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Le blog d'Alain Boublil

 

3,01% : le taux d'intérêt des obligations françaises à 10 ans

Selon les derniers chiffres publiés le 17 février par l’Agence France Trésor, le taux des OAT françaises à dix ans a franchi le seuil des 3% pour la première fois depuis la crise de l’euro. La politique accommodante de la Banque Centrale Européenne menée alors par Mario Draghi pour sauver la monnaie des Etats-membres avait provoqué une chute des taux d’intérêt touchant toutes les maturités. L’inflation s’était rapprochée de zéro au point que Francfort s’était fixé comme objectif non plus de lutter contre l’inflation mais au contraire de faire remonter celle-ci à un niveau proche mais inférieur à 2%, l’objectif implicite figurant dans son mandat.

Tout a changé avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions adoptées contre Moscou. Les prix des énergies fossiles et notamment du gaz naturel ont connu une forte hausse. La rupture des chaines d’approvisionnement en matières premières comme en composants pour l’industrie ont provoqué une augmentation des prix à la consommation dans toute l’Europe allant de 6% en France à bien au-delà de 10% dans de nombreux autres Etats. A partir du mois de juillet 2022, la BCE a relevé ses taux directeurs qui étaient négatifs ou nuls depuis 2014, de 0.75% à trois reprises puis deux fois de 0,5% conduisant ceux-ci entre 2,5 et 3,25%..

Aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale dès le mois de mars avait entamé une série de relèvements. Son taux directeur est passé ainsi de 0.25% à 4,50%. La dernière hausse de 50 points de base a été interprété par les marchés financiers comme le signal que la politique restrictive arrivait à son terme. Rien n’est moins sûr car l’inflation américaine reste encore au-dessus de 5%.

En même temps, la BCE ralentissait progressivement ses achats de dettes publiques sur les marchés financiers, se contentant désormais de réinvestir le montant des titres arrivant à maturité. Durant le second semestre et depuis le début de l’année, les taux à moyen et long terme des émissions de l’Etat en France ont donc eux aussi remonté pour atteindre 3% à un moment où l’endettement de l’Etat s’était fortement accru du fait des politiques adoptées pour faire face à la crise sanitaire puis aux conséquences de la guerre en Ukraine.

Les effets sur les entreprises et les ménages ne doivent pas être surestimés car dans la majorité des cas, ceux-ci, à la différence de ce qui est pratiqué dans de nombreux pays de l’Europe du Nord, se sont endettés à taux fixe. Les hausses n’auront d’effet que sur les nouveaux emprunts dont les taux restent très inférieurs à l’inflation. Le poids des frais financiers ne devrait pas beaucoup augmenter dans les entreprises. Pour les ménages, on devrait observer un certain attentisme dans le secteur de l’immobilier comme en témoigne l’absence de reprise dans la construction neuve. Les mises en chantiers de logements en 2022 sont restées inférieures à 400 000.

Le secteur bancaire est, lui, confronté à une courbe des taux de plus en plus plate qui affectera ses marges. L’écart entre les taux pratiqués à deux ans et à vingt ans est presque nul. Or la rentabilité des établissements financiers provient pour partie de la possibilité de se financer à court terme à des taux faibles pour prêter à plus long terme avec des taux nettement plus élevés. Cette possibilité en 2023 a quasiment disparu.

L‘Etat et les collectivités publiques vont être confrontés à un alourdissement de la charge présente et future de leurs dettes. Plusieurs facteurs contribuent à cette augmentation. Il y a d’abord l’augmentation de l’endettement causée par l’accumulation des déficits budgétaires. Mais, comme on l’a vu ces dernières années, la charge s’accroit bien moins et peut parfois diminuer si les taux d’intérêts des nouveaux emprunts sont inférieurs au taux moyen de la dette accumulée dans le passé. Comme les émissions sont à taux fixe, quand l’une arrive à l’échéance et est remplacée par une émission portant un taux plus faible, le coût diminue. Entre 2021 et 2022, la charge des intérêts sur les obligations à moyen et long terme s’est réduite, passant de 34,2 à 33,2 milliards. En 2023, elle sera de 32,7 milliards.

Il n’en va pas de même pour la dette à court terme et les émissions de BTF. Jusqu’à l’été 2022 l’Etat s’est financé à des taux négatifs ou nuls. Tout a changé avec les relèvements de taux successifs de la BCE qui se sont immédiatement répercutés sur les taux des BTF lesquels ont atteint 2,5% au mois de décembre. Cela explique une partie de la hausse de la charge totale de la dette entre 2021 et 2022 qui est passée de 38 milliards à 51 milliards.

L’autre facteur de hausse bien plus inquiétant à moyen terme est l’indexation sur les prix d’environ 10% des émissions passées. Chaque année l’Etat paye lors de l’amortissement la facture de cette indexation qui a été de plus de 5 milliards en 2022. Or celle-ci est basée alternativement, suivant les années, sur l’inflation française et, ce qui est plus inquiétant sur celle de la zone euro qui est bien plus élevée. Si cette tendance se poursuit, la charge au moment de l’amortissement ne cessera de croître, indépendamment de l’évolution des taux d’intérêt.  

Le dernier facteur qui influe sur la charge de la dette est la stratégie d’émission de l’Agence France Trésor. Quand les taux longs étaient très bas, l’AFT a souvent émis à des taux supérieurs à ceux du marché et encaissé les primes d’émission que les souscripteurs acceptaient de payer en contrepartie de ces taux. Cela réduisait les besoins en trésorerie de l’Etat sans être une source d’économie puisque les taux à court terme étaient alors négatifs ou nuls. Mais cela accroissait le montant des intérêts futurs à payer. Depuis la hausse des taux, l’AFT, probablement pour satisfaire la demande des investisseurs, a adopté la politique inverse. Elle émet à des taux inférieurs aux taux du marché mais avec une décote, ce qui a pour conséquence de nécessiter un recours accru aux financements à court terme qui eux ont maintenant un coût élevé et cela alourdit les charges de l’exercice. La prévision d’une stabilité de la charge de la dette par rapport à 2022 inscrite dans la loi de finances pour 2023 semble optimiste, malgré le caractère exceptionnel en 2022 de la reprise d’une partie la dette de la SNCF.

Deux facteurs incitent pourtant à nuancer les messages alarmants que l’on trouve souvent dans les déclarations d’hommes politiques reprises dans les médias. La première concerne l’écart de taux avec l’Allemagne, pays beaucoup moins endetté que la France. Le spread reste autour de son niveau structurel de 45 points de base. Les investisseurs ont donc conservé leur confiance à l’égard du pays et continuent à souscrire à ses émissions. Le second est relatif à l’action passée de la BCE qui détient maintenant près de 30% de la dette de l’Etat français. Comme celui-ci est son deuxième actionnaire, c’est un peu comme si l’Etat se prêtait à lui-même. Mais cette proportion est inférieure à celle des Pays-Bas (48,5%) et de l’Allemagne (43,6%).

La principale source d’inquiétude pour l’évolution future du coût de la dette est donc bien l’inflation. La hausse des prix est largement supérieure au niveau des taux d’intérêt. Pour réduire ce risque et préserver l’avenir, il convient d’abaisser autant que possible les volumes d’émissions indexées sur les prix français et encore plus sur celles indexées sur les prix de la zone euro.            

 

 

    

 

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