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Le blog d'Alain Boublil

 

Les clignotants sont au vert...pour l'instant

La publication de la première estimation de la croissance française pour le deuxième trimestre par l’INSEE a constitué une agréable surprise. La hausse du PIB de 0.5% a largement dépassé les prévisions qui la situait plutôt autour de 0.2%, ce qui aurait juste effacé la baisse observée pour le premier trimestre. L’acquis de croissance pour 2022 est désormais de 2,5%, ce qui signifie que si l’économie stagne durant le deuxième semestre, c’est ce chiffre qu’il faudra retenir pour l’ensemble de l’année, ce qui placerait le France en bonne position parmi les économies de la zone euro, l’Allemagne par exemple étant confrontée à un risque réel de récession.

Mais ce résultat cache une certaine hétérogénéité des composantes de la demande. La consommation des ménages ne se redresse pas, bien au contraire puisqu’après une diminution de 1,3% lors du 1er trimestre, elle régresse encore de 0.2%. En revanche, les dépenses d’investissements des entreprises et des collectivités publiques continuent de croître au même rythme de 0.5%. Le principale cause du rebond économique est la contribution très positive (+0.4%) des échanges extérieurs, qualifiés à tort de commerce extérieur. Elle résulte de la forte reprise des arrivées de touristes étrangers en France qui a provoqué une croissance élevée, près de 9%, des dépenses d’hébergement et de restauration. Mais il ne faut pas se tromper, la balance commerciale qui recense les échanges de biens, à ne pas confondre avec les échanges de services, est restée lourdement déficitaire et ce déficit s’est même accru depuis le début de l’année. Une des faiblesses majeures de l’économie française n’est donc pas en train d’être corrigée.

Ce rebond de la croissance a eu des effets positifs sur l’emploi. Le nombre de chômeurs en catégorie A avait baissé 169 100 unités au 1er trimestre. Cette tendance s’est poursuivie, mais à un rythme bien plus faible avec une réduction de 26 500 demandeurs d’emploi ces trois derniers mois, ce qui reflète plus la difficulté structurelle du marché du travail à trouver un bon ajustement entre l’offre et la demande, qu’une activité insuffisante. L'emploi salarié dans le secteur privé s'est néanmoins accru de plus de 100 000 postes au deuxième trimestre. Le taux de chômage a continué de baisser pour atteindre 7,3%, un niveau bien supérieur à nombre de nos partenaires économiques, mais qui n’avait plus été atteint depuis près de 20 ans.

Troisième facteur positif, l’environnement financier est, au moins pour l’instant plus favorable. L’euro s’est stabilisé face au dollar au-dessus de la parité après une baisse de 10% depuis le début de l’année et les marchés financiers semblent rassurés par le compromis trouvé par les banques centrales entre la nécessaire action pour lutter contre l’inflation et l’indispensable prudence à adopter pour éviter qu’une crise financière majeure se déclenche. La première hausse du taux directeur de la Banque Centrale Européenne depuis plus de dix ans comme les hausses successives de la Federal Reserve à Washington, ont donc été bien accueillies.

L’indice CAC 40 a ainsi connu une forte reprise au mois de juillet effaçant plus de la moitié des pertes observées depuis le début de l’année grâce aussi aux résultats en forte augmentation de la plupart des entreprises cotées. En même temps, ce qui a été peu signalé, les taux d’intérêt à long terme que paye l’Etat ont connu une chute spectaculaire. Supérieur à 2% au mois de juin, le taux de l’OAT à 10 ans est retombé le 1er août à 1,35%. Si l’écart avec le Bund de même maturité reste élevé et supérieur à 50 points de base, cette baisse traduit la confiance des investisseurs dans l’économie française et dans la capacité du pays à rétablir ses finances publiques.

Le principal, sinon le seul point faible, concerne l’inflation, certes inférieure à celle des autres membres de la zone euro, mais très élevée, ce qui constitue une menace pour le pouvoir d’achat, donc sur la consommation des ménages et la croissance. Contrairement à ce que l’on a pensé, le phénomène n’a pas été transitoire mais un ralentissement est prévisible durant les prochains mois en raison d’un « effet de base ». Les prix de l’énergie ne vont pas connaître une nouvelle et violente hausse dans les mois à venir comme celle intervenue au premier semestre et les indices vont intégrer cette situation, ce qui pourrait se répercuter sur les autres biens.

Au total, la situation de l’économie française est meilleure que prévue mais cela ne doit pas faire oublier les risques majeurs auxquels elle reste confrontée et aux incertitudes concernant la zone euro. La guerre en Ukraine est loin d’être terminée et les tensions sur les approvisionnements en énergies fossiles vont demeurer. Une pénurie de gaz naturel pourrait frapper certains pays européens, au premier rang desquels figure l’Allemagne, même si le pays décidait de prolonger l’activité de ses dernières centrales nucléaires. L’industrie allemande pourrait être contrainte de fermer des centres de production, ce qui aurait forcément des conséquences dans toute l’Europe.

L’environnement international va être moins favorable. Les Etats-Unis sont rentrés en récession, même si, grâce à la prudence de la Federal Reserve, cela ne s’est pas traduit par une chute de la Bourse, avec les conséquences que cela aurait pu avoir sur les autres places financières. La Chine est confrontée à des problèmes structurels qui vont forcément peser sur sa croissance, une démographie moins favorable, une crise immobilière qui va paralyser un secteur clé de l’économie et les séquelles de la politique du Zéro Covid qui vont affecter pendant longtemps de nombreux secteurs industriels stratégiques pour les entreprises européennes qui se fournissent en composants et en pièces détachées.

Mais la principale inquiétude pourrait concerner la solidité de la zone euro. Jusqu’à présent la monnaie unique a permis aux Etats de financer leurs politiques de lutte contre les conséquences économiques de l’épidémie dans les meilleures conditions possibles. Le Parlement Européen a adopté un vaste programme de relance financé de façon communautaire, ce qui a constitué une innovation majeure. La BCE est allée plus loin et vient d’adopter un dispositif d’intervention sur le marché des dettes publiques destiné à réduire les écarts de taux d’intérêt entre les Etats et à renforcer l’union monétaire. Elle s’est ainsi inscrite dans le prolongement de l’action de Mario Draghi qui avait il y a dix ans, adopté une politique volontariste et mis un terme à la crise de l’euro avec le « quoi qu’il en coûte ».

Devenu chef du gouvernement italien, il avait continué à contribuer à la solidité de la zone euro en redonnant à son pays, la troisième économie de l’Union Européenne, sa crédibilité. La crise politique qui vient d’intervenir, sa démission, d’abord refusé puis confirmé du fait de la rupture de la coalition qui l’avait porté au pouvoir et la convocation d’élections anticipées au mois de septembre constituent pour l’Europe et pour l’euro une menace majeure. Jusqu’à présent, les marchés des changes n’ont pas intégré ce risque. Mais la publication éventuelle de sondages au mois de septembre laissant prévoir soit que le pays sera ingouvernable, soit, ce qui serait pire qu’une majorité souverainiste et anti-européenne pouvait l’emporter, ne pourra pas ne pas avoir de lourdes conséquences économiques et financières pour l’ensemble de la zone euro.  

Les clignotants sont donc plutôt au vert pour l’économie française mais la rentrée au mois de septembre sera tout sauf paisible. On craignait que l’absence d’une majorité absolue paralyse l’action gouvernementale. Jusqu’à présent, cette crainte n’a pas été fondée. En revanche, l’apparition d’une majorité absolue en Italie défavorable à l’Europe, présente un risque réel et systémique.              

 

 

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