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Le blog d'Alain Boublil

 

Bruxelles et le CO2

La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre a maintenant pris une place essentielle dans la plupart des pays et est devenue un enjeu politique majeur. Les institutions européennes sont concernées et sont le lieu d’affrontements parfois sévères entre les Etats. Mais cela peut déboucher sur des prises de position ou des décisions qui ont un effet opposé aux objectifs recherchés. Les émissions totales liées à la production et à l’utilisation des énergies fossiles, calculées en intégrant le méthane et les conséquences du « flaring » du gaz autour des gisements telles que les calcule BP chaque année montrent que le niveau de l’Union Européenne est faible (3 bn tonnes) comparé aux Etats-Unis (5,2 bn tonnes) et surtout à la Chine (12 bn tonnes).

Le réchauffement climatique provient de l’accumulation au fil des années de ces émissions. Il faut donc de relativiser celles des pays en développement comme la Chine, l’Inde ou même l’Indonésie qui n’ont commencé que tardivement à les générer alors que les pays occidentaux le font depuis les débuts de la révolution industrielle. Il convient aussi de rapporter les émissions à la population. Les Etats-Unis font alors figure de très mauvais élève, comme le Canada, en émettant par habitant deux fois et demi plus que l’Union Européenne et près de trois fois plus que la France. Au sein de l’Union, les différences sont aussi très marquées, notamment entre la France et l’Allemagne.  

Le régime juridique européen indique que les politiques énergétiques relèvent de la seule compétence des Etats, comme par exemple la fiscalité directe. Il leur appartient donc de prendre les mesures appropriées pour attendre les objectifs adoptés au niveau communautaire. Ce régime impose que la production et la distribution d’énergie doivent être ouverts à la concurrence, même si cette règle ne s’applique pas aux infrastructures. Ce cadre légal avec la libéralisation des marchés et notamment celui de l’électricité a été un facteur aggravant de la crise énergétique intervenue après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, lequel s’est traduit en plus par un rebond de l’utilisation des énergies fossiles.

A partir des années 2010, il a été largement considéré que pour réduire les émissions générées par la production électrique, la solution était le développement des énergies renouvelables. Le nucléaire en a été exclu. La catastrophe de Fukushima, même si elle fut d’abord un tsunami qui a provoqué des milliers de décès, a donné à plusieurs pays au premier rang desquels figurait l’Allemagne, une bonne raison pour stopper tout projet de construction de nouvelles centrales et d’adopter un programme de fermeture des centrales existantes. Cela, en apparence, n’allait pas à l’encontre des objectifs européens de réduction des émissions de CO2 puisque les énergies renouvelables, l’éolien et le solaire devaient les remplacer.

Ce choix fut même validé par la France qui annonça en 2015 que le pays allait à terme ramener la part du nucléaire dans son mix électrique à 50% et qu’il renonçait à construire de nouvelles centrales. En même temps sous la pression de son voisin, le gouvernement s’engageait à fermer les deux unités de la centrale de Fessenheim. Un mécanisme, imposé par Bruxelles, forçait aussi EDF à fournir une part substantielle de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix très inférieur à celui du marché. L’entreprise, qui avait été le principal contributeur à la réduction des émissions de CO2 de la France se trouvait alors doublement pénalisé. L’absence de perspectives incitait le personnel hautement qualifié à se reconvertir et la situation financière et les compétences techniques de l’entreprise étaient fragilisées.

Les aides à la transition énergétique autorisées par Bruxelles et les fonds européens facilitant son financement excluaient le nucléaire de leur champ d’intervention. Mais les énergies solaires et éoliennes sont par nature intermittentes, ce que tout le monde savait. Leur développement nécessitait des capacités de production disponibles l’hiver quand la nuit tombe tôt ou l’été quand il n’y a pas assez de vent. En l’absence du nucléaire, il restait les centrales à gaz et au charbon, ce que Bruxelles ne pouvait ignorer. Le choix allemand ne consista pas, finalement, à réduire ses émissions, mais à consolider ses relations avec Moscou, en investissant pour accroître ses importations de gaz naturel (North Stream 1 et 2), et protéger les emplois dans ses mines de charbon, qui étaient situées dans des länder stratégiques pour que la coalition en place reste au pouvoir.

La crise consécutive aux sanctions prises contre la Russie a montré à quel point le modèle de transition énergétique imaginée à Bruxelles pour réduire les émissions de CO2 était inefficace. Les prix des énergies fossiles ont explosé ce qui a contribué au déclenchement d’une vague inflationniste sans précédent depuis le deuxième choc pétrolier et il a fallu, même en France remettre en service une centrale à charbon dont l’arrêt avait été programmé. Il est aussi hautement probable que dans plusieurs pays cela ait abouti à un rebond des émissions de gaz à effet de serre.

Mais le principal perdant a été la France qui, en ne cherchant pas à infléchir quand il en était encore temps les positions européennes, a affaibli son outil de production nucléaire et a même, au pire moment, fermé une centrale. Les retards dans les opérations de maintenance due à l’épidémie et l’apparition d’un phénomène de corrosion dans plusieurs unités ont conduit à une chute des capacités disponibles et de la production, quand justement les prix atteignaient des sommets et alors qu’EDF devait céder, malgré capacités réduites, une partie de sa production à un prix sans rapport avec celui du marché. Un chiffre montre l’ampleur des conséquences : en 2021, le solde exportateur d’électricité de la France était de 45 TWH. En 2022, il était déficitaire de 15 TWh.

La décision d’interdire à partir de 2035 la vente de voitures à moteur thermique risque d’avoir des conséquences tout aussi dommageables. Approuvée par tous les pays, elle est maintenant contestée par l’Allemagne, premier producteur, et de loin, de véhicules. Il n’est pas garanti que la hausse des consommations d’électricité qui en résultera, sera assurée par des sources de production non émettrices de CO2. La production des batteries représentera une part très importante du coût des véhicules. Comme cela nécessite beaucoup d’énergie, si celle-ci n’est pas décarbonée, l’intérêt de la mesure est réduit d’autant alors que son coût financier et humain sera considérable. Enfin, rien ne permet d’être certain que la sécurité des approvisionnements en matières premières essentielles sera assurée.

Deux leçons devraient être tirées pour les choix européens futurs relatifs à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La première, c’est de s’assurer de la disponibilité permanente du mode de production d’énergie, comme des matières premières nécessaires sachant, l’expérience récente le montre, qu’aucun Etat n’est prêt à être confronté à une pénurie. La seconde, c’est que c’est toute la chaîne de production des composants et des émissions qui en découlent qui doit être prise en compte dans les choix en faveur de l’environnement et pas seulement l’assemblage final

Il est illusoire de se satisfaire d’une apparence de réduction des émissions si la sécurité de la production d’énergie ou d’un bien essentiel ne peut être assurée. Et il serait imprudent de choisir un système énergétique qui aboutirait à des prix trop élevés dans un monde où la concurrence internationale s’intensifie alors que le niveau des émissions en Europe et particulièrement en France est très inférieur à celui de ses principaux concurrents.         

          

     

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