le critère choisi est la moyenne des émissions de CO2 sur une année des véhicules vendus par un groupe automobile. Cela permet aussi de procéder à des compensations entre marques. On tient compte enfin du poids moyen des véhicules du groupe, ce qui avantage l’industrie allemande. Il n’est pas fait référence directement à la proportion de véhicules hybrides ou électriques qui contribuent à faire baisser la moyenne.

Mais cela n’a pas empêché les annonces spectaculaires des dirigeants politiques, en France ou au Royaume-Uni, sur le bannissement à long terme des motorisations utilisant les énergies fossiles et l’engagement des constructeurs à proposer des modèles électriques. Au salon de Francfort, ceux qui étaient présentés à grand renfort de publicité n’étaient en réalité pour la plupart que des prototypes loin d’être encore au point pour être offerts à la vente. C’était nécessaire pour faire oublier les scandales. En France, après les déclarations enflammées du patron de Renault, Carlos Ghosn, le nouveau patron de Nissan au Japon a clairement indiqué que pendant longtemps le véhicule électrique n’occuperait qu’une place marginale. Ils ne représentent que 2% des ventes de la marque, malgré les subventions massives accordées dans de nombreux pays.

Le projet chinois est plus crédible car la possession d’une automobile est un phénomène récent. En quelques années, les immatriculations ont dépassé 20 millions ce qui fait du pays  de très loin le premier marché mondial mais le taux de pénétration chez les ménages, inférieur à 20%, est encore très faible. Les Chinois ne se déplacent pas en voiture pour les longs trajets, par exemple pour les vacances. Ils prennent le train et ceux qui en ont les moyens l’avion. Ils utilisent surtout leurs véhicules sur de courtes distances, notamment pour se rendre au travail, ce qui provoque des embouteillages monstres dans les grandes villes sous-équipées en transports en commun comme Pékin ou les métropoles du Sichuan. La pollution, qui s’ajoute aux émissions des centrales à charbon, y rend l’air irrespirable à de nombreuses périodes de l’année et devient un problème politique majeur. Pour toutes ces raisons, habitudes d’utilisation différentes, faible pénétration, pollutions locales massives, le pari de la voiture électrique peut être au moins en partie gagné.

La situation est très différente aux Etats-Unis, où, si l’on excepte la Californie et si l’on met à part Tesla, qui est un constructeur marginal et lourdement déficitaire, aucune politique volontariste n’a été engagée et en Europe où le sujet est devenu moins économique que politique. Dans plusieurs pays dont la France, des objectifs très ambitieux de réductions de la part de la motorisation à l’essence et au gas-oil ont été annoncés et des subventions  conséquentes ont été octroyées aux acheteurs. Pour l’instant, cette action n’a eu aucun succès puisque les ventes dépassent chaque année à peine 1% des immatriculations. La raison est simple. Ces véhicules ne répondent pas aux attentes des consommateurs du fait de leur faible autonomie (aujourd’hui moins de 400 kms) et surtout des conditions de rechargement. Si l’habitant d’une maison individuelle peut facilement installer une prise dans son garage et recharger son véhicule pendant la nuit, il pourra certes chaque jour se rendre à son travail mais il ne pourra pas partir en vacances avec ses enfants. On imagine le nombre d’heures d’attente dans une station au bord d’une autoroute un jour de grand départ. Pour obtenir un changement des comportements, il faut que les solutions alternatives proposées répondent à une attente et cela peut aller très vite. Le basculement du charbon vers le gaz naturel pour produire de l’électricité a été spectaculaire aux Etats-Unis et emprunte la même voie en Chine parce que les opérateurs y ont vu, grâce à l’écart de prix, un intérêt immédiat. Cela a contribué significativement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et aux rejets de particules. On est loin de ce modèle avec le passage à la voiture électrique qui même subventionné ne saurait répondre pour des raisons techniques aux attentes des clients.

Les progrès significatifs qui pourraient être accomplis grâce à de nouvelles batteries ne constituent pas un bon argument car cela incite les acheteurs potentiels à attendre. Aujourd’hui,  deux voitures achetées sur trois sont des véhicules d’occasion. Les rares possesseurs d’un véhicule électrique ont le plus grand mal à le revendre. S’il se confirme que des véhicules bien plus performants arriveront bientôt sur le marché, personne ne prendra le risque, même avec de fortes subventions, d’acquérir un modèle aujourd’hui qui deviendra obsolète très vite et qu’il sera presque impossible de revendre. A cela s’ajoute les changement de comportement des automobilistes qui s’oriente de plus en plus vers des SUV lesquels seront encore plus difficiles à alimenter que les petits modèles. On pourrait aussi ajouter à ces obstacles la crise qui frapperait les distributeurs d’essence et leur raréfaction avec de lourdes conséquences pour l’immense majorité des automobilistes qui continueraient à utiliser leurs véhicules traditionnels pendant la période de transition. La politique en faveur des voitures électriques se trompe de cible car il existe de nombreuses utilisations qui seraient parfaitement adaptées à leurs capacités actuelles et futures, les taxis, les véhicules de livraison ou des services publics, comme la Poste. Curieusement, rien n’est fait pour faciliter leur adoption.

Pour redorer leur image, les industriels multiplient les effets d’annonce et engagent de lourds investissements. Leur priorité est d’amortir le choc industriel qui va être provoqué par l’extinction progressive et salutaire de la motorisation au diesel. Les constructeurs allemands sont les plus offensifs chez eux comme à Bruxelles sur ce terrain. Quant aux politiques, ils s’adressent au grand public pour conforter leur image de défenseur de l’environnement en entretenant la confusion entre les effets dommageables au niveau local des rejets de particules des moteurs diesel dans l’atmosphère et les conséquences indiscutables sur le climat des émissions de CO2. Mais en France, ils semblent sous-estimer les conséquences industrielles de leurs initiatives. En orientant nos constructeurs sur une fausse piste, ils risquent de les affaiblir comme quand, au milieu du désert, on croit voir une oasis.

         

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